Tendre vers la couverture sanitaire universelle nécessite certainement d'agir sur les grandes populations, mais cela mérite à coup sûr d'accorder une attention particulière aux exclus, notamment ceux qui le sont non pas pour des critères socioéconomiques, mais à cause d'une conception rigide de régimes encadrés par des textes juridiques acerbes. Monsieur X. Y., âgé de 30 ans, bénéficie du régime d'assurance maladie obligatoire pour les salariés du secteur privé en tant qu'ayant droit, son père percevant une pension de retraite. X. Y., en situation de handicap moteur, en bénéficie sans limite d'âge selon le dispositif juridique en vigueur. Une fois marié, et étant chef d'une petite famille à faible revenu, et à l'occasion d'un épisode morbide pour son jeune enfant, X. Y. a essayé de soumettre un dossier pour faire bénéficier sa famille du régime d'assistance médicale. La réponse a été un non catégorique du fait de son immatriculation au régime AMO, et son enfant n'a pu par conséquent bénéficier de soins appropriés. Que faire ? La seule option possible, légalement et d'un point de vue pratique, est de présenter un dossier par sa conjointe qui doit se déclarer «femme mariée délaissée». Quoi de plus agressif que de se retrouver obligée de se déclarer «délaissée» pour pouvoir bénéficier du régime d'assistance médicale et faire bénéficier l'enfant de soins médicaux appropriés s'ils sont disponibles? Un exemple, parmi d'autres, pour monter que la fragmentation des régimes de couverture médicale nécessite beaucoup de mesures d'accompagnement pour éviter l'exclusion des populations nécessiteuses. À défaut, les grands chantiers fondés sur de bonnes intentions deviennent des machines à broyer. Les réglementations censées faciliter la mise en œuvre se muent alors en complications. Un autre exemple non moins important. Certains salariés du secteur privé qui sont immatriculés au régime d'assurance maladie obligatoire sur la base d'un revenu stable mais d'un emploi précaire posent des fois le problème d'ouverture de droit en cas de non satisfaction des cotisations dues. L'attractivité du régime d'assistance médicale, qui offre un panier plus généreux, pousse cette population à soumettre des dossiers pour bénéficier de ce mode de couverture. Cet état de fait se heurte au contrôle de la double immatriculation qui rejette théoriquement leur éligibilité au régime d'assistance médicale puisqu'ils sont assujettis au régime d'assurance maladie obligatoire qui les reconnaît en tant qu'immatriculés à droits fermés. Cet étau prive cette catégorie de soins, sauf lorsque l'administration trouve des solutions transitoires. Les régimes de couverture médicale de base mis en place au Maroc ont certainement évolué depuis 2002, et la gestion quotidienne révèle de nombreux cas où il faudrait être plus réactif tout en renforçant les mécanismes de contrôle afin de lutter contre la fraude et garantir les équilibres financiers des régimes. L'importance des flux financiers, la multitude des acteurs, la redevabilité et la responsabilité politique des actions préconisées sont autant de facteurs qui exigent d'apporter une nouvelle pierre à l'édifice de la couverture médicale de base, d'intégrer les régimes de manière à apporter des solutions aux usagers et non pas seulement prononcer des rejets empêchant l'accès aux soins. En définitive, et à l'occasion de la Journée internationale de la couverture sanitaire universelle, rappelons que le patient doit être au centre du système de santé et de la protection sociale, sa principale préoccupation. Sauvegarder les intérêts des assurés, des bénéficiaires des régimes d'assistance, de leurs ayants droit reste la clé de voûte pour garantir les principes fondateurs énoncés dans le Code de la couverture médicale de base. À cet égard, la gestion intégrée des régimes est cruciale et la gestion de l'interface entre le système de santé et le système de couverture médicale de base est déterminante pour l'effectivité de l'accès aux soins, droit dorénavant constitutionnel. L'Etat devra concevoir et déployer les mécanismes appropriés pour assurer la bonne gouvernance, la transparence et la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes pour les acteurs de la couverture médicale de base. La prise en compte de l'usager dans le système est non moins importante. Son rôle doit être renforcé dans la participation à la prise de décision par une meilleure expression de ses besoins et attentes. Son information sur la performance du système des soins et sur les améliorations apportées concernant l'offre de soins vont de pair avec les efforts visant à faire d'eux des utilisateurs plus rationnels, plus responsables. Abdelmajid Sahnoun Docteur en médecine, diplômé de l'Institut supérieur de l'administration