Diffusion de messages biaisés, racistes et xénophobes, tendance à l'amplification des problèmes liés à la migration, stigmatisation, traitement simpliste des questions migratoires... Autant de reproches faits aux médias lors des Assises de l'UPF. Experts et journalistes critiquent ouvertement le traitement médiatique des questions migratoires, thème choisi par l'Union de la presse francophone pour ses 47e assises qui prennent fin aujourd'hui à Tsaghkadzor (Arménie), après trois jours de débats. Les interventions et témoignages sur cette question se suivent et se ressemblent. La presse donne une image négative et incomplète de la situation des migrants au lieu de poser des questions sur les véritables problèmes de l'immigration, selon Mohamed Zaman Khan, journaliste, écrivain et réfugié (Afghanistan). Les médias sont invités à faire preuve de prudence dans le traitement des maux de la migration. Le constat est presque unanime : le dossier n'est pas analysé en profondeur par les journalistes, surtout dans les pays du Nord. «On ne retient de l'immigration que le sensationnel. Les médias véhiculent l'image la plus détestable et la plus terrible de la question migratoire», tient à souligner Nasser Kettane, patron de Beur-FM (France). Il faut dire aussi que les journalistes ne disposent pas de suffisamment de moyens financiers pour se rendre sur le terrain et mener des investigations approfondies sur le phénomène. Mais cela ne constitue pas pour autant une excuse pour se contenter d'un traitement simpliste, selon nombre de professionnels. À cet égard, le lancement de la réflexion s'impose sur la manière avec laquelle les journalistes pourraient traiter les différents aspects du dossier avec objectivité et professionnalisme, tout en œuvrant à faire adhérer à ce processus les acteurs tant politiques qu'économiques en vue de pallier la problématique ayant trait aux ressources financières. Les médias -surtout dans les pays d'accueil- sont appelés à porter un grand intérêt aux causes de la migration dans les pays d'origine pour cerner la problématique et pouvoir, ainsi, jouer pleinement leur rôle de quatrième pouvoir. Le défi des médias traditionnels Il est grand temps de mettre fin à l'uniformisation des discours dans les différents supports médiatiques, qui est pointée du doigt par les professionnels. Les journalistes ne doivent, en effet, pas se contenter de décrire les faits, mais une grande responsabilité leur incombe pour analyser de fond en comble la situation. De cette manière, ils peuvent contrer les préjugés, le racisme et la xénophobie au lieu de relayer des messages négatifs voire erronés et biaisés, souvent par manque de rigueur. Il en va de la crédibilité des médias qui font aujourd'hui face à un grand défi: celui de restaurer la confiance perdue dans la presse traditionnelle. À ce titre, une question se pose avec insistance: faut-il se faire l'écho des discours racistes extrémistes qui émergent de plus en plus sur la scène politique? Pierre Ganz, journaliste et vice-président de l'Observatoire de la déontologie de l'information en France, est catégorique: ces discours ne doivent pas être occultés par les médias, mais il faut plutôt les déconstruire et les contrer par des faits concrets. «Il ne faut jamais donner à ceux qui véhiculent des discours extrémistes l'antenne seuls», insiste-t-il. Par ailleurs, il s'avère important de faire renaître la confiance dans les médias traditionnels, surtout auprès des jeunes. Ce point a été passé au crible lors d'un atelier sur les réseaux sociaux qui sont, certes, des leviers de mobilisation et de solidarité, mais peuvent aussi être des outils de manipulation et de trafic de migrants. Des efforts commencent à être déployés pour pallier les fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux, comme l'initiative «InfoMigrants», un site d'information dédié aux migrants, demandeurs d'asiles et réfugiés. Amara Makhoul, rédactrice en chef de cette plateforme, financée par l'Union européenne, souligne la nécessité de donner aux personnes concernées des informations sur les dangers de la route, les défis de l'intégration, les difficultés dans les pays d'accueil notamment en Europe…Tous les efforts seront vains sans des actions renforcées pour l'éducation des jeunes à l'usage des réseaux sociaux pour éviter qu'ils soient des proies faciles pour les manipulateurs et les trafiquants en tous genres. Fatima El Ouafi, journaliste, secrétaire générale de la rédaction des «Inspirations ECO», abonde dans la même veine. Elle estime qu'il faut travailler sur les causes de l'immigration qui poussent nombre de personnes à s'exiler bien qu'elles connaissent les risques qu'elles encourent. La sensibilisation est aussi de mise pour jeter la lumière sur tous les aspects liés au phénomène de la migration. Il s'agit notamment de l'image positive et enjolivée que les immigrés tiennent à véhiculer sur leurs conditions de vie malgré les difficultés qu'ils rencontrent dans les pays d'accueil, comme le souligne Fatima El Ouafi.