Lesechos.ma : L'année 2011 en 1 tweet ? Ahmed Réda Chami : 140 caractères pour résumer 365 jours? Dur, ce que vous me demandez là. En 2 hashtags (marqueurs web) : #travail et #conviction. Avancer, avancer... toujours avancer... et garder le cap! Mode Bluetooth permanent. Quel est l'apport concret du Plan Maroc Numeric 2013 à l'économie numérique marocaine ? Deux ans après son lancement, le Plan Maroc Numeric 2013 porte une dynamique soutenue de réalisations. Nous sommes dans les temps, mais le cap doit être maintenu. Je ne vais pas trop entrer dans les chiffres, mais plutôt en souligner quelques-uns, qui reflètent bien la dynamique du Plan et des apports, qui se mesurent à différents niveaux. Prenons d'abord le domaine de l'éducation. C'est un sujet fondamental qui me tenait et qui me tient toujours à cœur, parce qu'il concerne la génération de demain. Imaginez l'opportunité pour l'étudiant(e) avec le programme Injaz. Pour 600 DH, il a accès à un ordinateur et à Internet haut débit. Injaz a bénéficié à ce jour à 26.260 étudiants (en 2 ans). 40.000 sont prévus pour cette rentrée, avec l'étape importante de la généralisation à toutes les filières du 2e cycle de l'enseignement public supérieur. Les niveaux primaire et secondaire ne sont d'ailleurs pas en reste. Le programme Génie vise à préparer l'enfant et l'adolescent aux TI, avant qu'Injaz ne prenne le relais. En 2008, 2.000 établissements scolaires publics étaient équipés en TI (20%). À fin 2010, ce sont près de 5.200 établissements connectés (soit 56 %). D'ici 2013, ce sera 100%, si le rythme est maintenu ! Donnez aux jeunes et à leurs professeurs l'accès aux nouvelles autoroutes de l'information, vous observerez un effet de levier sur leur courbe d'apprentissage et leur ouverture d'esprit. Ce plan stratégique est également porteur d'une vision sociale majeure... C'est en effet, le deuxième apport de Maroc Numeric qui relève du programme e-gouvernement, à savoir le rapprochement de l'administration avec les citoyens et les entreprises. Il dispose d'un plan d'actions clairement défini, un budget alloué, avec des départements ministériels porteurs des projets e-gov dans leurs domaines respectifs. Il existe un cadre de gouvernance que le ministre de l'Industrie, du commerce et des TIC préside et qui assure chaque trimestre la coordination et l'arbitrage. On compte aujourd'hui 24 services e-gov en cours de réalisation et plus d'une vingtaine déjà opérationnels. Pour les projets en cours, vous avez notamment la Création d'entreprise en ligne (Creol), la dématérialisation de la commande publique, le SIE-éducation, etc. Pour ne citer que quelques uns déjà opérationnels : e-déclarations sociales, e-consulat, passeport.ma, la certification électronique, Simpl-IR, Simpl-IS, Simpl-TVA, BADR, etc. Il faut aussi relever la prise de rendez-vous en ligne dans les hôpitaux (avec des pilotes en cours de généralisation) et évidemment le lancement de www.watiqa.ma, le 1er guichet unique de commande en ligne de documents administratifs (avec pilote état-civil dès janvier 2012). Je suis content d'en avoir vu le lancement avant mon départ du ministère. Cette initiative va permettre aux citoyens, à l'échelle nationale, quelle que soit la commune de naissance et le lieu de résidence, de pouvoir recevoir à domicile le document commandé en ligne. Pour ceux ne disposant pas d'Internet, les cybercafés, les centres d'accueil communautaires ou les bureaux de poste peuvent être de très bons relais. Tous ces services illustrent des réalisations concrètes, avec une vraie dynamique orientée «simplification», à chaque moment de votre vie. Je tiens par ailleurs à souligner que l'e-gouvernement n'existerait pas sans la participation des citoyens. En termes plus clairs... La richesse des contributions sur le site fikra.egov.ma l'illustre parfaitement. Ce portail permet d'assurer le lien, de traduire les demandes en réalisation et leur faire-savoir. Quid de l'apport de Maroc Numeric 2013 sur l'économie nationale ? Avec l'appui de l'ANPME, jamais la PME/TPE (90% du tissu industriel) n'a été autant soutenue pour l'informatisation de ces process (véritable levier de productivité) : subventions, facilitation, équipement, programme de sensibilisation et de prise en mains des TI. Moussanada TI offre un large catalogue d'offres sectorielles (textile, habillement et cuir, agro-alimentaire, automobile, aéronautique, experts comptables) et génériques. Pour les TPE, Infitah permet, un peu partout dans le pays, à des artisans, des boulangers, des pharmaciens, de se réunir, de se rencontrer, de s'équiper, avec des sessions d'initiation et de formation. 1.453 permis numériques ont à ce jour été délivrés. Il y a lieu de signaler également le programme Rawaj TI, qui permet l'informatisation des commerces de proximité. Et cela doit continuer... Enfin, et non des moindres, l'impact de Maroc Numeric sur l'industrie des TI. Il s'agit d'en faire un contributeur de l'économie numérique, à travers notamment les initiatives de l'Offshoring. Cette action a permis au Maroc de se hisser parmi les premières destinations francophones des plus gros acteurs des TI (déjà présents à Casablanca et Rabat, et à venir pour Fès avec FèsShore). Pour le développement de cette industrie, à savoir-faire local, et pour soutenir les initiatives innovantes, des partenariats-publics-privés ont été créés (Maroc Numeric Cluster), des fonds proposés via le Maroc Numeric Fund et le Fonds de l'innovation (qui intègre les entreprises TI). J'avais dit que je ne parlerais pas trop de chiffres (sourire), mais finalement, c'est le meilleur moyen de décrire avec rigueur un état des lieux. Allez-y... Je ne serais pas complet si je n'évoquais pas une priorité transverse au développement de l'économie numérique, celle de la «confiance numérique». Cette mesure permet de garantir un environnement de confiance pour que l'usager s'approprie naturellement (et sereinement) les TI. Pour cela, il y a eu la création du CERT (Centre de réponse et de traitement des incidents informatiques), de la DGSSI (Direction générale pour la sécurité des systèmes d'information). N'oublions pas le lancement du label e-thiq@ de la CGEM (délivré après audit) pour renforcer la confiance dans les sites web marchands et développer l'utilisation du commerce électronique. D'une manière générale, pour conclure sur ce point, les impacts du numérique, on les ressent au quotidien, y compris en politique. Regardez ce qui s'est passé pendant la campagne électorale. Jamais une campagne n'a vu autant l'usage des TI par des partis qui n'y étaient pas forcément acquis. Il y a eu un foisonnement de débats sur les réseaux sociaux. Jamais autant de politiques n'ont été présents sur la toile, en tant qu'utilisateurs. L'usage des TI est de plus en plus ancré dans les structures (y compris celles qui, par le passé, y étaient réfractaires). Tout cela démontre qu'une dynamique est enclenchée, et qu'elle est irréversible. Selon vous quels sont les chantiers digitaux qui attendent le prochain gouvernement ? Vous utilisez le terme «digital». Faites-vous la différence avec «numérique»? Non... ...et vous avez raison! (Sourire) Digital est le terme anglo-saxon pour dire «numérique». D'ailleurs, la traduction de Maroc Numeric en anglais est Digital Morocco. C'est utile de le rappeler (pédagogie numérique oblige). Vous demandez quels sont les chantiers à suivre ? En fait il y a plusieurs en perspectives. Le principal est de maintenir le rythme, voire même de l'accélérer. Sur l'e-gov par exemple, de nombreux chantiers sont attendus, dont la commande du casier judiciaire en janvier prochain ou le projet CREOL, à déployer courant 2012/2013 à l'ensemble des professionnels. Il faut également rendre effective l'une des demandes des citoyens, à savoir ne plus voir une administration demander à l'usager un document à délivrer par une autre administration. Il est fondamental de maintenir ce cadre de gouvernance qui permet la bonne remontée des différents projets, pour faciliter le déploiement des services. Il faut maintenir le rythme des comités e-gov (CIGOV), et garder le lien avec les usagers, à travers des outils déjà en place comme fikra (ndlr : voir plus haut). Il faut continuer à capter leurs préoccupations, avoir des retours d'expérience, pour rester proches de leurs besoins. Une communication ciblée et de proximité doit également être intensifiée, via notamment des relais et kiosques de services e-gov. Au final, tous les chantiers sont à suivre. C'est un tout interconnecté, mis au service de la simplification pour l'usager. Le volet juridique fait également parti des chantiers à venir, notamment avec notre Code du numérique. Un code ambitieux, qui va venir accélérer la dématérialisation des services e-gov, mais aussi définir les responsabilités. De quoi s'agit-il exactement ? Il regroupe les résultats d'une réflexion approfondie sur les moyens législatifs et réglementaires de garantir à nos concitoyens la protection des mineurs, la sécurité de leurs données, qu'il s'agisse des échanges privés sur les réseaux sociaux ou les transactions commerciales sur le net. Le code numérique est là, il est prêt. Cela prend un peu de temps, mais il faut que les acteurs du numérique se l'approprient... Autre perspective d'investissement, le plan Fibre (issu d'une étude menée avec différents acteurs). Il verra la genèse d'un plan d'action qui va permettre de répondre aux préoccupations d'accès à l'Internet haut débit. Enfin, il faut continuer à positionner le choix de la destination Maroc pour l'Offshoring TI. Nous avons la chance d'avoir déjà la présence d‘entreprises de taille. Des négociations sont en cours pour amener un des plus gros acteurs. Vous le voyez, il y a encore du travail et de beaux projets... que je suivrai de près de mon siège de parlementaire (sourire). A votre avis, comment le secteur privé est-il en mesure de contribuer à tous ces chantiers ? En réalité, le secteur privé y contribue déjà et il a été impliqué dans l'élaboration même de Maroc Numeric. Le secteur privé est non seulement acteur et partie prenante, mais aussi bénéficiaire. MN13 génère une demande via la commande publique. Ce sont les acteurs privés qui viennent apporter leurs solutions TI à la PME, pour l'e-gov, aux étudiants (pour INJAZ, c'est le privé qui propose les solutions TI). Le privé en est aussi bénéficiaire, avec la tranche du budget de Maroc Numeric destinée à l'industrie des TI (via le Fonds d'amorçage, le Maroc Numeric Fund). Ce sont 100 millions de DH mis à leur disposition pour encourager les initiatives innovantes, pour l'industrie et pour les projets MN13. Trois entreprises en ont déjà bénéficié. À fin 2011, près d'un quart du fonds est déjà engagé. À fin janvier 2012, elles seront 8 instutitions privées à être accompagnées. Et l'Etat dans tout cela ? Son rôle est de définir les bonnes stratégies opérationnelles et ciblées, telles que Maroc Numeric avec les partenaires du secteur. L'Etat est en charge de veiller à l'exécution de ces plans et d'en assurer les impacts escomptés, via les organes de gouvernance des TI et du numérique. Le Conseil national TI et économie numérique (CNTI) insuffle la stratégie et coordonne son déploiement. La gouvernance du secteur, au niveau de l'Etat, s'appuie sur une architecture qui fonctionne bien (CIGOV, DPGOV, SPGOV... cf. votre dossier de mercredi). Qu'en est-il de l'APEBI, qui s'apprête d'ailleursà élire un nouveau président dans quelques jours ? L'APEBI a été un partenaire très impliqué dans la conception de Maroc Numeric, à l'époque de Horani, qui en assurait la présidence. Il faut le reconnaître, c'est une réussite partagée. A l'avenir, à mon sens, l'APEBI se doit d'élargir encore plus la base des professionnels qu'elle représente et rendre ses services accessibles aux petites et moyennes structures. Je souhaite voir l'APEBI élargir ses bases d'adhérents à un nombre plus important de professions. Je souhaite aussi qu'elle continue à être une force de proposition, pendant la poursuite de la réalisation de Maroc Numeric, comme elle a l'a été au tout début. Dans un autre registre, croyez-vous réellement à une démocratisation de l'Internet, même dans les contrées les plus éloignées au Maroc... Et comment voyez-vous les choses ? Les contrées les plus enclavées au Maroc ont l'attention des autorités, pour leur permettre en premier lieu l'accès aux besoins fondamentaux que sont l'eau potable, la santé, l'éducation, etc. L'accès à Internet vient non pas avant ou après, mais en même temps. C'est une stratégie de développement intégrée. L'alphabétisation numérique est une exigence, même si dans les régions isolées, elle reste anecdotique, mais pas négligeable. Sans vouloir caricaturer ou être simpliste, mais pour l'avoir vu dans les quartiers de Fès que je visite depuis des mois : amenez un cybercafé, une clé 3G, un ordinateur, de la formation qualifiante... et vous donnez l'accès à la météo sur 10 jours (pratique quand on est dans l'agriculture ou dans le tourisme rural), la consultation du Bulletin officiel (indispensable pour le notaire ou l'expert-comptable), la réception instantanée des bulletins d'alerte sanitaire (pour les dispensaires ou cabinets médicaux), etc. Dans ce cas, si le numérique est un levier de développement social comment peut-il l'être au niveau économique ? C'est d'abord et avant tout l'accès au savoir qui est la base du développement humain. L'économie numérique est étroitement imbriquée à l'économie de la connaissance. Ce secteur ouvre tellement de canaux d'informations ludiques, pratiques, académiques, professionnels. Les désenclavements numérique et géographique fonctionnent de pair (pour les citoyens et les entreprises). Les connaissances se diffusent d'autant plus efficacement que les progrès dans le TIC sont rapides et que les individus sont éduqués et compétents. Le numérique, c'est aussi et surtout de l'emploi! Il n'y a pas de développement ni de croissance économique sans création d'emplois pérennes. Maroc Numeric 2013 vise à terme 26.000 emplois additionnels. Les emplois créés sur la période 2008-2010 dans le secteur des TI sont estimés à 9.000, soit près de 35% de l'objectif 2013. Il faut maintenir la commande publique, renforcer les instruments mis en place par MN13 pour inciter encore davantage l'Offshoring TI et continuer à encourager le développement local des entreprises dans le secteur