Pensé comme outil de financement de programmes d'appui social, le Fonds d'appui à la cohésion sociale est loin d'atteindre les objectifs escomptés. En attestent, notamment, les constats relevés par le dernier rapport de la Cour des comptes publié ce lundi. En chiffres, depuis sa création en 2012 jusqu'à fin 2016, le total des recettes transférées à ce Fonds s'est élevée à15.257 MDH, alors que le montant total des dépenses a atteint 6.674 MDH. Les inspecteurs de la juridiction financière ont à ce titre relevé une série d'observations concernant le fonctionnement de ce Fonds, à commencer par l'absence de « stratégie intégrée pour la mise en œuvre des programmes d'appui social et un manque de programmation cohérente de ses ressources et de ses dépenses, ainsi qu'un retard dans le décaissement des contributions au profit des programmes sociaux (à partir de 2014) ». Le rapport parle également d'accumulation « d'un solde important s'élevant à 8.584 MDH à fin 2016, alors que ses programmes connaissant un manque de financement ». Par ailleurs, la Cour révèle que les contributions relatives aux programmes "un million de cartables" et "RAMED" n'ont pas été complètement recouvrées. A cela, s'ajoute des insuffisances au niveau du suivi et de l'évaluation de l'impact de ces programmes, selon la même source. Un million de cartables Sur volet relatif au programme « Un million de cartables », la Cour des comptes constate une hausse du nombre de bénéficiaires sur la période 2012-2016, pour atteindre un nombre de 4.013.897 élèves bénéficiaires durant l'année scolaire 2015/2016. Toutefois, c'est au niveau de la méthodologie que le bât blesse : « la méthode de ciblage utilisée se base sur le critère du milieu et sans prise en compte du niveau socio-économique des familles », indique le rapport. Et ce n'est pas tout, puisque le document prend également note de « l'existence d'un retard dans la distribution des kits scolaires par rapport à la date de la rentrée scolaire, en plus des problèmes au niveau du système de prêt qui sont liées, essentiellement, à l'absence des lieux de stockage des manuels utilisés et leurs états délabrés ». Plus que cela, «il a été constaté que plusieurs partenaires signataires de la convention pour la réalisation de l'opération "un million de cartables" en septembre 2008 n'ont pas respecté leurs engagements financiers. En plus, au niveau des organes de gouvernance, il été constaté que le comité de pilotage et d'évaluation n'a pas été opérationnalisé, et qu'il y a eu chevauchement dans les attributions entre l'Association marocaine d'appui à la scolarisation (AMAS) et le département chargé de l'éducation nationale avec ses services extérieurs ». Programme Tayssir Autre programme, mais la problématique du ciblage fait encore une fois défaut. Sur fond de progression du nombre de bénéficiaires du programme Tayssir – leur nombre étant passé de 87.795 au cours de l'année scolaire 2008/2009 à 828.000 en 2015/2016- la Cour met encore une fois en avant l'absence de mécanisme de ciblage direct des bénéficiaires. La juridiction placée sous la responsabilité de Driss Jettou pointe du doigt également l'exclusion de certaines collectivités territoriales, en raison de l'approche adoptée en matière de ciblage, en plus d'insuffisances liées à l'application informatique adoptée. La Cour a par ailleurs soulevé l'insuffisance des ressources allouées au programme et un retard dans le versement des bourses aux bénéficiaires qui peut atteindre plus d'un an, ainsi que l'absence de coordination et d'un cadre contractuel pour l'exécution du programme. Programme d'appui aux personnes en situation de handicap En matière d'amélioration des conditions de scolarisation des enfants en situation de handicap, la Cour conclut à une répartition régionale inégale des associations opérant dans le domaine du handicap, ainsi qu'un faible taux de couverture en milieu rural. Aussi, « il a été relevé le nombre insuffisant des bénéficiaires (4.744 bénéficiaires sur 33.000 recensé en 2014), vu l'insuffisance de l'enveloppe financière allouée à l'amélioration des conditions de scolarisation des enfants en situation de handicap, ainsi qu'un retard dans le déblocage des subventions aux associations bénéficiaires». En outre, au niveau de l'acquisition des appareils spécifiques et autres aides techniques, la Cour a constaté que l'établissement de l'Entraide Nationale ne dispose pas des données relatives aux bénéficiaires des appareils spécifiques et autres aides techniques. Quant à l'encouragement à l'insertion professionnelle et des activités génératrices de revenus, il a été constaté une mise en œuvre partielle de l'encouragement dans ce domaine, en plus de l'absence de coordination entres les départements ministériels concernés. Programme du Régime d'assistance médicale (RAMED) Retard dans la préparation des cartes permettant de bénéficier du RAMED par rapport au délai règlementaire de 60 jours, problème dans l'identification des personnes éligibles compte tenu de la croissance du secteur informel et l'adoption du système déclaratif en ce qui concerne le revenu, absence de système de pilotage, chevauchement des compétences entre l'ANAM et le ministère de tutelle pour ce qui est de la gestion financière... les couacs sont multiples lorsqu'il s'agit de l'évaluation de la gestion du RAMED. La Cour des comptes pointe aussi du doigt la situation de cumul de deux fonctions « incompatibles par le Ministère de la santé (gestion des fonds dédiés au RAMED et prestataire de soins à travers son réseau hospitalier) », indique le rapport. A ce niveau, La Cour note « l'apport limité de la commission de pilotage et de la commission technique chargées de la réforme du RAMED, ainsi que l'absence d'un système d'information intégré pour gérer ce régime ». Plus encore, pour ce qui a trait aux prestations offertes dans les hôpitaux publics, il a été relevé par la Cour que « la filière de soins n'est pas respectée, entrainant une pression sur les centres hospitaliers universitaires, et que les hôpitaux publics sont confrontés au manque de ressources et des équipements nécessaires pour faire face à la demande croissante des bénéficiaires du RAMED. De même, la couverture du coût de ces prestations souffre d'un manque d'un tiers payant et d'un système de facturation basé sur un référentiel de coût des prestations offertes ».