130 professeurs universitaires de médecine ont quitté les facultés de médecine de Casablanca. Etudiants et patients des CHU en subissent les conséquences. Faut-il s'inquiéter pour le devenir des facultés de médecine et de pharmacie au Maroc ? C'est la crainte du Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESup). Sa section à la Faculté de médecine de Casablanca déplore «une hémorragie de démissions et départs à la retraite non remplacés depuis 2016», nous indique Dr. Ahmed Belhouss, secrétaire général du SNESup à cette faculté. Ce syndicat des professeurs appelle à un plan «pour sauver l'enseignement médical public au Maroc». Démissions et départs Premier indicateur qui inquiète les professeurs, c'est la baisse continue du taux d'encadrement des étudiants. Le nombre de professeurs a baissé de 380 à 236 en une décennie. À cette même période, l'effectif des étudiants a presque doublé. «La baisse du nombre des enseignants est de 38%, alors que le nombre d'étudiants a évolué de 92%», calcule ce professeur universitaire. L'élargissement du nombre de places dans les facultés de médecine s'est accompagné par une vague de départs des professeurs. «Les deux dernières années, nous avons connu 130 départs de la faculté. Ces professeurs n'ont pas été remplacés», alerte Dr. Belhouss. Et de renchérir : «Ce ne sont pas les 11 postes ouverts l'an dernier qui vont remplacer les dizaines de professeurs qu'on perd chaque année». Le SNESup appelle à lancer d'urgence des recrutements de professeurs assistants : «Par an, nous avons besoin de 70 enseignants minimum pour remplacer les départs», estime-t-il. Si à Marrakech, le taux d'encadrement est également faible (1 professeur pour 15 étudiants), il demeure que cette faculté ne connaît pas un mouvement de démissions massives. Le nombre de professeurs s'est stabilité à 206 enseignants. Cet effectif n'arrive pourtant pas à répondre à une évolution de 141% du nombre des médecins résidents entre 2008 et 2017. Même configuration à la nouvelle faculté de médecine au Maroc, celle d'Oujda. Le taux d'encadrement est d'un professeur pour 9 étudiants. Il demeure que ceux qui sont le plus touchées par les deux sont les Facultés de Casablanca et Rabat. L'ouverture de facultés de médecine privées dans les deux villes n'est pas étrangère à cette situation. «Certainement que le lancement de ces facultés a accéléré le processus de départ», observe Dr. Belhouss. Aujourd'hui, d'autres démissions sont sur le bureau du doyen de la Faculté de médecine de Casablanca. «Vu les conditions d'exercice, la direction ne pourra pas les retenir pour longtemps», prévient Dr. Belhouss. Ces départs accentuent la dégradation des conditions de travail au CHU Ibn Rochd de Casablanca et de facto la prise en charge des patients qui passent par cette structure de soins. 23 services ont connu une baisse de leur effectif. «À titre d'exemple, l'effectif dans le service «Chirurgie générale» est passé de 5 professeurs en 2008 à 0 actuellement. Au même temps, les résidents sont passés de 3 à 5», illustre Dr. Belhous. Cette vague de départs touchent l'ensemble des services (Urgences, Urologie, Ostéologie, etc.). À cela s'ajoutent des services en voie d'extinction, comme la neurochirurgie pédiatrique (0 professeur en 2017), la médecine légale (2) ou la médecine professionnelle (3). Dans ce service, les trois professeurs encadrent l'ensemble des étudiants de médecine au sein des cinq facultés au Maroc! Face à ces constats et ces chiffres le secrétaire général du SNESup à la Faculté de médecine de Casablanca tire la sonnette d'alarme : «Nous courons de vrais risques en matière de pérennité et de qualité de la formation médicale au Maroc». Ahmed Belhouss SG du SNESup, Faculté de médecine de Casablanca Une baisse de la qualité de l'enseignement de la médecine mettra en danger les patients et tout le système de santé. Si pour quelques années encore, nous pourrons maintenir cette qualité. Dans l'avenir, nous risquons de nous diriger vers un enseignement de la médecine à deux vitesses. D'un côté, le privé riche, équipé et bien doté en professeurs. De l'autre, la faculté publique, en sous-effectif et sans équipement». Le TPA, un pansement contesté Le Temps plein aménagé (TPA) est un système permettant aux professeurs universitaires de médecine d'exercer hors des murs d'un CHU pour deux demi-journées par semaine. Cette facilitation a été permise dans les années 80 pour retenir ces professeurs dans les facultés. Aujourd'hui, elle fait l'objet d'irrégularités soulevées par les médecins du privé qui l'assimilent à «de l'exercice illégal de la médecine». À l'opposé, le SNESup exige sa codification. «L'accord sur le TPA signé par la Santé, l'Enseignement supérieur et l'Ordre doit faire l'objet d'un décret pour préciser les termes du TPA. C'est un moyen pour attirer les médecins vers l'enseignement. Ceci dit, nous voulons que l'administration soit intransigeante avec tout dépassement constaté», exige le SG du SNESup.