Le PJD veut liquider le régime de retraite des parlementaires. La proposition de loi que le groupe parlementaire du parti de la lampe vient de déposer risque de susciter de vives tensions au sein de la chambre basse. D'autres groupes parlementaires tiennent mordicus à garder le régime tout en le réformant. La réforme pourra-t-elle avoir un effet rétroactif? L'épineux dossier de la retraite des parlementaires, qui concerne actuellement quelque 990 éputés dont 270 de l'ancienne législature, risque de faire l'objet d'un bras de fer serré entre les différentes sensibilités politiques au Parlement. Le bout du tunnel semble s'éloigner de plus en plus. Les parlementaires sont divisés sur cette question, même si le dossier est discuté depuis des mois entre les différentes sensibilités politiques de la chambre basse en vue d'arriver à une solution consensuelle. Difficile de parler d'une même voix. Même la majorité ne parvient pas à accorder ses violons pour jouer la même partition. Le groupe parlementaire du parti de la lampe campe sur ses positions. Le PJD vient, en effet, de présenter une proposition de loi pour la liquidation de ce régime. Les députés du PJD parviendront-ils à convaincre leurs alliés de soutenir leur initiative législative pour mettre définitivement fin à ce régime déficitaire? Rien n'est moins sûr. Leur objectif paraît inaccessible, du moins pour le moment. Le scénario de la suppression du régime est considéré comme une ligne rouge par plusieurs groupes parlementaires qui proposent d'autres pistes pour «sauver» le système. Mais, toute tentative visant le maintien du régime nécessitera l'appui financier du gouvernement. Sauf que l'Exécutif n'a visiblement aucune volonté de mettre la main à la poche pour huiler la machine, d'autant plus que les réserves de la caisse sont totalement épuisées. Jusque-là, le gouvernement considère qu'il s'agit d'une affaire interne. Le groupe parlementaire du PJD abonde dans le même sens: «Il est hors de question de recourir au budget de l'Etat pour combler le déficit du régime». Une position qui suscite l'ire des anciens parlementaires. Mohamed Hanine, avocat et président du Conseil marocain des anciens parlementaires, n'y va pas avec le dos de la cuillère. Pour lui, le gouvernement est autant responsable que le Parlement et la Caisse nationale des retraites et d'assurances (CNRA), relevant de la CDG dans la gestion de la caisse. L'Exécutif devait veiller à assurer annuellement l'équilibre du régime pendant au moins une période de 12 ans. Nombreux sont ceux qui appellent à jeter la lumière sur les causes de la faillite du régime. Qui est responsable de cette crise? Ne fallait-il pas agir en amont? Un audit s'impose. Du côté du nombre des députés, la faillite était prévisible car le système est déficitaire par nature. En effet, ceux qui en bénéficient représentent le double de ceux qui cotisent. La situation s'est aggravée avec la baisse du nombre des conseillers de 275 à 120 en raison des nouvelles dispositions constitutionnelles ainsi que par l'augmentation du taux de renouvellement des députés et des conseillers lors des dernières élections. Ainsi, le ratio entre le nombre de cotisants et le nombre de pensionnés s'est fortement dégradé... autant de facteurs ayant contribué à la faillite de la caisse. Le signal d'alarme aurait été déclenché en 2014 par la CNRA au bureau de la Chambre des représentants qui avait, à l'époque, confié le dossier à un bureau d'étude. L'expertise aurait minimisé l'ampleur du déficit de la caisse et, de ce fait, aucune mesure n'avait été prise par l'ancien président de la chambre basse, Rachid Talbi Alami. Aujourd'hui, le Parlement devra trancher. Les députés seront-ils contraints de se prononcer en faveur de la liquidation du régime, comme le recommande le PJD? En tout cas, ils sont nombreux, dans les deux chambres du Parlement, à appeler plutôt à une réforme paramétrique, à commencer par l'âge de perception de la pension qui devra être relevé à 63 ans, à l'instar de ce qui a été décidé pour la fonction publique. Avant l'épuisement des réserves de la caisse, les anciens parlementaires percevaient la pension de la retraite dès la fin de leur mandat parlementaire, conformément aux dispositions juridiques actuelles. Il s'agit d'une aberration et d'une rente politique, d'autant plus que de plus en plus de jeunes députés accèdent à l'institution législative grâce au système de quota qui a été instauré lors de la précédente législature. La mesure du relèvement de l'âge de la perception de la retraite, à elle seule, ne sera pas suffisante pour assurer l'équilibre de la caisse et mettre fin à ses dysfonctionnements. D'autres mesures devront l'accompagner en s'inspirant de la réforme de la fonction publique. L'augmentation de la cotisation est proposée comme une piste complémentaire de réforme pour garantir la pérennité du régime. Actuellement, les parlementaires paient une cotisation mensuelle de 2.900 DH; le même montant est débloqué par l'Etat. Certains proposent de porter cette cotisation à 4.000 DH. Mais cela reviendrait à une augmentation des charges de l'Etat qui devrait alors relever le budget dédié à la retraite des parlementaires. À ce titre, certaines voix préconisent même de supprimer les cotisations de l'Etat alors que d'autres plaident pour la mise en place d'un régime de retraite plus optionnel qu'obligatoire. Outre ces deux mesures, une baisse des pensions devrait être opérée pour équilibrer le régime. Mais, encore une fois, sans le soutien financier du gouvernement, cette réforme paramétrique ne pourra pas être mise en place, et le Parlement sera dans l'obligation de liquider le régime. Par ailleurs, la réforme devra-t-elle avoir un effet rétroactif? Peut-on annuler la retraite de ceux qui en ont bénéficié pendant de longues années? En principe, la loi n'est pas rétroactive. Les nouvelles dispositions de la réforme ne devront être appliquées qu'aux futurs «parlementaires retraités», à l'instar de ce qui a été fait pour le régime de la pension civile. Ainsi, l'équation de la réforme ou de la liquidation du régime est difficile à résoudre.