Le projet de loi organique relative au Conseil national des langues et de la culture marocaine est lacunaire. Observateurs et activistes amazighs appellent à l'amender pour que la future instance puisse assumer pleinement la mission qui lui incombe. Après la finalisation de l'examen du texte sur l'officialisation de l'amazigh au sein de la Commission de l'éducation, de la culture et de la communication à la Chambre des représentants, les députés viennent de sortir des tiroirs le projet de loi organique sur le Conseil national des langues et de la culture marocaine dont les dispositions sont vertement critiquées par les activistes amazighs qui espèrent que les parlementaires parviendront à l'amender. On s'attend à ce que le texte, qui a été présenté en juillet dernier en commission, ne passe pas comme une lettre à la poste au sein de l'institution législative. Des députés aussi bien de la majorité que de l'opposition affichent leur ferme volonté d'améliorer le projet pour qu'il puisse répondre aux nouvelles orientations du Maroc. Le gouvernement va-t-il accepter les propositions d'amendement des députés ? Rien n'est moins sûr bien que le ministre de la Culture et de la communication, qui chapeaute le dossier, exprime la volonté du gouvernement de «poursuivre le processus de consensus et de concertation ayant prévalu» lors de l'élaboration de ce texte par la commission qui s'est chargée de sa formulation. Lors d'une journée d'étude, dédiée à l'examen du projet de loi organique entre les différents acteurs concernés, tenue hier au sein de la Chambre basse, Mohamed Laaraj s'est félicité de la démarche adoptée alors que le mouvement amazigh, qui demeure on ne peut plus sceptique, ne partage pas cet avis. Le tonitruant Ahmed Assid, président de l'Observatoire amazigh des droits et libertés, dégaine et tire contre le précédent Exécutif qui «avait dénaturé» la mouture élaborée par la commission technique. De l'avis de cet activiste, deux principes de la plus haute importance n'ont pas été respectés. Le premier a trait à l'égalité entre les deux langues nationales et le second porte sur la nécessité de la capitalisation sur les acquis. Le texte n'a pas accordé les mêmes attributions à l'Académie Mohammed VI de la langue arabe (non encore activée) et à l'Institut royal de culture amazighe (IRCAM). «Le législateur a repris le dahir de création de l'IRCAM, il y a quinze ans, sans prendre en considération les actions qui ont été menées et les pas franchis», tient à préciser Ahmed Assid. Le mouvement amazigh appelle à accorder aux deux institutions chargées des deux langues officielles les mêmes prérogatives dont celles d'ordre scientifique et académique. À cet égard, le secrétaire général de l'IRCAM, Houssaine Moujahid, pointe du doigt les lacunes du projet de loi organique qui n'octroie pas à l'institut des attributions académiques alors que l'IRCAM doit jouer un rôle primordial dans la formation des chercheurs et pouvoir octroyer des diplômes et organiser des cycles de doctorat. Un autre reproche a trait au sort réservé à l'IRCAM qui est très peu enviable. En vertu de la mouture soumise au Parlement, cet institut, qui sera sous la tutelle du futur conseil, devra perdre son autonomie administrative et financière. «Une aberration», de l'avis du mouvement amazigh. Si cette disposition n'est pas amendée par les parlementaires, l'IRCAM ne pourra plus travailler comme il l'avait fait depuis sa création. «Ce sera une institution à laquelle on aura ôté l'essentiel de ses prérogatives et missions», se désole-t-on. À titre d'exemple, l'institut dirigé par Ahmed Boukous, ne pourra plus donner d'avis au gouvernement ou à l'autorité de tutelle sur les questions relatives à la promotion de l'amazigh. «Il est illogique de minimiser son rôle de concertation en le soumettant à une structuration hiérarchique. Il faut penser à tous les acquis engrangés grâce aux actions menées par l'IRCAM», souligne le secrétaire général de cette instance tout en précisant que l'indépendance financière et administrative ne devra pas bénéficier uniquement à l'IRCAM mais aussi à l'Académie Mohammed VI de la langue arabe pour que les deux instances puissent avoir une marge de manœuvre leur permettant d'assumer pleinement la mission qui leur incombe. Par ailleurs, les critiques concernent également la nature des attributions accordées au conseil qui ne dépassent pas le cadre consultatif à l'heure où il est indispensable de lui attribuer des prérogatives stratégiques. Parmi les propositions, figurent la nécessité de doter le conseil national d'un pouvoir exécutif de la politique linguistique et culturelle, la révision de sa structuration et ses attributions, l'impératif de lui octroyer une force de proposition et de décision...