La location de véhicules longue durée a le vent en poupe. «Actuellement, la LLD touche pratiquement tout le secteur économique et depuis trois ans, l'évolution de ce marché prend de l'avance par rapport à l'activité économique», c'est en résumé l'image du secteur aux yeux de Michel Benisty, directeur général d'Europcar et président de l'Association nationale des loueurs longue durée (Analog). En effet, une forte tendance a été observée ces dernières années chez les entreprises à l'externalisation de leur parc automobile. Celle-ci a été boostée par la conjoncture économique difficile. Pour preuve, à fin octobre 2011, les opérateurs du secteur totalisent un parc automobile à la route de 27.250 véhicules, soit une évolution d'à peu près 10% par rapport à la même période de l'année précédente. En termes de chiffre d'affaires, la filière représente actuellement un total de 1,5 milliard de DH. Soit une progression de 8% par rapport à 2010. Une évolution que qualifient les professionnels de faible en comparaison avec celles réalisées en 2009 et 2010. D'ailleurs, cette baisse s'explique par la réduction des appels d'offres publics suite à la circulaire de l'ex-Premier ministre qui invitait les ministères à limiter au strict nécessaire le renouvellement des véhicules de fonction. Pour rappel, le marché public représente 15% du volume d'affaires du secteur. Sauf que ce choc est amorti grâce à la nouvelle orientation stratégique des opérateurs, qui commencent de plus en plus à viser le créneau des PME. Pour Michel Benisty, cette action ne peut être qualifiée de réorientation stratégique, mais plutôt d'une démarche de proximité après d'un créneau qui représente plus de 95% du tissu économique marocain. Une deuxième action qui a contribué au soulagement de la pression résultant de la réduction des marchés publics, est l'augmentation générale des prix observée suite au renouvellement des contrats. Un constat que qualifie le président d'Analog de naturel. Pour lui, «au lancement du secteur au Maroc, les opérateurs favorisaient le volume sur la rentabilité, pour pouvoir s'imposer sur le marché, c'est ce qui nous a fait retomber dans des prix bas», ajoutant qu'«une fois que la taille optimum a été atteinte, nous avons tous procédé à un réajustement des prix. Ce qui est tout à fait logique». Actuellement les prix proposés sur le marché, selon bon nombre de professionnels, sont toujours en dessous de la valeur réelle du service. Valeur aujourd'hui, «nous prévoyons davantage de réajustements des prix qui correspondent à la valeur du service dans les années qui viennent», confirme Benisty. La TVA provoque l'ire des opérateurs ! En clair, le marché très concurrentiel ou le gros du business se réalise sur la revente et non pas sur la location. Selon un grand opérateur du secteur, il est devenu plus que courant que le loueur ne réalise pas de gain sur son métier principal. Du coup, les bénéfices proviennent essentiellement de la revente des véhicules à l'issue de la période d'amortissement. Ce n'est qu'au cours des trois dernières années que le marché est revenu à la normale. «Malgré la professionnalisation du marché, le gros des bénéfices proviendra toujours de la revente», confirme un opérateur. C'est la raison pour laquelle la TVA à la revente demeure toujours le problème qui provoque l'ire des opérateurs. Pour le patron d'Europcar, «la TVA pose énormément de problèmes pour l'écoulement du stock des voitures amorties. Pour cela, nous comptons réaliser une étude pour donner plus de clarté à la problématique, avant d'entrer dans des pourparlers avec le gouvernement». Notons que cette étude sera, en effet, préparée conjointement par les loueurs de voiture et les constructeurs automobiles qui, eux aussi, trouvent des obstacles sur le plan de la commercialisation des voitures d'occasion. Cartographie du secteur Au niveau du secteur LLD, l'offre de service est partagée entre trois catégories de voitures. Les véhicules utilitaires légers représentent 50% du parc, suivis des véhicules assimilés. Les voitures de luxe quant à elles n'en constituent que 5%. En revanche, leur participation dans le chiffre d'affaires du secteur reste très importante avec plus de 30% du CA total. Côté opérateurs, le marché est contrôlé par huit principales entreprises qui détiennent plus de 95% de la flotte. En première position, nous trouvons ALD automotive, avec 5.450 voitures. Cette société a réalisé une croissance de 16% en 2011, et pour développer son activité elle compte augmenter son parc automobile à 6.000 unités d'ici 2012. En deuxième position, il y a Arval avec 4.770 véhicules, suivie de Wafa LLD qui en détient 4.700. Pour rappel, le secteur vient de voir la naissance d'un nouvel opérateur de LLD, suite un partenariat signé entre Renault et ALD Automotive. Selon un professionnel de la filière, cette création n'aura aucun impact sur le secteur, car l'objectif derrière ce partenariat est la diversification des services du constructeur automobile. En revanche, dans son état actuel, le marché ne supportera pas l'arrivée d'un autre concurrent. «Le gâteau suffit à peine aux opérateurs actuels. Chaque nouvel entrant ne fera qu'empiéter sur les parts de marché des anciens», confirme Nicolas Bellesteste. Nicolas Belleteste, Directeur Général de ALD Automotive. «C'est un marché très capitalistique» Les Echos quotidien : Qu'est-ce qui fait la réussite de la formule LLD ces dernières années ? Nicolas Belleteste : La LLD est un mode de gestion qui répond aux souhaits d'externalisation des entreprises dans la gestion des services. L'offre de services associée à la location de véhicules permet une prise en charge toujours plus riche et optimale de la gestion des flottes. Elle permet aux entreprises clientes, qu'elles soient PME, grandes entreprises ou multinationales, de se concentrer sur leur cœur de métier sans se soucier de la gestion et de l'entretien de leur parc automobile. En effet, selon une étude comparative sur le prix de revient kilométrique établie par les prestataires de services (coût d'un véhicule ramené au kilomètre incluant son prix, le coût du crédit, les frais administratifs et les opérations d'entretien), la LLD est de 15% plus économique que l'achat. De plus, la Location Longue Durée n'impose pas de capital de départ. Le dossier est certes étudié par le loueur qui peut, dans certains cas, vous demander un dépôt de garantie, mais celui-ci sera restitué à la fin du contrat. Autre avantage de la LLD, le locataire peut changer de voiture aussi souvent qu'il le souhaite sans avoir à s'occuper de la revente de son ancien véhicule et tout en étant exigeant sur le choix de celui qu'il louera. Aussi, la garantie du constructeur est effective durant toute la durée de la location. Le secteur est en plein essor ces dernières années, est-ce que cela pourrait donner lieu à l'entrée de nouveaux opérateurs ? Non ! Je suis très confiant sur ce point. Simplement car dans le contexte actuel, le marché ne supportera pas l'arrivée d'un nouvel opérateur. Egalement, le gâteau que nous avons actuellement, suffit à peine les opérateurs existants. Ainsi, il est important de savoir que le marché de la LLD est capitalistique. Il demande d'énormes moyens financiers et une expérience dans la gestion du parc automobile pour l'investir. C'est en effet ce qui explique sa forte concentration. Quel serait l'impact du démantèlement douanier sur le secteur ? À mon sens, il n'y aura aucun impact sur le secteur. Le démantèlement a d'ores et déjà commencé. La seule chose que nous avons remarquée, c'est qu'il y a eu une stagnation des prix des voitures et une amélioration du service au niveau des concessionnaires. En outre, s'il y a une baisse des prix, elle sera forcement récupérée au niveau de la valeur de la prestation de service. Car il faut savoir que depuis le lancement du secteur au Maroc, nous facturons des tarifs qui sont inférieurs à la valeur du service. Certes, ces trois dernières années, les prix ont été réajustés mais malgré cela, nous n'avons pas encore atteint la valeur réelle.