Les ouragans Irma et Harvey pourraient coûter plusieurs centaines de milliards de dollars, selon plusieurs sources concordantes. Des pertes qui devraient peser sur l'industrie de l'assurance et secouer par ricochet le marché de la réassurance... Les chiffres et estimations s'enchaînent, mais il est encore difficile de connaître l'étendue des pertes assurées. En attendant le passage de Jose, l'industrie peine encore à faire les comptes après Harvey et Irma. Vu sa puissance, les répercussions d'Irma pour le secteur devraient être beaucoup plus conséquentes que celles d'Harvey. À vrai dire, le schéma pour les deux ouragans est très différent. En effet, l'essentiel des dégâts lors du passage d'Harvey a été provoqué par les inondations. Or, aux Etats-Unis, une grande majorité des contrats d'assurance individuels ne couvre pas le risque d'inondation. C'est plutôt un fonds public (National Flood Insurance Program) qui s'en charge. Mal en point depuis quelques années à cause d'un déficit de 25 milliards de dollars, le fonds pourrait être renfloué et devrait couvrir, dans les prochaines semaines, les coûts liés à Harvey. Les compagnies d'assurance seront ainsi plus sollicitées après le passage d'Irma, dont les vents ont généré l'essentiel des dégâts. Mais depuis 1992 (Ouragan Andrew), la plupart des assureurs ont diminué leur exposition au risque dans la région, notamment en passant par des réassureurs, ce qui relancera le marché de la réassurance. De leur côté, les assurances auto devraient moins être mises à contribution : une partie des habitants de la Floride a été évacuée, emportant leur véhicule, ce qui n'était pas le cas au Texas et en Louisiane. Le poids devrait donc finalement être supporté par les gros réassureurs, qui ont notamment comme clients des compagnies d'assurance et les fonds publics locaux prévus pour ce type de catastrophes, comme le Florida Hurricane Catastrophe Fund (FHCF) ou encore la Citizens Property Insurance. Ces fonds sont plutôt en bonne santé, du fait d'une relative accalmie des intempéries ces dernières années en Floride. Ces réassureurs ont plus au moins les reins solides. À fin 2016, Standard & Poor's évaluait ainsi l'excédent de fonds propres total des 20 grands réassureurs globaux par rapport à une notation «A» à 41,6 MMDH. Des matelas qui seront néanmoins soumis à rude épreuve. «Certains acteurs de la réassurance seront gravement touchés», avait prévenu - dans les colonnes du journal LesEchos - Denis Kessler, PDG de Scor, quatrième réassureur mondial, peut-on lire. Après une période de sinistralité extrêmement basse, qui a encouragé la baisse des tarifs sur le marché de la réassurance dommages, ces deux ouragans pourraient en effet «secouer le marché», annonce le pdg de Scor. «C'est un stress test» pour le marché de la réassurance, déclare un autre expert. C'est aussi l'occasion pour ces compagnies de réassureurs de revoir leurs arguments de vente. Or, ces événements se produisent dans un marché fragmenté où les acteurs les moins solides et les moins diversifiés sont moins en mesure d'absorber les chocs. Scor, par exemple, a réduit par deux son exposition en Floride au printemps dernier. Le groupe s'estime ainsi mieux positionné que ses concurrents. De même, Hannover Re (N°3 mondial de la réassurance) se dit peu exposé au sinistre Irma. En revanche, des acteurs comme Everest Re, Renaissance Re ou encore le Lloyd's sont plus exposés au marché cat'en Floride. Quant au deuxième réassureur mondial Munich Ré, celui-ci a publié mercredi dernier un avertissement sur résultat en raison des pertes provoquées par les deux ouragans. Le groupe allemand s'attend à être dans le rouge au troisième trimestre, indiquant que le coût de ces catastrophes pourrait lui faire manquer son objectif d'un résultat net pour l'exercice 2017. Harvey et Irma «devraient entraîner des pertes assurées élevées, que le marché et Munich Ré sont incapables de quantifier pour le moment», a-t-il déclaré dans sa communication. Si certains réassureurs se frottent déjà les mains en espérant une correction des prix sur le marché catastrophe, «les deux événements ne vont pas trop chambouler le marché», rassure un expert. Les dégâts causés par les inondations sont sous-assurés aux Etats-Unis. Comme la couverture de ce risque est optionnelle, cela devrait réduire les pertes assurées. D'un autre côté, «Harvey est un sinistre complexe mais en termes de pertes assurées, il reste modeste et absorbable par l'industrie de la réassurance. Irma est plus sévère mais c'est un événement modélisable, prévu par la réassurance et absorbable par les fonds propres des réassureurs», explique un réassureur. Pour les analystes et experts, ces tempêtes feront en sorte que l'industrie réévalue sa capacité à modéliser ces événements, notamment les trajectoires inhabituelles comme celle que l'ouragan Harvey a prise. Les obligations «cat'nat'» plébiscitées Les investisseurs ayant misé sur certaines obligations catastrophes aux Etats-Unis jouent potentiellement gros avec Irma. Parmi les «Cat Bonds» qu'elle note, l'agence Standard & Poor's en a identifié 13 qui pourraient ainsi être «à risque» avec cet ouragan, parce qu'exposés au risque tempête sur la Floride. Ceci dit, en 2017, ce marché a encore attiré les investisseurs, avec un montant d'émissions record de 8,55 milliards de dollars au premier semestre, rapporte Aon Securities. Ceux-ci sont attirés par des rendements élevés. Les investisseurs engagent généralement de l'argent en pariant qu'aucune catastrophe ne se produira durant une période de temps définie. Sauf qu'ils peuvent perdre toute leur mise (intérêts et principal) en cas de survenance de l'évènement climatique, et ceci contrairement aux obligations classiques où l'investisseur est sûr de conserver le principal.