S'il y a un point sur lequel convergent tous les avis, tant des partis politiques eux-mêmes que des observateurs avertis de la scène politique ou des spécialistes, c'est qu'aucun parti n'est donné favori pour ces élections de tous les suspenses. Certains avancent même qu'il ne faudrait pas s'attendre à une grande surprise par rapport aux résultats et à la tendance qui se dégage depuis les dernières élections qu'a connues le Maroc. Un avis que partage le politologue Mohamed Tozy, enseignant-chercheur à l'université de Casablanca et d'Aix-en-Provence et membre de la commission consultative qui a réformé l'actuelle Constitution. Dans un entretien qu'il a accordé, cette semaine, à l'hebdomadaire Jeune Afrique, il a estimé que «cinq partis seraient au coude à coude , le PJD, l'Istiqlal, le MP, le RNI et le PAM», allant jusqu'à ajouter que «normalement, aucun d'entre eux ne devrait dépasser 20% des suffrages». Si certains, comme son confrère Najib Mouhathadi, professeur à la faculté de droit de Casablanca, ajoutent à ce groupe l'USFP, il apparaît clairement que tout se joue entre huit partis politiques qui représentent à eux seuls plus de 80% de l'électorat national, tel que relevé par les derniers scrutins et la législature sortante. De ces huit partis, certains se détachent nettement du lot, en raison des ambitions qu'ils affichent et de leur capacité de mobilisation, à quoi s'ajoutent certains avantages propres liés à leur histoire et leur positionnement sur l'échiquier politique. Il s'agit du PJD, du RNI et de l'Istiqlal. La preuve, ces trois partis couvrent, chacun, au moins 98% des circonscriptions et même 100% pour le parti de la balance. Trois favoris pour un gagnant Si beaucoup estiment que le prochain chef de gouvernement sortira, assurément, de ce trio composé par le PJD, le RNI et l'Istiqlal, les trois formations n'ont pourtant pas les même chances. Chacun dispose de sérieux arguments pour prétendre à la première place et constituer donc la majorité de demain. Et ce sont les islamistes du PJD qui concentrent le plus l'attention, en plus de leur score aux dernières législatives où il ne se sont, pourtant pas, présentés au niveau de toutes les circonscriptions. Le parti de la lampe a mis cette fois les bouchées doubles. Fier de sa virginité politique -il est le seul des grands partis à ne pas avoir siégé au gouvernement-, et revigoré par la victoire de son pendant tunisien Ennahadha, il croit en ses chances. Sauf que le Maroc n'est pas la Tunisie. Ce qui est sûr, c'est que les partisans de Benkirane croient en leur heure et ne s'en cachent pas, comptant sur leur électorat constitué en majorité d'électeurs issus de couches défavorisées auprès desquelles leur discours séduit. Pour l'Istiqlal, c'est assurément sur son maillage territorial et la véritable machine électorale que constitue le parti de la balance que Abbas El Fassi et consorts comptent pour rééditer l'exploit de 2007. Enfin, le RNI de Salaheddine Mezouar, fort de ses notables et de la nouvelle idéologie libérale qu'il prône, estime légitime d'accéder en haut du podium. D'ailleurs, depuis l'arrivée de la nouvelle direction du parti il y a deux ans, l'objectif principal qui était clairement affiché va dans ce sens. Au parti de la colombe, on y croit tellement qu'on prépare, déjà, l'après-25 novembre, avec une alliance de huit partis capable de constituer une majorité en cas de victoire. Les cas de l'USFP et du PAM donnent une autre lecture, les deux partis ayant décidé de faire profil bas pour cette échéance, probablement reculer pour peut-être mieux rebondir en 2017. La seule inconnue qui peut réserver, encore, plus de surprise reste le taux de participation. L'inconnue de la participation Si tous les partis politiques affichent leur optimisme et leur sérénité par rapport à ces élections, il n'en demeure pas moins que la seule source d'inquiétude reste le taux de participation. Il est vrai que certains partis, trois exactement et des organisations de la société civile, ont appelé au boycott sans que cet appel porte loin comme lors du référendum, mais le scénario de 2007 (37%) est redouté par tous les acteurs, Etat comme partis et responsables politiques. Un faible taux de participation sera, en effet, perçu comme une douche froide pour les partis politiques mais freinera, également, l'élan des réformes engagées. C'est pourquoi, au-delà de la campagne électorale, l'accent a été mis sur une participation massive des citoyens qui sonne comme un véritable défi pour le Maroc. La plupart des partis politiques tablent sur un taux de 50% comme une véritable réussite, surtout qu'il s'agit d'un scrutin national. Confidences d'un homme politique : «Vous savez, au Maroc, on vote plus proximité. C'est-à-dire que lors des communales, les citoyens n'ont pas véritablement saisi l'importance du Parlement. Peut-être pour les prochaines législatives, quand le Parlement aura pris ses marques, mais si nous arrivons à rehausser le taux de 2007 de 10%, c'est déjà une avancée notable !». Les citoyens ont massivement répondu à l'adoption de la Constitution et les partis ont eu le temps et l'opportunité de faire leur révolution et de convaincre. De quoi dissiper certaines inquiétudes. Qui succédera à El Fassi ? Si certains partis ne font aucun mystère de leurs ambitions, mettant en avant leurs chances, de remporter ces législatives, pour la désignation du successeur d'El Fassi, c'est autre chose. Aucun parti ne s'est aventuré, explicitement, à mettre un nom en avant. La Constitution donne, en effet, au roi la prérogative de désigner le chef de gouvernement, «au sein du parti qui est arrivé en tête des élections législatives». Implicitement toutefois, des noms circulent au niveau des formations favorites et certaines têtes se dégagent, nettement, de par la position et le rôle qu'ils jouent au niveau de leur partis respectifs. Au PJD, deux noms reviennent sans qu'ils soient les seuls, il s'agit de Benkirane et d'El Othmani. Pour le RNI, c'est la figure charismatique de Salaheddine Mezouar qui est mise en avant comme potentiel candidat. À l'Istiqlal, les noms de Adil Douiri, Kharim Ghellab et Taoufik Hejira ont ravi la vedette aux vieux loups du parti. Ce qui est sûr, c'est que si en 2007, le choix du souverain s'est porté sur le chef du parti vainqueur, rien ne lui impose d'en faire de même cette fois, surtout que les profils d'un chef de gouvernement aux responsabilités aussi importantes que celles fixées par la Constitution ne sont pas légion au sein de nos formations politiques. Le seul défi est celui de la personnalité qui sera capable de former et de diriger une majorité. Pour le moment, seul le RNI semble avoir pris les devants, dans ce sens. En cas de victoire, bien évidemment !