Si le Maroc devait retenir quelques leçons du dragon sud-coréen afin de devenir un lion africain, il devrait adapter son modèle économique en commençant par l'investissement dans le système éducatif. À Séoul comme à Busan, les gratte-ciels mènent une course vers le ciel sud-coréen. Une situation qui résume bien l'évolution de ce dragon asiatique qui est devenu, en l'espace d'un demi-siècle, la 12e puissance économique mondiale et la 4e asiatique. Mais au-delà de l'image du développement que peut refléter l'aspect architectural, c'est surtout au niveau des centres urbains comme le quartier commerçant Myeong-Dong et celui huppé de Gangnam que l'on réalise que la Corée du Sud vit au rythme d'une mouvance artistique et touristique grâce à l'épanouissement de sa société et l'exportation des différentes vagues culturelles qui ont profité de l'évolution économique et technologique du pays. La Corée du Sud exporte son image vers les pays arabes Et c'est justement pour montrer ces aspects que la Fondation coréenne (KR) et l'Association coréenne-arabe (KAS), qui relèvent des Affaires étrangères, ont initié, la semaine dernière à Séoul, le Forum arabo-coréen pour les futurs leaders arabes au titre de l'année 2017. Lors de cette 1re édition, 47 participants représentant 12 pays de la région MENA ont fait le déplacement pour participer à cette rencontre afin de découvrir la culture sud-coréenne et tirer la leçon du miracle du fleuve Han, en particulier au lendemain de la guerre de Corée (1953) où l'ex-colonie japonaise a été un pays pratiquement pauvre. Le Maroc peut-il y prétendre au modèle coréen ? À cet égard, les chiffres sont éloquents lorsqu'on compare la situation économique du Maroc à celle de la Corée du Sud qui avait de nombreuses similitudes en 1960. En effet, le PIB était, respectivement, de l'ordre de 2,037 et 3,892 milliards de dollars. Aujourd'hui, celui de la Corée du Sud a grimpé pour se situer à 1,378 billion de dollars en 2015 alors que le Maroc a enregistré plus de 100 milliards de dollars, selon les chiffres de la Banque mondiale. Comment ce pays dépourvu de ressources naturelles est-il parvenu à une telle performance? Au-delà de la politique étatique favorisant l'essor d'industries exportatrices, l'éducation est considérée comme une religion en Corée du Sud. Les études sont un gage de réussite sociale dans ce pays de tradition confucéenne. L'économie de la connaissance, le grand pari «L'investissement éducatif, poursuivi sans relâche, constitue la toile de fond de cette métamorphose», explique Kim Jin-Soo, secrétaire général de l'Association arabo-coréenne. En témoigne le score des élèves sud-coréens dans le classement du Programme pour le suivi des acquis des élèves (PISA), mesurant les aptitudes des élèves de 15 ans en matière de lecture, de mathématiques et de sciences, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Mais le développement de la Corée se fonde aussi sur des valeurs de travail ancrées dans la société, en plus du respect de la hiérarchie et de la politesse de la société, ce qui a permis la création de conglomérats industriels (Chaebols) dans l'automobile, l'électronique (Samsung, Hyundai, LG) ou le chantier naval et l'industrie chimique. Ceux-ci représentent à eux seuls plus de 45% des exportations du pays vers plusieurs régions du monde, dont le monde arabe. Les pays arabes, 3e partenaire commercial de la Corée Aujourd'hui, les orientations de la diplomatie coréenne sont basées sur les «3C», en l'occurrence les complémentarités économique, politique et culturelle. Le volume commercial entre la Corée du Sud et les pays arabes s'élève à 110 billions de dollars en 2016, ce qui fait du monde arabe son troisième partenaire commercial. Le pays du matin calme importe 54 et 86% de ses besoins en termes de gaz et pétrole des pays du Golfe. Toutefois, cette facture énergétique a été allégée grâce aux investissements coréens dans ces pays, essentiellement dans le secteur nucléaire, en particulier aux Emirats arabes unis et en Egypte, mais dans l'industrie automobile et électronique, en plus du BTP en Irak et en Arabie saoudite et dans le transport ferroviaire via l'acquisition récente par l'Egypte de trains fabriqués en Corée. S'ajoutent à cela les énergies renouvelables et l'industrie militaire. L'Afrique du Nord moins bien lotie En revanche, la présence de la Corée au Nord de l'Afrique reste moins importante, en comparaison avec ses investissements au Moyen-Orient, ou encore avec la présence de la Chine et de la Turquie en Afrique. Pourtant, le Maroc a été le premier pays à entretenir des relations diplomatiques et économiques avec la Corée du Sud en 1962. À cela s'ajoute le jumelage entre les villes de Casablanca et de Busan, qui compte aujourd'hui le quatrième port à conteneurs du monde et qui ambitionne de devenir le 2e en termes de transbordement. «Les relations économiques entre la Corée et les pays arabes se sont consolidées grâce à l'importation du pétrole et du gaz, et elles sont appelées à se développer avec le Nord de l'Afrique», ambitionne Seonghoa Hong, ambassadeur des relations internationales de Busan.