Badr Ikken, directeur général de l'Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN) En marge du workshop organisé par l'IRESEN et la Fédération de l'énergie au sein du Green Energy Park à Ben Guerir, Badr Ikken, directeur général de l'IRESEN dévoile les projets que son institution entend mettre en œuvre cette année. Il parle aussi de son désir de voir l'IRESEN davantage associé au complexe Noor. Entretien. Les Inspirations ECO : Pourquoi ce workshop sur le smart grid avec la Fédération de l'énergie ? Badr Ikken : Le Maroc avec son objectif ambitieux d'atteindre 52% de capacité installée de source renouvelable en 2030 fera face au défi de la production intermittente et se doit de développer et d'implémenter des technologies innovantes qui remplaceront les systèmes conventionnels de génération, de transmission et de distribution par un environnement organiquement intelligent, intégrant l'utilisation des flux bidirectionnels d'électricité et d'informations. La gestion intelligente permettra d'améliorer l'efficacité énergétique et de soutenir la forte intégration des énergies renouvelables dans notre réseau électrique. Plus qu'une simple avancée technologique du secteur de l'énergie, les Smart Grids offriront aux Marocains encore plus de sécurité et de confort au niveau de leurs foyers et des bâtiments ainsi que dans la vie de tous les jours dans nos villes. La facilitation de la circulation, moins de pollution et de nuisance sonore, une gestion optimale de l'éclairage publique, des interventions plus rapides des forces de l'ordre, des pompiers ou des premiers secours ne sont que quelques exemples des avantages des réseaux intelligents. Nous souhaitions traiter de ce sujet important à travers un échange constructif entre les institutionnels, les opérateurs, les industriels et les chercheurs pour mieux comprendre les enjeux et défis mais surtout les opportunités à travers la présentation des concepts et technologies relatives aux Smart Grids et aussi les expériences nationales et internationales dans le domaine. Il ressort de cette rencontre que nous nous devons de joindre nos efforts afin de développer une feuille de route «Smart Grids - Smart Cities» qui sera accompagnée par la recherche et développement et la mise en place de plusieurs démonstrateurs et projets pilotes pour développer la ville marocaine de demain. Quels sont les objectifs du «Green & Smart Building Park» que vous allez édifier en face du «Green Energy Park» ici à Ben Guerir ? Cet ambitieux projet a comme objectif la mise en place d'une plateforme de recherche, de tests et de formations dans les domaines de l'efficacité énergétique et des Smart Grids. Cette infrastructure de recherche sera au service du monde socio-économique et académique et permettra le renforcement des capacités et l'appui à l'innovation. Elle comprendra un bâtiment central à émission nette zéro intégrant des laboratoires de matériaux de construction et de valorisation des matériaux locaux, un fablab et un laboratoire Smart Grid. Ce dernier sera une référence nationale et profitera à l'Université Mohammed VI Polytechnique ainsi qu'aux autres universités du royaume. La particularité de ce projet sera le Smart Campus qui comprendra 20 maisonnettes intelligentes de 35 m2 chacune, construites avec différents matériaux dans le respect de l'architecture de différentes régions du Maroc et du monde. Constituées de quatre mini-grids avec des flux bidirectionnels intégrant les énergies renouvelables et les batteries de véhicules électriques, les maisonnettes seront habitées par des étudiants et permettront de tester et de simuler différentes solutions pour contribuer à développer les maisons et les villes marocaines et africaines intelligentes du futur. L'IRESEN projette de lancer prochainement deux appels à projets. Sur quoi portent-ils et quels sont leurs objectifs ? Le premier appel à projet aura comme objectif le financement de projets collaboratifs de recherche appliquée et de développement dans le secteur des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, sur des sujets prioritaires afin de développer des produits, des services ou des process innovants. Le deuxième appel à projet sera orienté innovation et visera à accompagner des porteurs de projet à valoriser leurs résultats de recherche à travers la réalisation de prototypes industriels ou la commercialisation de produits ou services innovants. Nous avons la chance et ceci grâce à la vision de sa majesté le roi Mohammed VI, que Dieu l'assiste, de nous positionner en tant que pays leader dans la production d'énergie verte avec l'objectif ambitieux d'avoir une capacité installée de 52% à l'horizon 2030. Cette stratégie énergétique représente une réelle opportunité pour nos industriels, entrepreneurs et chercheurs afin de développer des solutions adaptées au contexte national et continental et créer de nouvelles filières à forte valeur ajoutée. Les membres fondateurs d'IRESEN et à leur tête notre ministère de tutelle, le ministère de l'Energie, des mines et du développement durable, souhaitent accompagner cette stratégie en soutenant le monde socio-économique à travers le renforcement des capacités, la R&D et l'innovation pour faire de notre pays un hub technologique dans le domaine. Arrêtons-nous un peu sur l'appel à projets pour soutenir l'innovation au sein des startups. Jusqu'où l'IRESEN est-il prêt à aller dans son soutien aux startups qui connaissent un taux de mortalité très élevé ? Le soutien des porteurs de projets innovants et des startups se fait à travers l'accompagnement et le conseil technique, juridique mais également financier. Il est essentiel de mettre à disposition des porteurs les bons outils et les moyens suffisants pour être capables de finaliser un prototype pré-industriel ou industriel mais surtout les accompagner pour avoir leur premier client. Cela représente, dans la plupart des cas, l'épreuve à franchir. Actuellement, le soutien aux porteurs de projets innovants ou startups reste limité au Maroc et les fonds alloués ne permettent pas de dépasser le seuil critique ou ne suffisent pas à lever les fonds nécessaires. Nous adapterons notre apport et impliquerons plusieurs partenaires pour minimiser le risque et augmenter la chance de réussite des projets. Il y a une quinzaine de jours, SM le roi a lancé les travaux d'édification de la quatrième et dernière phase du complexe Noor. Êtes-vous partie prenante à ce projet et en quoi consiste votre intervention ? La quatrième phase du projet de Noor Ouarzazate diffère des premières car il s'agit de la technologie photovoltaïque. Cette dernière atteindra un prix record de 44 centimes (0,44 DH), le kilowattheure. Les premières centrales sont de type solaire thermique à concentration à capteurs cylindro-paraboliques ou à tour. Elles sont plus coûteuses mais permettent le stockage afin de couvrir les pics du soir. Nous ne sommes pas directement intervenus au niveau de la centrale de Ouarzazate mais nous soutenons l'évaluation des ressources solaires pour les projets photovoltaïques en bout de ligne et grâce à la plateforme de tests, de recherches et de formations en énergie solaire du Green Energy Park à Benguerir, nous offrons plusieurs services technico-scientifiques aux fabricants de composants solaires d'Amérique, de Corée, d'Europe, mais accompagnons également l'émergence d'une industrie photovoltaïque marocaine. Les premières entreprises d'encapsulation de modules photovoltaïques telles que PV Industry et Cleanergy testent et optimisent leurs modules au niveau de la plateforme. Nos chercheurs et notre réseau d'experts sont au service des entreprises et des opérateurs. Restons sur ce projet d'envergure mondiale. Avez-vous déjà un retour d'expérience là-dessus ? Tous les experts félicitent l'engagement exemplaire du royaume dans les énergies renouvelables et l'excellent travail réalisé par MASEN ayant fait preuve de beaucoup d'innovation dans les montages financiers et de beaucoup de professionnalisme ainsi que de transparence dans la préparation des appels d'offre et dans la structuration des projets et leur mise en œuvre. Cette expertise peut désormais être dupliquée et transposée partiellement au niveau continental. Il serait pertinent de profiter de cette dynamique pour initier des programmes intégrant des centaines de projets de petites et de moyennes capacités à fort potentiel de création d'emplois et qui offriraient plus d'opportunités aux entreprises nationales, tant au niveau du royaume que sur le continent africain. Il faudrait maintenant consolider encore plus le soutien et l'accompagnement du monde socio-économique pour faire émerger des industries et des entreprises sur tous les maillons de la chaîne de valeur de l'industrie solaire, tant au niveau des composants et des systèmes adaptés aux conditions locales, que des services tels que l'ingénierie, l'exploitation, la maintenance, le recyclage... Les défis à relever au niveau des énergies solaires et nouvelles sont encore énormes au Maroc. Malgré tout, est-ce que vous avez des visées à l'export dans la stratégie de développement de l'IRESEN ? Les avancées scientifiques et technologiques ne sont possibles qu'à travers la capitalisation et le partage des connaissances. Il était important, en premier lieu, de consolider les relations avec plusieurs centres de recherche de pays développés pour bénéficier du transfert technologique et de leurs expériences dans la programmation de feuilles de route technologiques afin de s'en inspirer et de développer des modèles adaptés. Aujourd'hui, l'IRESEN, avec son réseau national de partenaires académiques s'oriente plus vers les partenariats nord-sud-sud et sud-sud. Nous avons signé des conventions avec l'Agence nationale des énergies renouvelables du Mali, avec l'Académie des sciences du Bénin ainsi que l'INPHB de la Côte-d'Ivoire et accueillons des stagiaires de plusieurs pays subsahariens. Nous sommes également en phase finale de création d'un Centre africain des énergies renouvelables impliquant plusieurs universités et centres de recherche africains pour encourager le réseautage et contribuer à développer des solutions technologiques pour l'Afrique par l'Afrique.