Qui dit crise, dit resserrement de marché et donc exacerbation de l'intensité concurrentielle. Le secteur du tourisme n'échappe évidement pas à cette règle, dont l'illustration est frappante lors de l'édition 2011 du World Travel Market, grand-messe londonienne qui réunit chaque année le gotha mondial de l'industrie touristique, et qui a ouvert ses porte lundi et se poursuit jusqu'à demain jeudi. Sur cette édition, le Maroc se retrouve en concurrence frontale avec l'Egypte, malgré des business models différents entre les deux destinations. Par supports publicitaires interposés, les instances touristiques des deux pays s'arrachent les voyageurs, British en tête. Du côté marocain, l'antenne londonienne de l'Office national marocain du tourisme (ONMT) a mis les bouchées doubles à l'approche du Salon. La destination est en effet nettement visible sur les grandes artères de la capitale britannique, dans les transports en commun, dans les cinémas, sur quelques chaînes de télévision, sur les ondes de plusieurs radios et bien entendu, sur le web. D'ailleurs, comme le souligne d'un air malicieux, Faiçal Alaoui Medarhri, trade marketing manager de l'ONMT à Londres, «les affiches de la destination sont inspirées de celles des égyptiennes pour contre-attaquer leur campagne». Sans oublier d'insister au passage sur le fait que «le budget égyptien au Royaume-uni fait le triple du budget de l'ONMT dans le même pays». S'il faut effectivement admettre que les pharaons partent avec une longueur d'avance que l'on pourrait qualifier de naturelle sur le marché britannique, de par les liens historiques et les affinités linguistiques et culturelles entre les deux nations, le Maroc peut tabler sur sa stabilité politique et la bonne santé de son secteur touristique pour damer le pion à son principal challenger. L'enjeu pour notre destination est de pousser les voyageurs britanniques à opter pour des formules de voyage plus personnalisées, plus originales, le concurrent égyptien misant de son côté sur le tourisme de masse, à coups de ponts aériens et de charters. En général cependant, l'ensemble de la région de l'Afrique du Nord souffre douloureusement des retombées psychologiques du printemps arabe, puis désormais de la crainte d'un automne islamiste. Offensive commerciale Le marché britannique, érigé en rang de cible prioritaire par le Maroc, aiguise des appétits certains et les responsables de l'ONMT sont conscients que la tâche ne sera pas aisée pour bousculer la concurrence. Toutefois, la confiance reste de mise, surtout au vu des potentialités qu'offre la niche. Il s'agit donc de renforcer le positionnement de la destination Maroc chez les touristes britanniques. Surtout que jusque-là, le Maroc semble tenir le coup. Selon les chiffres officiels et en dépit de la conjoncture internationale actuelle, le Maroc a accueilli, sur les 9 mois de l'année en cours, plus de 385.000 touristes à partir de la Grande Bretagne, soit une progression de 7,8% comparée à la même période de 2010. Cette tendance haussière concerne également le nombre de nuitées britanniques qui ont enregistré une progression de l'ordre de 1,5% à fin septembre 2011, par rapport à leur niveau de l'année dernière. Si les inquiétudes manifestées par les professionnels qui craignent la poursuite, en 2012, de la baisse constatée cette année de 5% du nombre de voyageurs britanniques, le Maroc peut compter sur la stagnation ou même sur le recul des arrivées sur les marchés concurrents pour tirer son épingle du jeu. C'est la raison pour laquelle le renforcement de la compétitivité nationale est menée à coups de campagnes de communication massive, mais également d'offres commerciales promotionnelles. L'objectif, selon le directeur de l'ONMT est de réaliser de bons chiffres durant la période des fêtes de fin d'année, en plus des mois de janvier et février prochain, périodes de hautes fréquence. À cet effet, une nouvelle campagne sera lancée dès le mois de février prochain pour «sécuriser la période de haute saison, qui s'étend jusqu'au mois de juin», confie-t-on à l'ONMT. Hémorragie aérienne ? Mais de toute façon, les efforts qui étaient à faire le sont encore, notamment sur les liaisons aériennes, dont la densité est positivement corrélée à l'affluence et aux revenus touristiques pour la destination. Dans ce cadre néanmoins et malgré le retour de British Airways et l'arrivée de British Midland International (BMI), la capacité des dessertes aériennes s'inscrit en nette baisse entre les saisons d'hiver 2010/2011 et 2011/2012. En effet, selon les chiffres fournis par l'Office, la capacité aérienne totale entre le Maroc et le Royaume-Uni s'est effritée de 21,69% sur la période, avec des baisses généralisées sur tous les aéroports desservis, à l'exception de ceux de Tanger et de Fès, par ailleurs les moins importants en volume. Casablanca perd ainsi près de 4.000 sièges, soit une baisse de 8%, ramenant la capacité aérienne à destination de l'aéroport Mohammed V à 40.900 sièges. Les baisses sur Marrakech et Agadir sont encore plus importantes. La ville ocre a ainsi perdu plus de 40.000 sièges d'une saison à l'autre, soit 29% de baisse, ramenant sa capacité aérienne en provenance du Royaume-Uni à 99.450 places. Agadir enfin, perd près de 6.000 places avec 17% de baisse entre les deux saisons d'hiver. Des chiffres en recul, certes, mais lesquels restent assez positifs au vu de la conjoncture actuelle. En tout cas, les professionnels nationaux ne désarment pas. Selon le président de la Fédération nationale du tourisme (FNT), Ali Ghannam, la forte progression enregistrée en septembre et en octobre derniers devra se poursuivre pour le reste de l'année et même en 2012, à condition bien sûr de maintenir le cap du marketing promotionnel, car d'ici là, le retour des autres marchés concurrents pourrait freiner ce regain d'optimisme dans le secteur. Inspiring Morocco C'est au cœur du célèbre magasin londonien Harrods que l'ONMT a choisi de planter le décor pour illustrer les énormes potentialités dont regorge la destination Maroc. L'enceinte internationale accueille, en effet, une exposition sur l'art de vivre marocain, une excellente opération de promotion qui met en exergue les richesses touristiques et artisanales marocaines. Pour joindre l'utile à l'agréable, l'ONMT et la filiale de l'opérateur, spécialisée dans l'organisation de circuits touristiques, ont signé un accord portant sur des offres en direction du Maroc. 50 millions de DH de chiffres d'affaires sont ainsi visés à travers la vente de packages de voyages durant les deux mois que durera l'exposition. Il y a de la promotion, mais également du business, à Londres.