Un potentiel à incuber. Voilà la définition des profils et compétences marocaines en matière de création d'entreprise, fixée par la délégation d'hommes d'affaires américains de passage à Rabat, la semaine dernière. Dans le cadre du programme NAPEO (Partenariat nord-africain pour les opportunités économiques). Plusieurs jeunes entrepreneurs marocains se sont réunis en workshop avec les spécialistes américains de l'entrepreneuriat, afin de présenter leurs idées, leurs projets et leurs ambitions. À l'issue de ces échanges, deux jeunes ont été sélectionnés pour bénéficier d'une bourse qui leur permettra de faire le voyage aux Etats-Unis et apprendre les tenants et aboutissants de la création d'entreprise. Dans ce cadre, ce qui semble véritablement avoir surpris la délégation, ce sont les pré-requis à l'entrepreneuriat déjà présents au Maroc: «Les jeunes que nous avons eu l'occasion de rencontrer on un véritable esprit d'entrepreneuriat et n'ont pas d'aversion au risque. Ces deux qualités sont primordiales à la création d'entreprise aux Etats-Unis», explique Driss Temsamani, Senior vice-président de Citi Bank. Cet avis est partagé par Ahmad Chabbani, président de l'American Arab Chamber of Commerce, qui ajoute : «Bien que les ressources soient très importantes au Maroc, leur accès au capital reste très restreint». Le scanner de la situation semble être fait. Il décèle «un manque de financement», auquel sont confrontées les idées novatrices des jeunes entrepreneurs. C'est là même que se situerait la faille du système d'entrepreneuriat au Maroc. «Créer la marque Maroc» Le système bancaire marocain reste jusque-là davantage axé sur la vision franco-française de la finance, avec une grande aversion au risque qui persiste. «Il faut moderniser la bourse marocaine», déplore Driss Temsamani, en introduisant de nouveaux instruments et services financiers, qui permettront davantage d'introductions en Bourse. Techniquement, il y aura plus d'investisseurs qui échangent sur le marché boursier. C'est une plateforme d'investissement plus large qui permet une production de richesse plus conséquente et plus solide. De facto, plus de richesse suppose plus de possibilités de financement de nouveaux projets, si cette capacité d'investissement trouve du répondant. C'est le manque de répondant qui justifie la réticence des banques marocaines en matière de financement de nouvelles idées entrepreneuriales. Délivrer des prêts à risque à des entrepreneurs en herbe n'est pas ce qu'il y a de plus courant dans le monde de la finance, aussi moderne que puisse être le système financier. Le manque de visibilité sur la viabilité du projet, mais aussi l'absence de garantie sur un retour sur investissement conduit souvent à l'avortement de nombreux projets au Maroc. Voilà un autre point de fracture qui pourrait être souligné. Il aurait pour principale cause la restriction du marché local. «Le marché marocain est une très petite sphère dans laquelle un projet d'entrepreneuriat d'envergure ne peut s'épanouir pour connaître une véritable rentabilité», explique Driss Temsamani. À ce cadre restreint, le consortium américain préconise une solution: «Le Maroc doit s'ouvrir davantage. Les barrières qui persistent entre les différents pays du Maghreb et le manque d'échanges entre eux handicapent fortement l'avènement d'un grand marché maghrébin, dans lequel beaucoup de points communs existent». Toutefois, ce point sensible n'en est pas à son premier diagnostic. Nombre d'économistes avaient auparavant souligné le handicap commercial que constituent des frontières terrestres maintenues fermées entre le Maroc et l'Algérie, pour l'ouverture desquelles aucune médiation d'ailleurs n'a abouti à ce jour. Pour l'heure, tous ces points de blocage décelés, «l'entrepreneuriat marocain peut commencer son essor à l'international, en créant la marque Maroc». La délégation américaine s'est accordée à souligner l'importance de la mise en place d'un produit marocain à exporter, qui transcende tous les stéréotypes assimilant le Maroc aux couleurs exotiques des palmiers et du couscous national. «L'Inde a largement réussi le défi de sortir de l'image épicée des cartes postales en se positionnant en leader sur le marché de l'électronique. Il n'y a pas de raison pour que le Maroc n'y parvienne pas». Au final, l'objectif de cet échange marocco-américain visait à créer une connectivité entre l'esprit créatif marocain et le savoir-faire américain en matière de création d'entreprise. Heureux élu Yassine El Kachchani L'innovation made in Morocco a désormais sa place dans les plus grands centres d'incubation américains. Une délégation américaine, de passage au Maroc la semaine dernière, a attribué à Yassine El Kachchani, un jeune Marocain entrepreneur, une formation de 3 mois et programme de mentorat à l'Incubateur TechTown Detroit aux Etats-Unis. Le jeune entrepreneur, fondateur des Systèmes d'Information Flexcible, a présenté à la délégation un concept d'applications mobiles pour les entreprises de restauration marocaines. «C'est l'énergie et l'enthousiasme de Yassine autant que le modèle d'affaires qui ont conduit les membres de la délégation à sélectionner sa société». Etant donné que son produit d'applications mobiles est encore en phase de pré-lancement, Yassine pourra grandement bénéficier du réseau de soutien offerts par la société américaine TechTown. Le PDG de Flexcible aura de ce fait l'occasion de travailler avec des mentors, de rencontrer d'autres programmeurs et d'interagir avec d'autres entrepreneurs afin d'améliorer son concept avant sa commercialisation. La délégation a sélectionné la société Flexcible parmi huit équipes de jeunes qui ont présenté leurs projets d'entreprise le 28 octobre dernier. TechTown, Wayne State University, la Chambre américano-arabe de commerce et le Département d'Etat américain ont contribué à ce prix. Il permettra notamment à ce jeune lauréat de se rendre aux Etats-Unis, de voir ses frais de scolarité entièrement pris en charge et un espace de bureau mis à sa disposition avec support technique. Enfin, il bénéficiera d'un mentorat/coaching afin de participer à des événements de réseautage. Qu'est ce que programme NAPEO ? Le programme Napeo est une initiative «exclusivement américaine», qui vise à stimuler l'implication des gouvernements des pays du Maghreb afin de soutenir les jeunes porteurs de projets et d'encourager l'esprit de l'entrepreuneuriat dans une région où le défi de l'emploi reste à relever. Inspirée des initiatives américaines précédentes, cette nouvelle proposition est un moyen d'approfondir les relations entre le Maghreb et les Etats-Unis sur la base des intérêts mutuels. Il consiste à mettre en place le réseau des jeunes entrepreneurs et leaders d'affaires en Afrique du Nord à travers un réseau régional social en ligne et fermé. Dans un second temps, il accompagne l'incubation de la technologie et de l'innovation, afin de soutenir le secteur capital-risque au Maghreb en parrainant une initiative régionale de start-up dans les nouvelles technologies.