À l'heure où le dialogue social est en panne depuis de longs mois, la Chambre des conseillers s'est penchée, lundi, sur l'importance de l'institutionnalisation de ce mécanisme pour la concrétisation de la justice sociale. Une occasion pour les partenaires sociaux de tirer leurs flèches sur l'Exécutif. Les syndicalistes sont mécontents et ne ratent aucune occasion pour le faire savoir. Lors du deuxième forum sur l'institutionnalisation du dialogue social organisé hier par la Chambre des conseillers, les représentants des centrales syndicales n'ont pas hésité à épingler le gouvernement pour le gel du dialogue social au cours des dernières années en dépit de l'importance de ce mécanisme dans l'instauration de la paix sociale et la garantie des droits sociaux. Ils pointent l'absence au cours du dernier mandat de tout accord concret ainsi que la mise en œuvre de mesures sociales douloureuses pour les citoyens, notamment la réforme des retraites et celle de la Caisse de compensation. Le dossier des libertés syndicales n'est pas en reste. On reproche en effet au gouvernement de ne pas avoir satisfait des requêtes qui ne nécessitent pas un effort financier dont le respect des libertés syndicales. La nécessité de la ratification de la convention 87 portant sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical figurent toujours au cœur du cahier revendicatif des centrales syndicales. Pour l'Exécutif, sur les huit conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail, le Maroc en a ratifié sept. Il reste celle sur les libertés syndicales que le Maroc n'a pas encore ratifiée en raison «des dispositions de la Constitution qui prévoit l'interdiction de syndicats pour les porteurs d'armes». Cette clause empêcherait le Maroc de ratifier la convention 87. En tout cas, la situation actuelle est appelée à évoluer pour favoriser le dialogue entre le gouvernement et les partenaires aussi bien sociaux qu'économiques. «La lettre royale adressée au Forum parlementaire international sur la justice sociale devra être une feuille de route pour le prochain gouvernement», a souligné le chef de file de l'Union marocaine du travail, Miloudi Moukharik. Le souverain qui appelle à considérer l'institutionnalisation du dialogue social comme un préalable essentiel à la réalisation de la justice sociale et du développement durable, a mis en exergue plusieurs enjeux, dont la mise en place d'une procédure simplifiée et une méthodologie claire et inclusive de tous les acteurs concernés ainsi que la nécessité d'étendre les thématiques du dialogue social à de nouvelles problématiques comme les questions d'égalité effective et de lutte contre la discrimination entre les sexes dans le domaine du travail et d'éradication effective du travail des enfants. Il s'agit aussi de la «nécessité de construire le nouveau système du dialogue social en ayant à l'esprit les exigences d'égalité des sexes, l'approche droits de l'homme, les engagements souscrits par notre pays en vertu des conventions de l'Organisation internationale du travail ainsi que les nécessités du développement durable appréhendé dans ses trois dimensions économique, sociale et environnementale». Abdelilah Benkirane Chef de gouvernement Tout le monde veut la réforme, mais personne ne veut faire des concessions. Il faut davantage de production et de développement, mais il est nécessaire de procéder à la répartition. Les élites politiques, économiques et culturelles sont les principaux bénéficiaires. Ils doivent être conscients qu'il vaudrait mieux bénéficier moins que de perdre la stabilité». Jamal Belahrach Représentant de l'Organisation internationale des employeurs Les différentes parties prenantes (gouvernement, entreprises et syndicats) sont appelées à lâcher prise et accepter de faire un effort par rapport à l'autre car il faut s'attaquer au problème du chômage. Il faut installer la confiance pour mener à bien le dialogue social. Il faut un langage de vérité au sein de l'entreprise. On ne booste pas des stratégies sur le dos des salariés mais avec eux. Pour leur part, les syndicats doivent accepter de se former. Les employeurs ont besoin d'avoir des corps intermédiaires puissants». Miloudi Moukharik SG de l'UMT Le dialogue social n'a pas avancé en raison de l'absence de la volonté politique du gouvernement. Ce qui démontre que l'institutionnalisation de ce mécanisme n'est pas un choix politique pour ceux qui veillent sur la gestion des affaires publiques. Pire encore, le dialogue n'est mené qu'après des grèves. À cela s'ajoute l'adoption de lois sociales ayant un impact négatif sur les générations actuelles et futures». Tags: Justice Dialogue social Chambre des conseillers Maroc