Le Festival de World Music d'Oslo a gagné son pari haut la main. Celui de rassembler et de fédérer autour de la musique et surtout autour de la musique arabe puisque le Moyen-Orient et le Maghreb étaient les stars dudit festival. Un festival où l'on écoute mais où on réfléchit surtout puisque le thème de cette édition était destiné aux chansons interdites. Récit d'un événement culturel avec un supplément d'âme. Du 1er au 6 novembre, à Oslo, la magie a opéré. Les préjugés ont été effacés le temps d'un week-end et les barrières sont tombées. Il n'y avait qu'un monde, sans frontières, ni visas, ni guerres entre les peuples. Tout le monde était lié par le pouvoir de la musique. Et pour cause, le World Music Festival d'Oslo a ouvert les frontières au monde, à l'Afrique, au Maghreb, au Moyen-Orient avec un programme dédié à la découverte des artistes qui ont des messages à faire passer, qui sont souvent incompris dans leurs pays, dont les chansons sont interdites même. Une arène où la musique est reine Oslo s'est transformé, le temps d'un week-end, en une plateforme où l'on s'exprime librement de tout, même de ce peuple jugé trop vite, souvent associé au terrorisme, que les médias n'hésitent pas à mettre en avant pour les mauvaises raisons. Durant le festival, le Maghreb et le Moyen-Orient étaient représentés pas des artistes incroyables, de la Tunisienne Emel Mathlouthi aux Libanais Mashrou' Leila sans oublier le groupe palestino-jordanien : 47 Soul, la Mauritanienne Noura Mint Seymali ou encore l'Iranienne Masha Vahdat. «Chaque année, on choisit un thème ! Un thème local et global. Il est vrai qu'on a mis en avant le Moyen-Orient, le Maghreb et l'Afrique cette année mais on pointe du doigt aussi notre culture norvégienne, oubliée presque, le peuple Sami ! On doit trouver un sujet local et on ouvre au global», confie Alexandra Archetti Stølen, directrice du festival qui travaille de longue haleine depuis 11 ans pour faire de cet événement un moment compris par tous. «Nous essayons de montrer que la musique est universelle et que nous n'avions pas besoin de la comprendre pour qu'elle nous touche. Les Norvégiens ne comprennent pas l'arabe et pourtant Emel Mathlouthi et Mashrou'Leila les ont touchés. Les Norvégiens ne comprennent même pas le dialecte «Sami», ce qui est étrange. Et pourtant, ils viennent aux concerts d'artistes samis. Nous ne sommes pas inquiets quant au public ou de remplir les salles. C'est un travail au jour le jour, on doit convaincre plus qu'un festival qui ramène des stars internationales, c'est certain. Mais on y arrive». En effet, il est impressionnant de constater le nombre d'audiences pour des artistes qu'ils ne connaissent pas ou dont ils ne connaissent même pas la langue. Le Festival a réussi à se faire une place en mettant en avant le respect de tous et le respect pour tous, avec des thèmes engagés à chaque fois : l'exclusion, la question des refugiés, l'abolition des frontières, la censure... Des chansons interdites révélées au grand jour Entre concerts du soir et rencontres la journée, on ne chaume pas pendant le festival. Il s'agit de rencontrer le plus de monde et de partager le plus d'informations possible. On parle de «Music Norway» où on explique le pouvoir d'internet dans la promotion des artistes à l'international, les nouveaux enjeux de l'industrie musicale avec des managers de renom tels que l'Anglais Stephen Budd ou la studieuse Paula Rivera venue tout droit d'Argentine, ou encore du rôle des femmes dans la musique modérée par la grande Mayssa Issa de France Médias Monde...Mais le thème principal de ces jours, le fil conducteur de l'évènement tourne autour des chansons interdites. Parler de pouvoir, de guerre, d'amour est tabou dans plusieurs pays et la censure est parfois injuste. Combien d'artistes dans le Moyen-Orient, en Afrique ou au Maghreb sont emprisonnés, menacés ou morts pour leur art ? Pour avoir osé s'exprimer ouvertement. Cet art là a été glorifié, reconnu, applaudi, cette semaine là à Oslo. Des artistes trop engagés comme Emel Mathlouthi, qui n'hésite pas à parler ouvertement de la politique tunisienne et des maux de son pays dans ses chansons, ou encore le groupe Mashrou' Leila, engagé également et parfois considéré comme trop libre voire libertin dans ses œuvres. Quand au groupe 47 Soul, un groupe touchant venant de Palestine et de Jordanie, qui défendent un monde où l'on pourra circuler sans frontières, ni visas, ont touché par leur sincérité et leur panache. «La musique a ce pouvoir de faire passer les messages, a ce pouvoir de liberté, de toucher les gens. Ce n'est pas pour rien que les politiques et les pouvoirs ont peur de la musique et de l'art en général. Cela rend libre», explique Jan Egeland, SG du Centre des réfugiés de Norvège, qui œuvre à accueillir des êtres humains obligés de fuir leur terre depuis plus de 20 ans. «Les terroristes touchent les endroits culturels en premier. Ils ont peur du pouvoir de l'art !», continue ce dernier. Des moments vrais où la rencontre est primordiale Au festival d'Oslo, ce qui touche et qui dérangerait presque, quelquefois, c'est cette implication sans faille. Le festival et son équipe vivent l'évènement à fond. Un constat qui peut paraître normal mais qui ne l'est pas, c'est ce qui fait le succès de ce rendez-vous musical. «Je fais ça pendant 11 ans! On acquiert une certaine expérience et on met en place une routine qui facilite le travail d'année en année. Le choix du personnel et de l'équipe est primordial. On a une petite équipe, par rapport aux autres festivals, mais on est soudés et cela fait partie de notre stratégie, on a un meilleur contrôle puisque tout le monde sait tout gérer», explique la maîtresse des lieux, qui malgré des béquilles et une jambe dans un sale état, se déplace dans tous les recoins du festival. Un festival où l'on crée de vraies relations, où l'on pousse à la rencontre. Managers, RP, artistes, directeurs de festivals, viennent tous les ans pour se retrouver, se connaître, trouver des artistes, échanger. «C'est un festival extraordinaire, qui vous veut du bien», s'amuse le Marocain que l'on respecte beaucoup à Oslo : Brahim Mazned, directeur de Visa For Music et directeur fondateur du Momex, le Bureau export de la musique marocaine. L'activiste marocain qui avait fait découvrir à la directrice du Festival d'Oslo, Alexandra Archetti Stølen, le groupe libanais Mashrou' Leila, qui ont joué à Rabat deux années auparavant, ou encore à différents festivals comme Beyrouth & Beyond des artistes marocains, continue d'œuvrer pour faire tourner les groupes marocains à l'étranger. Le grand marché des musiques du monde : Visa For Music donne rendez-vous à tous les artistes, promoteurs, directeurs de festivals, managers, curieux et mélomanes, du 16 au 19 novembre à Rabat, pour un remake à la marocaine et en mieux du Wolrd Music Festival d'Oslo.