Le rapport 2015 de la Banque centrale, qui a été présenté vendredi dernier au souverain par le wali-gouverneur de l'institution, Abdelatif Jouahri, dresse un véritable diagnostic de la situation économique nationale. Soutenabilité de la dette publique Analysant la soutenabilité de la dette p ublique marocaine et ses perspectives d'évolution sur la période 2016-2022, le rapport 2015 de BAM a établi une simulation sur la base des prévisions budgétaires de la loi de Finances 2016 ainsi que les propres projections macroéconomiques pour 2017. En supposant un solde primaire qui converge vers un déficit budgétaire autour de 3% du PIB et que la croissance est considérée comme endogène dépendant de l'impulsion budgétaire, il est ressorti des simulations que la dette devrait commencer à baisser à partir de 2017. Elle devrait passer de 64,1% en 2015, à 65,9% en 2016 avant de revenir à moins de 65,5% en 2017. Toutefois, prévient BAM, un choc négatif de croissance de 1 point de pourcentage à partir de 2017 se traduirait par une augmentation moyenne de la dette de 2 points par rapport au scénario de base. La question du niveau d'endettement public tolérable a été abordée sous plusieurs angles afin de mieux prendre en compte les thèses actuellement en vogue au niveau des débats publics sur la situation au Maroc. Ainsi, des études récentes de l'OCDE ont permis de conclure que les niveaux d'endettement tolérables dépendent du niveau de développement du pays, mais en général qu'un ratio de dette publique élevé, va de pair avec une moindre croissance. Le FMI, lui, propose une autre approche qui ne comporte pas de limites spécifiques, mais recommande néanmoins la conduite d'une analyse plus rigoureuse des vulnérabilités lorsque ce ratio dépasse un certain niveau. Selon des études menées par l'institution, dans les pays avancés, la croissance se détériore manifestement lorsque l'endettement dépasse 90% du PIB. En revanche, d'autres travaux notamment avancent qu'il n'y a pas de point d'inflexion particulier ou d'effet de seuil. BAM a, par exemple, appliquée la méthode dite de Reinhart et Rogoff qui consiste à analyser le lien entre la croissance et l'inflation d'un côté et le niveau de la dette de l'autre. «Elle présente l'avantage d'être applicable au niveau d'un pays pris individuellement», lit-on dans le document et son application au cas du Maroc, sur la base des données de la période 1982-2015, indique qu'un ratio d'endettement du Trésor dépassant 70% du PIB va de pair avec une baisse du taux de croissance et une hausse importante de l'inflation. Vu sous ces angles et en dépit des inquiétudes, le Maroc se situe encore en dessous de la barre par rapport à la situation de son économie, même si les services de la dette vont encore beaucoup peser sur le budget. En 2015, les paiements d'intérêts de la dette ont progressé de 10,1% à 27,3 milliards, reflétant essentiellement une hausse de 10,7% à 23,3 milliards de sa composante intérieure. Accord agricole Maroc-UE : bilan contrasté BAM a, dans son rapport annuel 2015, dressé un focus sur le bilan de l'Accord agricole avec l'Union européenne (UE), signé le 13 décembre 2010 à Bruxelles et entré en vigueur le 1er octobre 2012. Selon l'analyse de la Banque centrale sur l'évolution des échanges de produits agricoles, il ressort qu'après une hausse de 5,3% en moyenne entre 2006 et 2011, les exportations vers l'UE ont connu une croissance moyenne quasi-nulle, à partir de 2012 avec, toutefois, d'importantes fluctuations d'une année à l'autre. Par produit, les ventes d'agrumes ont accusé une baisse moyenne de 11,3%, contre une hausse de 8,5%, celles de tomates fraîches ont stagné après une hausse de 22% et les expéditions de «crustacés mollusques et coquillage» n'ont augmenté que de 0,8% après 8%. Quant aux importations, leur rythme a connu une décélération revenant de 20,5 à 9,5%. Les achats d'huile de soja ont, par contre, nettement augmenté après la mise en application de l'accord et leur part est passée de 7,4 à 48%. En revanche, les achats de blé tributaires des conditions climatiques et exclus des schémas de démantèlement de l'accord ont vu leur part s'établir à 52,3% a près 54,7%. Evolution des prix des produits réglementés Durant les trois dernières années, l'Etat a également mis en place un ensemble de réformes des prix des produits réglementés hors carburants et lubrifiants. Il s'agit, d'une part, de la refonte du système de tarification des prix des services de distribution d'eau et d'électricité dans le cadre du contrat-programme avec l'ONEE, entré en vigueur en août 2014. En conséquence, relève BAM dans son rapport, les tarifs d'eau et d'électricité ont enregistré des progressions respectives de 6,3 et 3% en 2014 et de 8,9 et 6,6% en 2015. Leur contribution conjointe à l'inflation a atteint 0,2 point de pourcentage en 2014 et 0,4 point en 2015. D'autre part, la réforme du système de taxation des tabacs, promulguée par la loi de Finances 2013 et dont l'application a été étalée sur trois ans, a induit une augmentation de leurs prix de 5,5% en 2013, de 1,7% en 2014 et de 4% en 2015. Cette hausse a contribué à l'inflation à hauteur de 0,1 point de pourcentage en moyenne sur les trois années d'après le rapport. En revanche, la réduction des tarifs de certains médicaments en juin 2014 s'est traduite par une baisse des prix des produits pharmaceutiques de 3% la même année et de 2,4% en 2015. Toujours selon BAM, l'évolution des tarifs du transport routier de passagers a été marquée par trois principales augmentations enregistrées en juin et juillet 2012 et en octobre 2014, en lien avec les révisions à la hausse des prix à la pompe. Leur progression moyenne entre 2012 et 2015 ressort à 3,1% et leur contribution moyenne à l'inflation à 0,1 point de pourcentage. Au total, après un taux annuel moyen de 0,5%, entre 2008 et 2012, la progression des tarifs des produits réglementés hors carburants et lubrifiants s'est accélérée à 1,4% en 2013, à 1,7% en 2014 et à 2,9% en 2015. Productivité et coût du travail au Maroc Selon le rapport 2015 de BAM, la décélération de l'activité, conjuguée à une relative amélioration de l'emploi dans le secteur non-agricole, s'est traduite par une hausse limitée de la productivité apparente du travail de 0,9% contre 2,4% en 2014. Ce ralentissement reflète un accroissement de 1,2% après 4,8% dans le secteur secondaire et de 0,5% après 1,3% dans le tertiaire. Parallèlement, le salaire moyen dans le secteur privé, calculé sur la base des données de la CNSS, s'est accru de 3,5%, après 2% en termes nominaux et de 1,9%, contre 1,6% en termes réels. «Cette évolution reflète, en partie, l'effet de la revalorisation de 10% du salaire minimum, opérée en deux tranches en juillet 2014 et juillet 2015, qui a porté le SMIG à 13,46 DH/h et le SMAG à 69,73 DH/j», note la même source. Par ailleurs, la progression des salaires dans le secteur public a enregistré une nette décélération en termes nominaux, le salaire moyen ayant augmenté de 0,3% après 2%. En termes réels, il ressort en baisse de 1,3% après un accroissement de 1,5%.