Ayman Cheikh Lahlou : DG de Cooper Pharma et président de l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique (AMIP). Lors de son séjour de deux jours au Maroc, la semaine dernière, le président rwandais a rencontré une poignée de grands patrons marocains. Parmi eux, Ayman Cheikh Lahlou, directeur général du laboratoire Cooper Pharma et président de l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique (AMIP). Il revient ici sur certains points évoqués lors de cette rencontre. Les Inspirations ECO : Vous avez rencontré le président rwandais lors de son séjour au Maroc. Quels points étaient au menu de vos échanges ? Ayman Cheikh Lahlou : Ce n'est pas à moi de trahir le contenu de nos échanges, mais globalement, il s'agissait d'une rencontre entre les acteurs économiques marocains et le président Paul Kagame, dans un esprit entrepreneurial. Pour nous, cette rencontre a été bénéfique, car nous avons pu discuter avec le chef de l'Etat rwandais, dans un environnement favorable, facilité au plus haut niveau de l'Etat marocain. Maintenant, c'est à nous d'être à la hauteur pour suivre cette dynamique. Des projets concrets naîtront-ils de cette rencontre ? Comme vous le savez, quelques acteurs économiques dans différents domaines, notamment des services, des banques, de l'immobilier, etc. ont pris part à cette rencontre. Dans une logique de percer le marché rwandais, certains sont en train de prospecter, alors que d'autres pourraient passer à des étapes supérieures dans la réalisation de leurs projets. Je pense que sur cette question, il leur revient d'en parler plus en détails. Cooper Pharma va-t-il s'implanter au Rwanda d'ici quelques mois ? C'est encore très tôt pour le dire, mais nous étudions de près les conditions d'une éventuelle implantation sur le marché rwandais. Cela dit, nous y allons pas à pas et nous saurons accélérer au moment venu. Est-ce que d'autres acteurs de l'industrie pharmaceutique marocaine sont intéressés par le marché rwandais ? À ma connaissance, Cooper Pharma est l'unique opérateur marocain de l'industrie pharmaceutique à être intéressé par le Rwanda actuellement. Pour nous, le Rwanda et le Kenya sont des pays très intéressants qui peuvent servir de base pour une probable implantation dans la région. Mais je pense que le Rwanda se distingue par rapport aux autres pays. Cela dit, nous avons commencé dès 2015, l'enregistrement de nos produits de santé et les premières autorisations vont tomber d'ici la fin de l'année avec des lancements de produits sur le marché kenyan en décembre prochain. Nous espérons en faire de même au Rwanda en 2017, et cela, indépendamment du projet industriel en étude dans ce pays. En dehors d'un éventuel rapprochement politique entre Rabat et Kigali, qu'est-ce qui fait l'attractivité du Rwanda selon vous ? Aujourd'hui, les liens politiques s'établissent avec l'Afrique anglophone. Dans cette partie du continent, le Nigéria est certainement le pays le plus grand, mais il est difficile à appréhender pour nous. Le Kenya est un pays favorable d'un point de vue marché, mais le Rwanda apparaît comme la destination la plus attractive. Il est vrai que la population rwandaise ne dépasse pas 12 millions d'habitants, ce qui paraît petit par rapport aux autres pays de la région, mais ce marché ne manque pas d'atouts. Le Rwanda est souvent bien classé dans les différents classements internationaux, notamment sur le Doing Business. Aussi, à titre d'exemple, le Rwanda réserve 26% de son budget au secteur de la santé, ce qui est largement supérieur aux 15% prévus dans la convention d'Abuja. En outre, l'Etat rwandais accorde 19% de son budget à l'éducation. Personnellement, j'ai été très impressionné lors de mes déplacements au Rwanda. C'est un pays très propre, où les choses sont bien organisées, et les gens ont envie d'avancer. On note une synergie entre les populations et les dirigeants, à l'image du Maroc. Pensez-vous que l'Afrique de l'Est est à la portée des entreprises marocaines, notamment dans votre secteur ? L'Afrique de l'Est n'est pas encore très pénétrée par les entreprises marocaines, à l'exception de quelques unes. Nous travaillons sur des projets sur place depuis deux ans. L'industrie pharmaceutique marocaine commence à peine à sonder cette partie du continent. Il n'y a pas encore le mouvement de fond auquel on assiste en direction de l'Afrique de l'Ouest par exemple. Quelles différences avez-vous observées entre l'Afrique de l'Est et l'Ouest ? L'Afrique de l'Est est un marché conséquent, différent de celui de l'Afrique de l'Ouest de par ses caractéristiques. L'organisation du secteur du médicament et de la promotion médicale est différente. Le modèle y est plus anglo-saxon. Les opérateurs marocains n'y sont donc pas dans leur zone de confort, mais vu l'importance de la taille de ces marchés, on sent qu'il y a des opportunités d'affaires à saisir. Enfin, comment évoluent vos projets sur le continent ? La zone naturelle du Maroc en Afrique subsaharienne, c'est l'Afrique de l'Ouest francophone. Dans notre domaine, quasiment tous les laboratoires marocains y sont présents. Notre laboratoire, Cooper Pharma, y est actif depuis près de 20 ans, soit dans l'export ou par la présence de nos équipes sur place. Nous sommes en train de passer à un autre modèle de fabrication locale, comme nos collègues de Sothema le font déjà. Certains opérateurs ont aussi amorcé la phase 2, qui consiste en un transfert de connaissances et de sédentarisation. À ce titre, Cooper Pharma réalise actuellement une importante usine à Youpougon, dans la capitale ivoirienne.