L'Institut royal des études stratégiques (IRES) vient de rendre public le second rapport de son programme d'études sur le changement climatique (CC) et ses impacts sur le Maroc. Parmi les conclusions phares de l'IRES figure la faible intégration des CC dans les stratégies sectorielles. Celles de l'eau, de l'agriculture et du tourisme ont retenu l'attention de l'institut. L'heure est au «discours vert». Les différents acteurs nationaux s'activent à l'approche de la COP22 de Marrakech, et beaucoup mettent en avant leur fibre écolo. Cependant la prise en compte effective des impératifs qu'impose le changement climatique (CC) en est encore à ses balbutiements dans la majorité des secteurs d'activités. Dans une étude bouclée en décembre 2013 mais qui vient d'être rendue publique, l'IRES souligne notamment la faible prise en compte du CC dans les politiques publiques au Maroc. «L'adaptation au CC est encore faiblement prise en compte dans les processus de planification, ce qui ne prépare pas convenablement les secteurs économiques et sociaux aux répercussions prévisibles du CC. En outre, l'analyse des stratégies sectorielles, sous le prisme du CC, fait ressortir plusieurs insuffisances, en termes de gouvernance, de cohérence, de coordination et de prise en compte effective du CC», alerte l'institution dirigée par Tawfik Mouline. Dans son analyse des trois stratégies sectorielles que sont celles de l'eau, du tourisme et le Plan Maroc vert (PMV), l'IRES estime qu'elles souffrent d'une «insuffisance majeure» quant à la prise en compte des impératifs temporels, associés au CC, qui s'étendent sur le long terme. Manque de proactivité En ce qui concerne la stratégie nationale de l'eau, des actions liées à la vulnérabilité du Maroc, notamment face aux sécheresses et aux inondations, ne sont pas accompagnées de plans de gestion des risques et d'alerte proactive. «Les différentes composantes de la stratégie de l'eau ont été développées, sur la base d'hypothèses simplificatrices qui ne s'inscrivent pas dans une vision d'évolution du climat et ne prennent pas en compte les contraintes de mise en œuvre des actions sur le terrain», indique l'institut royal. Selon ses analystes, bien que le Maroc ait réussi à mettre en place une stratégie ambitieuse de mobilisation de ses ressources en eau, il n'est pas arrivé, pour autant, à mettre en pratique des actions concrètes, en matière de réduction de la vulnérabilité de ce secteur, vis-à-vis du CC. De son côté, le PMV a adopté une approche proactive de la gestion des risques liés au climat, notamment la sécheresse, à travers le respect de la vocation des terres et la diversification des activités agricoles, à l'exemple de la substitution des céréales par l'arboriculture fruitière sur un million d'hectares. Le PMV devait intégrer le CC dans toutes les actions prévues, même s'il n'en a pas pleinement tenu compte dans sa conception initiale. «Pour pallier cette insuffisance, des initiatives ont été prises par le Maroc, avec l'appui financier de bailleurs de fonds internationaux. Cependant, ces initiatives sont encore timides et relativement limitées dans leur portée géographique», estime l'IRES. Trop de balnéaire et de golfs ? Le souci de préservation de l'environnement dans le secteur du tourisme a été exprimé au niveau de la Vision 2020. Certaines mesures dites «mesures de développement durable», avec un échéancier de réalisation sont prévues, à court terme, par cette vision, rappelle l'IRES. Cependant, certaines mesures prévues restent sans aucun effet, à cause du retard enregistré dans leur application. «Il a été constaté que le développement touristique se concentre toujours sur le littoral, ce qui risque de provoquer la dégradation des dunes de front de mer ou des zones humides sensibles et d'accentuer l'exposition des zones littorales aux aléas climatiques, notamment, l'élévation rapide du niveau de la mer, les houles et les tempêtes», prévient l'institut. Des terrains de golf continuent toujours à être aménagés dans des zones qui souffrent d'un déficit hydrique, sans prise en compte effective des contraintes environnementales. Certains projets d'aménagement touristique sont en cours de réalisation dans des zones à caractéristiques naturelles spécifiques et à forte vulnérabilité climatique. Ils n'intègrent pas, par conséquent, les contraintes environnementales et climatiques actuelles et prévisibles. Politique d'adaptation au CC: les priorités nationales selon l'IRES L'IRES préconise la mise en œuvre de la politique d'adaptation au changement climatique qui devrait être accompagnée d'une feuille de route pour le développement de l'économie verte. Elle devrait être articulée autour de cinq orientations majeures, à savoir placer la politique la question de l'eau au cœur des politiques publiques; ériger la sécurité alimentaire au rang des priorités stratégiques; renforcer la sécurité sanitaire, dans un contexte de développement des maladies émergentes; préserver la sécurité économique, en donnant la priorité aux secteurs stratégiques et mettre en place une gouvernance climatique appropriée.