Dans les démocraties les plus avancées, le débat économique prend le dessus en période préélectorale. Chez nous, les questions économiques sont reléguées au second plan, pour le grand public, mais surtout dans les débats télévisés suivis par des millions de citoyens, comme si le social pouvait se mouvoir à lui seul. «Il est impératif de structurer le débat économique dans le monde politique», insiste Saloua Karkri Belkeziz, PDG de GFI Maroc, membre fondateur de l'Association des femmes chefs d'entreprises (AFEM) et député de l'Union socialiste des forces populaires (USFP). Pour son parti, les principaux axes du programme politique ont été déterminés, mais ne sont pas encore finalisés. Equité fiscale «Pour moi, la fiscalité est au cœur de la démocratie. Le jour où le système fiscal sera équitable, les gens iront alors voter», scande Belkeziz. Pour elle, il faut revoir les tranches de l'Impôt sur le revenu (IR), dans l'esprit de la nouvelle Constitution, qui prévoit que tout citoyen participe aux impôts selon ses capacités. L'idée est d'ajouter des tranches supplémentaires au-delà de la tranche la plus élevée actuellement, et qui est fixée à 180.000 DH par an. Aussi, les professions libérales sont également en ligne de mire. La femme politique estime que leur contribution est largement en deçà de leurs capacités et de leur statut. «La direction générale des impôts recense 24.000 contributeurs à l'IR au titre des professions libérales (ndlr. médecins, avocats, architectes...) qui ne contribuent qu'à hauteur de 11.000 DH en moyenne par année. Il y a là une piste intéressante», argumente Belkziz. La même logique est valable pour les profits immobiliers, qui seraient bien trop faibles par rapport aux revenus engrangés: 3,7 milliards de DH de recettes en 2010, pour un total perçu en profits immobiliers de 25 milliards. Les champions nationaux n'y échappent pas. Banques et grands opérateurs économiques devraient, selon l'USFPiste et chef d'entreprise, contribuer plus fortement à la dynamique, que cela soit au niveau des impôts, ou de la prise de risque pour le financement des petites et moyennes entreprises. Globalement donc, la première esquisse du programme de l'USFP s'attaque aux niches fiscales. La femme politique parle là des 3,5% du PIB qui sont consenties par l'Etat sous forme d'exonérations sectorielles. Exit les niches ! Côté Impôt sur les sociétés (IS), Belkeziz remet en question la mesure du taux à 15% pour les entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas les 3 millions de dirhams. Pour elle, la fixation de ce plafond est arbitraire, et induirait donc des inégalités entre les secteurs, de par la nature de leurs activités respectives. Il faudrait ainsi, selon elle, instaurer un système d'IS progressif, en fonction du bénéfice et non du chiffre d'affaires. Pour l'impôt sur les fortunes, autour duquel un pseudo-débat s'est installé ces derniers temps comme éventuel moyen de boucher les trous budgétaires, Belkeziz estime que notre maturité fiscale n'est pas encore assez poussée, notamment à cause de la relation particulière des Marocains avec le patrimoine. «Il y a des gens dans le monde rural qui possèdent des hectares de terre, mais qui ont du mal à trouver de quoi manger», illustre-t-elle. Etudes d'impact et contrôle sont les solutions avancées pour que les mesures mises en place soient pertinentes et efficaces, d'une part, et pour que l'élargissement de l'assiette soit accéléré auprès de ceux qui sont tentés par l'évasion fiscale, d'autre part. Politique industrielle intégrée aux régions Pas d'hésitation pour la femme aux multiples casquettes, «l'emploi passe par la politique industrielle». Pour elle, la multiplication des assises sectorielles est loin d'être fructueuse. Aussi, déplore-t-elle l'absence de cohérence entre les différents plans stratégiques. Belkeziz considère que plusieurs objectifs se chevauchent ou se parasitent entre les stratégies, ce qui ne permettrait pas de mener une mise en œuvre optimale de l'ensemble. Elle va encore plus loin, en estimant que la meilleure stratégie à adopter consiste en un déploiement par territoire, où chacune des régions aurait sa propre stratégie dédiée et spécifique, pour que le tout forme un ensemble cohérent. Egalement, l'USFPiste remet en cause le fait de se baser sur de gros investissements étrangers pour créer de l'emploi. La PME n'est, pour elle, pas encore assez placée au centre de la création d'emploi, tout comme l'entreprise n'est pas suffisamment impliquée dans la formation de ses salariés. Belkeziz tire la sonnette d'alarme sur les services, «le seul secteur à afficher une balance commerciale excédentaire», et sur lesquels le Maroc est en cours de négociation avec l'Union européenne. Elle insiste, «il ne faut pas céder sur les acquis que ces activités ont pu enregistrer.» Lire aussi: Saloua Karkri Belkeziz défend l'équité fiscale