L'avenir de la gouvernance mondiale d'Internet est en discussion à Marrakech qui a accueilli, hier, la 3e Réunion gouvernementale de haut niveau du Comité consultatif gouvernemental (GAC) de l'ICANN. Le début des travaux a été marqué par l'optimisme sur la possibilité de trouver un consensus sur la transition du modèle actuel, dominé par l'autorité américaine, vers un modèle indépendant et multi-parties prenantes. Mais au fil des travaux, le doute a commencé à s'installer. Marrakech est le théâtre d'une bataille mondiale dont l'issue façonnera l'avenir d'Internet. Le Maroc accueille, en effet, les travaux de la 55e rencontre statutaire de l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), un événement placé sous le haut patronage royal et qui revêt un intérêt particulier pour l'ensemble de la communauté concernée par la politique internationale de l'Internet. Au sommet de ces travaux, s'est tenue, hier, la 3e Réunion gouvernementale de haut niveau du Comité consultatif gouvernemental (GAC) de l'ICANN. Une réunion hautement stratégique pour que les parties prenantes puissent trouver un consensus autour de l'avenir de la gouvernance d'Internet. Ces réunions, tenues une fois tous les deux ans, ont pour objectif principal de sensibiliser les responsables gouvernementaux de haut niveau aux enjeux politiques, démocratiques, culturels et stratégiques de la gouvernance de l'Internet et d'accroître le niveau de soutien et d'engagement des gouvernements, dans le processus multipartite de l'ICANN. «Cette réunion participe de la volonté des gouvernements de s'impliquer dans des discussions cruciales, qui auront des conséquences majeures, sur la gouvernance d'Internet dans le monde», souligne Moulay Hafid Elalamy qui a présidé les travaux de cette réunion, en sa qualité de ministre de l'Economie numérique du pays hôte. Les enjeux sont colossaux et multiples, mais une question, en particulier mobilise les plus de 2.000 participants à cet événement, dont des dizaines de ministres des tutelles de la quasi-totalité des pays de la planète : trouver un modèle de gouvernance alliant les gouvernements des Etats, le secteur privé, la société civile et les utilisateurs, et ce, en se détachant de la tutelle des Etats-Unis qui prime jusqu'au jour d'aujourd'hui. Doute À l'entame de la réunion, les discours étaient plutôt empreints d'optimisme sur la possibilité de trouver un consensus sur la transition du modèle actuel, dominé par l'autorité américaine, vers un modèle indépendant et multi-parties prenantes. Mais au fil des travaux, le doute a commencé à s'installer dans les discussions, au fur et à mesure que les représentants des pays ont commencé à présenter leurs réserves. «Malgré la volonté affichée de se détacher des USA, l'ICANN reste encore dominée par ce pays», reproche le représentant de la Russie. «Comme d'autres pays, la France est déçue par la formule de transition affichée à ce jour. J'espère que les observations des uns et des autres seront prises en compte», enchaîne le représentant gouvernemental de la France. Du coup, les participants sont beaucoup moins confiants qu'au début sur l'adoption d'une décision définitive à Marrakech. Le verdict définitif sera annoncé le 10 mars prochain à l'issue l'ICANN55. Mais la prochaine journée pourrait déjà donner de la visibilité sur la voie qui sera empruntée. Moulay Hafid Elalamy, Ministre de l'Industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique «Le processus de négociation dans lequel nous sommes tous engagés depuis mars 2014 constitue une véritable plateforme de coopération pour communiquer des idées, échanger des expériences, renforcer la compréhension mutuelle et créer plus de points de convergence pour répondre aux intérêts de l'ensemble des parties impliquées. Les questions de transparence et de redevabilité de l'ICANN reflètent des préoccupations réelles. Le travail accompli est important, nous permet d'avancer sereinement et de poursuivre ce processus évolutif et inclusif.» Fadi Chehade, Président sortant de l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) «Nous sommes confrontés à un clash entre deux modèles de gouvernance. Un modèle vertical, porté et adopté par les gouvernements et un modèle horizontal de multi-parties prenantes sur lequel repose la communauté de l'ICANN, mais les deux modèles peuvent parfaitement coexister. L'ICANN vit d'ailleurs aujourd'hui dans cette intersection entre les deux modèles.» Azzedine El Mountassir Billah, DG de l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) «Le monde numérique ne cesse de se métamorphoser de jour en jour. Il représente un formidable espace de liberté, un outil inégalé d'échange, de partage et de rapprochement. Il constitue un gisement inépuisable par son potentiel de dynamique économique sans précédent, dont l'innovation, l'invention et la création sont les maîtres-mots.»