«La région doit être dotée des atouts nécessaires pour créer sa personnalité, faire preuve de ses talents et libérer ses énergies». Cet appel est signé Omar Azzimane, président de la Commission consultative pour la régionalisation avancée (CCR), qui se prononçait il y a quelques jours lors du Colloque sur les finances publiques à Rabat. En effet, le projet, qui entre dans une phase critique devant amener à sa concrétisation, accorde une importance particulière aux moyens dont disposeront les régions pour faire face aux défis qui seront les leurs dans l'avenir. Or, dans un contexte où la situation des finances publiques est mise à mal par un contexte économique et social délicat, il devient évident qu'une réforme des finances locales s'impose aujourd'hui en priorité pour le prochain gouvernement. Dans ce sens, il convient de souligner que la réforme de la loi organique des Finances tombe à pic pour justement répondre aux différentes problématiques vécues aujourd'hui sur le plan financier des collectivités locales. C'est du moins ce qu'espère Nourredine Bensouda, Trésorier général du royaume. «La cohérence budgétaire, la convergence comptable et la mise en harmonie des décisions financières entre les finances de l'Etat et les finances locales sont tributaires de leur consécration dans la loi organique des finances» insiste-t-il. Plusieurs volets se positionnent aujourd'hui comme des pistes prioritaires dans le cadre de la réforme de «la constitution des finances publiques». D'abord, il s'agit de mettre en oeuvre les moyen d'une adéquation entre le transfert de compétences et le transfert des ressources, en prenant en compte le principe de subsidiarité. Ceci étant, c'est surtout au niveau de la fiscalité que la loi organique des Finances devra instaurer le principe de cohérence entre les finances de l'Etat et celles des collectivités locales. À ce titre, Noureddine Bensouda se veut strict quant au système fiscal à adopter. «La convergence du systéme fiscale de l'Etat et de celui des collectivités territoriales doit prendre en compte la nécessité de veiller à un niveau de pression fiscale soutenable». De même, le trésorier général rejoint l'avis d'autres économistes, qui insistent sur l'importance de favoriser le climat des affaires et le déploiement territorial équilibré des investissements. Il faut dire que la CCR a déjà tracé les contours de la gestion fiscale au niveau régional, dans son rapport présenté au souverain. «Pour toute recette fiscale ou parafiscale, la determination et le contrôle de l'assiette, la liquidation et le recouvrement seront confiés contractuellement aux services de l'Etat, contre une juste rémunération des charges qui en résultent», peut-on lire dans ledit rapport. En parallèlle, la résorption de la problématique de l'endettement passera également par l'instauration dans la loi organique des principes de base permettant une maîtrise de l'endettement local, de manière à assurer une soutenabilité de l'endettement du secteur public. C'est dire que le projet de réforme de la loi organique des Finances devra consacrer la réforme des finances locales comme pierre angulaire permettant à l'Etat de redresser la barre et de dissiper les craintes qui entourent aujourd'hui la gestion de ses finances. Interview de Michel Bouvier, Président de la Fondation internationale de finances publiques (FONDAFIP) Les Echos quotidien : Quelle analyse peut-on faire aujourd'hui de la situation des finances publiques ? Michel Bouvier : Les différents pays du monde sont évidemment touchés par une crise financière qui n'a pas manqué d'affecter les finances publiques des Etats, avec notamment un endettement conséquent et une augmentation importante des déficits. Ceci est le fruit du déclenchement d'un effet de ciseau : des dépenses publiques qui montent en flèche et ce pour soutenir l'économie, et des recettes qui baissent sous l'effet de la conjoncture. L'écart par conséquent se creuse. Il n'existe pas d'autre solution que de réduire les dépenses et d'augmenter les recettes, mais on n'y arrive toujours pas. Ce qu'il faut tirer de tout cela c'est qu'on ne maîtrise plus du tout le système financier, que ce soit dans son volet privé ou public. La mise en place de nouveaux dispositifs de régulation s'impose donc aujourd'hui plus que jamais. La réorganisation du système financier est une priorité à la fois au niveau local, national et international. Justement au niveau local, quelles peuvent être les pistes d'une meilleure gestion des finances des collectivités locales ? Sur le plan local, on a toujours vécu avec l'idée qu'il fallait une autonomie financière des collectivités locales, ce qui a poussé beaucoup de pays à faire en sorte que ces institutions prennent leurs distances par rapport à l'Etat. Au contraire, il faut considérer que les collectivités locales et l'Etat central font partie d'un même ensemble. Il faut identifier les pouvoirs de l'un et de l'autre, sans pour autant empiéter sur la libre administration des collectivités locales, et qu'il soit mis en place des organes de coordination entre les collectivités et l'Etat de manière à ce que les décisions prises ne causent pas un double emploi et par conséquent un coût supplémentaire. Peut-on aujourd'hui concevoir un modèle des finances publiques où les collectivités locales sont parfaitement autonomes ? Il est bien clair que l'autonomie ne peut être que relative. Aucune institution ne peut être parfaitement autonome. Au même moment, sans cette autonomie relative il ne peut y avoir de décentralisation. Il est indispensable quel que soit le degré d'autonomie que l'on puisse donner aux collectivités, qu'elle soit financière ou de gestion, qu'il y ait cette institution qui permet de coordonner les différentes décisions prises au niveau des territoires.