Aujourd'hui, le Tribunal correctionnel de Casablanca devrait clore le dossier Kia Motors Maroc. Les détails de la deuxième expertise judiciaire. Nous sommes le 10 février, il est 18h. Les couloirs du tribunal sont déserts. Seule la salle 4 est encore ouverte pour accueillir l'avant-dernière audience de procès d'Amine Belkhouya, ancien PDG de KIA Motors Maroc (KMM), contre trois banques de la place: Attijirawafa bank (AWB), la Banque Centrale Populaire (BCP) et le Crédit agricole du Maroc (CAM). Belkhouya s'ennuie, le juge Abdelatif Belhamidi est impatient de mettre un terme à ce procès et la défense prend tout son temps pour plaider la cause de son client. Rappel des faits Les trois banques estent contre l'ancien concessionnaire de la marque coréenne pour «abus de confiance, escroquerie et dilapidation d'objets gagés». Ce procès dans son volet pénal dure depuis presque deux ans. Un autre procès oppose les deux parties au niveau de la juridiction commerciale. En 22 mois, ce procès au niveau pénal a connu de nombreux rebondissements. Il y a, d'abord, l'accord à l'amiable trouvé entre la société City Cap et Belkhouya, suite à un différend dans le cadre du projet immobilier Jad Fès. La plainte de City Cap est d'ailleurs à l'origine de l'arrestation de Belkhouya. L'autre rebondissement dans ce dossier est le premier rapport d'expertise judiciaire commandé par le juge en décembre 2014. Après que la partie civile ait contesté le contenu du rapport d'expertise, une deuxième est diligentée en juin 2015. Trois experts sont chargés de trois missions par le tribunal. Premièrement, il est question d'étudier les contrats de nantissement de marchandises signés entre KMM, d'un côté, et AWB et CAM de l'autre. Deuxièmement, il s'agit de déterminer si la société avait bénéficié ou non des sommes mises à sa disposition par les deux banques pour acquérir des véhicules. Troisièmement, il leur faudra rédiger un compte-rendu de toutes les opérations financières réalisées entre les parties ainsi que déterminer le solde de la dette de KMM vis-à-vis de la BCP. Les conclusions du deuxième rapport d'expertise sème le doute. Flash-back «Je vous prie, M. le Président, de prendre en compte nos remarques émises sur le rapport d'expertise». Ce sont les termes succincts utilisés par le Procureur du roi lors de sa dernière intervention durant ce procès. Ce document confirme en grande partie le rapport de la première expertise. Avant d'aller plus loin, rappelons les faits: En 2009, KMM signait un premier contrat de nantissement de marchandises (ligne de financement) avec le CAM pour un montant de 25 MDH pour la garantie de 2.164 véhicules importés par le concessionnaire. Un deuxième contrat est signé avec AWB portant sur 80 MDH pour une garantie de 1.388 véhicules. En 2013, c'est la déroute financière de l'entreprise avec des créances à payer à ces deux établissements, ainsi qu'à la BCP. Dans le cas de ce dernier établissement, KMM a bénéficié de diverses lignes de financement entre 2008 et 2014 d'un montant global de 269 MDH. Le tribunal avait demandé aux trois experts d'identifier le montant exact des créances. «Le représentant de la BCP n'a pas souhaité nous livrer les relevés des comptes de KMM pour clarifier leur solde et la situation d'endettement de la société», note le rapport. D'ailleurs, dans le cadre du procès niveau du Tribunal de commerce, une expertise avait été exigée pour faire toute la lumière sur cette créance. Pour le contrat de nantissement de marchandises liant KMM à AWB, le constat des experts est sans équivoque: «Ce contrat n'a jamais été appliqué, et le montant n'a toujours pas été versé sur les comptes de KMM». Dans le cas du CAM, le montant du contrat a été versé à l'entreprise en juillet 2012. Les experts reprochent à cette banque de n'avoir pas demandé ou procédé à «l'inventaire des produits objets de cette créances». Pour sa part, le CAM insiste que la «situation était dans les normes». Plus que les 25 MDH objets du contrat de nantissement, le CAM a pu récupérer 34,6 MDH suite à la vente aux enchères publique des voitures saisies. La banque revendique au total, au niveau du Tribunal de commerce, 83,3 MDH. Le chevauchement de deux procédures en pénal et au commercial ne facilite pas le bon déroulement de ce procès. La défense remet en cause le «bien-fondé de la procédure en pénal» alors que la partie civile maintient ses revendications. Verdict au cours des prochaines semaines. Le film du procès Octobre 2013 : Crise financière à KIA Motors Maroc. Plainte auprès du Tribunal de commerce par les trois banques (AWB, BCP, CAM). 20 avril 2014 : Arrestation d'Amine Belkhouya, PDG de KIA Maroc. Août 2014 : Ouverture du procès. Belkhouya est poursuivi pour «abus de confiance, escroquerie et dilapidation d'objets gagés ». Décembre 2014 : Le juge en correctionnel lance une première expertise. Novembre 2015 : Remise du deuxième rapport d'expertise financière. 10 février 2016 : Plaidoirie de la partie civile et la défense pour clore ce dossier.