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Le tourisme médical peine à décoller
Publié dans Les ECO le 03 - 09 - 2011

Autres temps, autres mœurs. La chirurgie plastique et les implants dentaires par exemple, longtemps réservés aux stars du showbiz, se démocratisent. Cependant, si dans certains pays ce genre d'opérations contribue à l'essor du tourisme médical, au Maroc, cette activité est encore embryonnaire. Selon une étude réalisée récemment par la direction de la stratégie et de la coopération du ministère du Tourisme, en collaboration avec l'Observatoire du tourisme, le tourisme médical ne s'est pas développé dans notre pays «par manque de circuits de distribution adaptés». Seuls quelques chirurgiens basés sur l'axe Rabat-Casablanca exercent dans ce domaine.
Des atouts, mais...
Pourtant, le royaume dispose de bon nombre d'atouts pour que ce secteur qui touche tout type de soins (chirurgie générale, plastique, ophtalmologique...) se développe. Proximité du continent européen, chirurgiens diplômés des grandes écoles et universités mondiales reconnues pour leur compétence au niveau international, infrastructures touristiques et médicales assez solides (cliniques équipées des dernières technologies...) sont des données favorables qui ne peuvent que faire du Maroc une destination privilégiée pour les «patients» étrangers. Toujours selon l'étude du ministère du Tourisme, quatre facteurs contribuent au développement du tourisme médical, dont le taux de croissance annuel est de 30% : la technologie plus avancée, la meilleure qualité des soins médicaux, l'accès plus rapide à ces soins et un coût moins cher. Des ingrédients que le Maroc regroupe mais qui restent mal exploités. D'ailleurs, l'étude propose un certain nombre d'enseignements et de recommandations pour le Maroc afin de développer et surtout de profiter de l'industrie du tourisme médical qui représente déjà plusieurs milliards de dollars de revenus à l'échelle internationale.
Ainsi, la mise en place d'«une stratégie novatrice qui intègre les tendances mondiales du tourisme et les enjeux de la globalisation» s'avère nécessaire. Le royaume devrait également diversifier son offre afin de faire face aux changements de comportement des touristes. Définir une réglementation et doter le secteur d'une législation en concertation avec toutes les parties concernées, promouvoir les investissements dans le secteur de la santé, créer des agences spécialisées dans le tourisme médical, mettre à niveau des cliniques privées pour répondre aux normes internationales (rappelez-vous de la polémique éclatée il y a quelques mois entre le ministère de la Santé et quelques cliniques privées), former le personnel dans les cliniques et établissements hôteliers sont, entre autres, des actions susceptibles de donner un nouvel élan au tourisme médical au Maroc. Une activité qui contribuerait, sans aucun doute, à réaliser l'objectif de l'Etat d'atteindre plus de 20 millions de touristes à l'horizon 2020.
Avec un chiffre d'affaires annuel de plus de 60 milliards de dollars, le tourisme médical annonce l'émergence d'un nouveau marché de la santé au niveau international. En effet, pour faire face à la demande croissante de ce nouveau type de touristes (plus de 3 millions de touristes, issus majoritairement de pays riches notamment les USA, le Canada, la Grande Bretagne, les pays du Golfe...), plusieurs pays se sont lancés dans le tourisme médical en proposant des packages chirurgies-vacances comprenant l'acte chirurgical et le séjour de détente. Des agences de tourisme spécialisées dans ce «nouveau business» ont vu le jour dans des pays comme la Turquie, la Thaïlande ou encore la Tunisie. Dans ces pays, l'atout compétitif réside dans la technique et l'expertise ayant été acquises depuis de longues années.
Le modèle tunisien
Plusieurs pays sud-américains, asiatiques, est-européens ou encore africains ont fait du tourisme médical un véritable levier économique. Si le Brésil, la Bolivie et le Costa Rica se sont spécialisés dans la chirurgie plastique, d'autres, notamment la Hongrie et la Roumanie, sont plutôt connus pour la chirurgie dentaire. En Asie, la Thaïlande et l'Inde se sont spécialisées dans les greffes d'organes, des spécialités en cardiologie, soins dentaires et des chirurgies à cœur ouvert. Au Maghreb, la Tunisie et le Maroc sont considérés comme de nouveaux eldorados du bistouri. Contrairement à notre pays, la Tunisie a connu ces dernières années une forte progression du tourisme médical. En effet, plus de 250.000 patients, venus spécialement pour la chirurgie esthétique, se sont rendus dans le pays. Ce secteur qui détient 5% des exportations nationales de services, représente 24% du chiffre d'affaires des cliniques privées, soit pas moins de 175 millions d'euros. Pour accompagner cette nouvelle industrie, l'Etat tunisien a créé il y a quelques années deux agences pour organiser des voyages «chirurgie tourisme» dont l'objectif est de faire venir les patients étrangers pour se faire soigner sur le territoire tunisien. Mieux, le plan de développement du tourisme de santé dans ce pays maghrébin prévoit la multiplication par 10 des recettes provenant des exportations des services de santé, à l'horizon 2016.
Réglementation, la grande faille !
«Le médecin spécialiste ne peut exercer que les actes médicaux relevant de la spécialité qui lui est reconnue». C'est ce que stipule l'article 42 de la loi relative à l'exercice de la médecine au Maroc. Pourtant, la Société marocaine de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique (SMCPRE) dénonce un certain nombre d'irrégularités. «C'est vraiment l'anarchie ! Il y a même des ORL qui s'improvisent plasticiens !», confirme le président de cette société, Kamal Iraqi Housseini. Regroupant une centaine de plasticiens marocains (exerçant dans le secteur privé, les CHU et les hôpitaux militaires), la Société marocaine de plasturgie a adressé plusieurs lettres au Secrétariat général du gouvernement et au Conseil de l'ordre national des médecins pour tirer la sonnette d'alarme, mais en vain. «En tant que société savante, nous ne pouvons pas intervenir. C'est aux autorités de mettre fin à cette situation. Sinon, nous organisons régulièrement des séminaires, des conférences et des tables rondes pour sensibiliser le grand public quant au danger de cette situation. Notre pays est sur la bonne voie, il faut juste interdire à ces charlatans de tout détruire», ajoute Dr. Iraqi. Toutefois, et selon l'OMS, cette situation n'est pas propre au Maroc, puisque 90% des actes de chirurgie plastique à travers le monde sont effectués par des non-plasticiens !
«Le Maroc présente de grands atouts»:Kamal Iraqi Houssaini, Plasticien et président de la Société marocaine de chirurgie plastique
Les Echos quotidien : Un certain engouement des étrangers pour la chirurgie esthétique nationale est à remarquer ces derniers temps. Comment expliquez-vous cela ?
Kamal Iraqi Housseini : Contrairement aux apparences, il n'y a pas beaucoup d'étrangers qui viennent se faire opérer au Maroc. Malheureusement, le Maroc n'est pas bien placé par rapport à d'autres pays de la région, alors qu'il est l'un des premiers pays arabes à s'adonner à la chirurgie esthétique dès les années 1950. Je pense qu'il s'agit avant tout d'un problème de communication et de médiatisation. Nous avons des chirurgiens plasticiens compétents, issus de prestigieuses écoles et universités internationales. Cet avantage n'est pas bien exploité pour faire de la chirurgie esthétique un secteur prospère dans notre pays.
Qu'en est-il des patients marocains ?
Les Marocains s'adonnent de plus en plus à la chirurgie esthétique, mais ils ont toujours des craintes. En effet, il y a plusieurs idées reçues qui font que le grand public n'a pas une idée claire et précise du secteur. Je confirme... il s'agit d'un problème de communication. Ce n'est pas tout, les médias au Maroc ne parlent de la chirurgie esthétique que lorsqu'il y a des incidents et rarement des réussites de nos chirurgiens.
Peut-on effectuer tous les actes de chirurgie esthétique au Maroc ?
Tous les actes sans exception sont réalisables dans notre pays. Les meilleurs appareils et les meilleures technologies existent aujourd'hui au Maroc, sans oublier la qualité de nos chirurgiens plasticiens. En un mot, le royaume n'a rien à envier aux autres pays leaders dans ce domaine dans le monde.
Pensez-vous que le tourisme médical en général et la chirurgie esthétique en particulier peuvent contribuer à atteindre l'objectif de 20 millions de touristes en 2020 ?
Tout à fait. Nous sommes tous mobilisés pour atteindre cet objectif. Le Maroc a d'ailleurs toutes les capacités pour concrétiser cette vision. Cependant, certaines actions doivent être mises en place rapidement si l'on veut prendre le bon chemin, notamment l'application de la loi qui réglemente le secteur.


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