Une chose est sûre. Adil, on s'en souviendra ! Mais pas beaucoup ou uniquement en guise de souvenir d'un film léger. Comme une feuille d'automne, à son passage, elle égaye, interpelle sans forcer le ton. Sans bruit, elle tombe en tourbillonnant et finit par un petit craquement lors de son atterrissage. C'est tout ça «Tu te souviens de Adil?». Une histoire, une amitié C'est aussi l'histoire de deux amis d'enfance. Adil (Omar Lotfi qu'on a déjà vu dans «Casanegra» et «Zorroh») et Rachid (Mehdi El Arroubi) qui s'épaulent malgré des attitudes souvent contradictoires. Le premier, joyeux, turbulent et rêveur. C'est presque le même que celui de Casanegra, en quête de liberté. Cadet d'une famille constituée d'un grand frère (Amine Ennaji, Oujâa Trab) et d'une grande sœur, il a le langage cru et le sourire généreux. Enfanté dans une ambiance familiale fanée par un père alcoolique et dictateur, Adil, muni en permanence d'une allumette, veut prendre sa destinée en main. C'est sur le toit de la maison familiale qu'il fait son échappée, libre et idyllique, dans les bras de l'attirante Libanaise Karen Klink. Pendant ce temps, Rachid fait le dogmatique face aux déboires de Adil. Issu d'un milieu moins favori que celui de son frère du cœur, ses chimères sont moins effrontées. Avec un frère aux tendances terroristes et une mère dépassée par le cours de la vie, Rachid se trouve entre le marteau et l'enclume. Son quotidien se réduit à un stand de DVD posé nonchalamment au cœur d'un quartier populaire et bruyant. Et quand il ose, c'est pour flirter avec Soumia, la sœur de Adil. Récupéré dans un garde-manger, à bord d'un bateau, Adil revient au Maroc les bras ballants. C'est Rachid qu'il rejoint en premier. Un retour fort en rebondissements, où Omar Lotfi tente, cahin-caha, de regagner l'Europe. Mésestimé par son grand frère, à cause notamment de son attitude malhabile, et de ses rêves déplacés, c'est sous d'autres cieux que ce petit De Niro à la coiffure «in» s'affirmera. Mais pas pour longtemps! Doucement et sûrement Le film commence sur une belle note et prend fin sur une autre, pas des moindres. L'ouverture se fait sur une partie de jeu d'enfant, s'amusant dans un creux d'eau. C'est ce ressenti de légèreté et de gaieté qui berce tout au long des 85 minutes de ce deuxième long signé par Mohamed Zineddaine. Pas la peine de guetter le moindre moment d'endoctrinement ou de pression. Le film est une bouffée de musique et de belles lumières: en métropole casablancaise, dans ses tréfonds comme dans son centre-ville balbutiant. Plus belle que jamais, l'Italie déborde à son tour de belles séquences. Filmées en grands plans, d'autres sont serrés, mais tous animés d'une belle partition composée par le jeune Adil Rizki, musicien et compositeur évoluant à Boston. Dans ce nouveau film de Zineddaine, les sujets traités abondent, et le jeu des acteurs ne déçoit pas. Des habituels thèmes de chômage, terrorisme, pauvreté, différences sociales, la volonté du réalisateur n'est pas de les évoquer une fois de plus, mais de les survoler avec un regard suggestif. Pour ce qui est du jeu d'acteurs, on retrouve un Amine Ennaji (Faouzi) aussi perfectionniste et au point de ses aptitudes. Omar Lotfi (Adil) est à l'aise dans son rôle comme un poisson dans l'eau, quant à Mehdi El Arroubi (Rachid), il est fort impressionnant. Font partie également du casting, Souad Khouyi, Mohamed Choubi et Driss Chouika. Pour le côté italien, nous retrouvons les célèbres Mauro Marchese et Massimo Macchiavelli. Produit par la société marocaine "Ouarzazate Production", le film a bénéficié d'une avance sur recettes d'un montant de 3 millions de dirhams octroyée par le Centre Cinématographique Marocain. Il a obtenu deux prix, consacrant ses deux acteurs Omar Lotfi (prix du meilleur acteur) et Amine Ennaji (prix du meilleur second rôle) au festival du cinéma de Khouribga, édition 2009. Coup de cœur au 8e festival du film international de Marrakech, le long-métrage en est vraiment un, en dehors de toute compétition. À découvrir ! Bio express Mohamed Zineddaine est né à Oued Zem le 1er jour de l'an 1957. Il quitte le Maroc pour suivre un cycle d'études à Nice (France) à l'Université de Château. Après un an, il s'établit à Bologne, pour étudier le cinéma au DAMS (Département d'Art, de Musique et du Spectacle) à l'Université de Bologne. Critique et journaliste, Zineddaine collabore à différentes initiatives sur la littérature arabe. D'abord en tant que correspondant, puis comme photographe au journal ''Le Sofa'', support sur l'immigration en Emilia Romagna en Italie. Membre du conseil artistique de Bologne, Mohamed Zineddaine développe ses activités artistiques entre le cinéma, le théâtre et la photographie. C'est ainsi qu'il a présenté ses documentaires «Le Bruit de la lumière», «Revers» et «Une poignée d'or aux yeux» à Bologne, Palerme, Marseille, Belgrade et Florence (entre 1994 en 2000). Il a aussi son mot à dire sur le théâtre: Mohamed a assuré la mise en scène de «Miramar» de Nagib Mahfouz et de «La Presse», une performance en quatre actes. Dans le domaine cinématographique, il a participé à différentes productions cinématographiques en Italie et ailleurs. Sa filmographie comprend aussi bien des documentaires que des fictions. Pour ce qui est de ses propres réalisations, Mohamed multiplie les exercices. Influencé par une Italie artistique et multiple, il sort «La vieille danseuse» en 1996. Deux ans plus tard «Khénifra-Livorne», traite de la vie d'une communauté d'immigrés berbères marocains départagés entre le Maroc et l'Italie. Se sont suivis «Le regard ailleurs» (2002), «Gorizia au delà des confins» (2004) et «Après le silence» ( 2004).