La nouvelle loi régissant les délais de paiement ne répond toujours pas aux attentes des entreprises. Pis encore, dans certains cas, elle peut empirer les problèmes de trésoreries dont souffrent ces entreprises. La CGEM propose aujourd'hui un mémorandum pour rectifier le tir. L es entreprises marocaines prennent les choses en main pour résoudre une fois pour toute la problématique des délais de paiement. À l'initiative de la CGEM, un mémorandum devrait être transmis au gouvernement en vue de rectifier les textes régissant les délais de paiement. En effet, bien que le tant attendu décret d'application de la loi sur les délais de paiement ait vu le jour en novembre dernier, il s'avère que les textes en vigueur ne permettent toujours pas d'apporter cet impact positif sur les trésoreries des PME, que beaucoup attendaient. Plusieurs aspects de la nouvelle loi font objet de critiques virulentes de la part des chefs d'entreprises. Le premier d'entre eux est l'application même des dispositions réglementaires. En effet, bien que les textes soient effectifs depuis fin 2012, la situation des PME, particulièrement celles travaillant avec l'Etat, ne semble pas avoir changé. Pis encore, l'introduction de la pénalité de retard, dont se réjouissait d'ailleurs la CGEM au moment de sa fixation à 10% (7% en plus du taux directeur en vigueur) constitue un risque considérable de dégradation de la trésorerie des PME. En effet, tant que l'Etat ne respecte pas les dispositions prévues dans cette loi, les PME marocaines travaillant avec les entreprises et établissements publics se retrouvent confrontées à l'obligation de payer leurs fournisseurs dans un délai supérieur à celui appliqué par leur client qu'est l'Etat. Avant la promulgation de la nouvelle loi, la pratique était justement de pouvoir ajuster le délai de paiement des fournisseurs sur celui imposé par les clients, chose qui d'ailleurs avait fini par rallonger considérablement les délais de paiement. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas car à défaut d'un paiement dans les délais fixés, l'entreprise encourt une pénalité. Ce qui amène beaucoup de patrons à se poser la question : l'Etat est-il au dessus d'une loi qu'il a lui-même conçue ? «Cette loi a été conçue pour satisfaire la majorité des PME. Bien évidemment, l'administration publique ne doit pas y échapper. Les gros donneurs d'ordre comme l'ONCF, l'ONEP ou autres se doivent de jouer le jeu», insiste Salaheddine Kadmiri, vice-président de la CGEM. En fait, l'appel fait à l'Etat est de jouer le rôle d'exemple pour le reste du tissu économique en respectant les dispositions de la loi, ce qui, semble-t-il, n'est toujours pas le cas. Un problème, trois textes ! Il faut dire que, selon les experts comptables, le problème qui se pose est principalement le fait que les délais de paiement sont aujourd'hui régis par trois textes réglementaires. Il s'agit d'abord de la loi 6-99 sur la liberté des prix et la libre concurrence. Son article 54 interdit de pratiquer des délais de paiement non justifiés mais sans pour autant prévoir des sanctions. Le deuxième texte est le décret 2-03-703 relatif aux délais de paiement et aux intérêts moratoires en matière de marchés de l'Etat. L'article 1 prévoit un délai maximum de paiement de 90 jours et l'article 2 une application d'office des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire du marché public. Dans la pratique les intérêts ne s'appliquent jamais car il existe un véritable rapport de force entre les donneurs d'ordres et leurs partenaires. «Une PME ne peut demander l'application des intérêts moratoires de peur qu'elle soit fichée et exclue des marchés futurs», témoigne un patron de PME opérant dans le secteur du BTP. Rappelons que lorsque la problématique a été posée au ministre de l'Economie et des finances au début de son mandat, celui-ci n'a eu de cesse de rappeler que les entreprises ont le droit de réclamer les intérêts moratoires en cas de retard de paiement. Cependant, à aucun moment la problématique du rapport de force n'a été traitée. Le troisième texte régissant les délais de paiement est la loi 32-10 publiée en octobre 2011, mais dont le décret d'application n'a été publié qu'en novembre dernier. Celle-ci prévoit, en plus du délai fixé à 90 jours au maximum et quel que soit le secteur, des intérêts de retard et un délai de prescription de la réclamation de la pénalité d'un an après le remboursement de la créance. D'ores et déjà, les entreprises marocaines déplorent qu'il n'y ait pas eu de considération à l'égard de la nature de l'activité de certains secteurs. En effet, en raison de la saisonnalité de l'activité de certains secteurs, comme l'agriculture, les entreprises n'ont pas d'autres choix que de concéder des facilités à leurs clients. Ce genre d'aspects n'a pas été pris en compte lors de l'élaboration des nouveaux textes contrairement à d'autres pays comme la France où la loi prévoyait justement des délais sectoriels. Du flou dans la nouvelle loi D'autres problématiques ont également été soulevées. Il s'agit, entre autres, de la traçabilité des dates de livraison si les factures ne sont pas émises immédiatement après la livraison. Ceci est d'autant plus problématique que c'est la livraison qui devrait en principe constituer la date à partir de laquelle le délai de paiement commence à courir. Il en est de même quand il s'agit de l'exécution d'une prestation de service. Un autre point fait également l'objet de plusieurs questionnements, notamment auprès des experts comptables. Il s'agit en effet de la comptabilisation de la pénalité de retard. En effet, dès lors que les entreprises commenceront à facturer les 10% de pénalité, elles devront payer l'IS équivalent alors que cette majoration est censée combler l'impact négatif d'un retard de paiement sur la trésorerie. De plus, les textes, du moment qu'ils n'ont pas spécifié le taux de TVA à appliquer sur cette pénalité, ont ainsi imposé une TVA de 20%, soit le double de la TVA à payer en cas d'intérêts bancaires. Ce sont sur ces aspects que les entreprises appellent aujourd'hui à une clarification. À ce titre, il y a lieu de noter que les opérateurs attendent aujourd'hui une circulaire de la DGI qui devrait être publiée durant les prochaines semaines et qui devrait apporter des éclaircissements pour l'application de cette nouvelle loi.