La plateforme de partage de vidéos de Google est le seul réseau social rémunérant les chaînes des différents artistes. Au Maroc, il faut atteindre 500.000 vues pour décrocher 3.000 DH. Au-delà du prix, certes dérisoire, l'artiste sait que son succès dépend très souvent de son image sur les réseaux sociaux. Pour décrocher sa place dans le star-system local ou même régional, les chanteurs marocains sont de plus en plus conscients de la nécessité d'être présents -voire omniprésents- sur les réseaux sociaux, particulièrement YouTube, d'autant plus que c'est le seul réseau social qui offre aux artistes une rémunération plus au moins attrayante, et surtout une aura qui peut dépasser les frontières. Aujourd'hui, l'artiste marocain qui rafle la mise est Saad Lamjarred, avec 200 millions de vues de l'ensemble de ses vidéos sur YouTube et ce, depuis le lancement de sa chaîne le 22 décembre 2012. C'est le tube Enty (ft DJ Van) qui a véritablement permis l'ascension fulgurante qu'il connaît aujourd'hui. La stratégie web cautionne l'image Selon Jannate Haddadi, manager de DJ Van, c'est depuis fin 2012 que la stratégie digitale s'impose comme pierre angulaire de l'«image» d'un artiste. «Avec Enty, nous avons tout misé sur le 2.0. Aujourd'hui, pour vendre un single sur iTunes ou Anghamy, il faut être présent sur le web. En ce qui concerne la commercialisation, plusieurs paramètres entrent en jeu: page Facebook, nombre de followers sur Instagram... De plus, un annonceur qui veut s'associer à notre produit nous demande généralement une base «fans». Il faut savoir qu'un partenariat signé avec YouTube nous a permis de sponsoriser toutes nos vidéos. La chaîne de DJ Van fait aujourd'hui partie du Top 5 marocain et nous permet de gagner de l'argent», explique Jannate Haddadi qui préfère taire le montant que gagne DJ Van grâce à sa chaîne YouTube, comprenant 71 vidéos ayant généré 60 millions de vues. Heureusement, les professionnels du web nous ont éclairés sur le sujet. D'après Jérôme Mouthon, président et fondateur de Buzzeff, plateforme de social video advertising opérant dans la région MENA, YouTube rémunère les hébergeurs de vidéo grâce aux publicités. «Avant de visionner une vidéo sur YouTube, apparaît une publicité. C'est ce qu'on appelle le pre-roll. Un produit que vend YouTube à différents annonceurs comme Inwi, Méditel ou encore Pantene au Maroc. Néanmoins, 96% des gens ignorent l'annonce. Avec seulement 4% de nombre de vues, une vidéo de 250.000 vues ne générera que 10.000 vues effectives rémunérées à hauteur de 0,4 dirhams la vue. C'est le prix facturé par YouTube à l'annonceur. Au final, l'hébergeur de la vidéo ne perçoit qu'un ou 2 centimes au maximum», poursuit-il. Mais plus le trafic et la notoriété d'une chaîne YouTube sont importants, meilleur est le gain. Mieux vaut visionner la vidéo aux USA Il faut savoir que la plateforme de partage de vidéos américaine rémunère les vues de chaque artiste selon leur nombre et le pays où a été visionnée la vidéo. Ainsi, 500.000 vues effectuées à partir du Maroc rapportent à l'artiste 3.000 DH. «Ce prix est justifié par le poids du marché publicitaire dans notre pays. À l'opposé, une vidéo visionnée 500.000 fois aux Etats-Unis ou au Moyen-Orient rapportera plus d'argent à son hébergeur car ces pays-là jouissent d'un marché publicitaire plus important», remarque Mehdi Benslim, DG fondateur de On-off, agence de communication digitale. À titre d'exemple, avec ses 49 millions de vues et une partie de visionneurs au Moyen-Orient, Asma Lmnawar est sûre d'être mieux rémunérée grâce à l'intérêt qu'elle a suscité chez ses fans émiratis à travers YouTube. En tout cas, seuls les artistes et leurs managers connaissent le véritable montant perçu grâce à leur chaîne YouTube qui, elle-même ne divulgue pas ses chiffres au public. Pourtant, pour les artistes, le cash généré par leur chaîne YouTube ne revêt pas autant d'importance que la stratégie digitale en elle-même. Et pour cause, celle-ci offre une notoriété certaine et gratuite à l'artiste marocain doté généralement de très peu de moyens. En effet, le manager de DJ Van affirme que 70% du travail de promotion de l'artiste durant la saison 2015-2016 s'effectue via le digital. «Jusqu'à un certain temps, pour lancer un artiste, il fallait faire le tour des radios et envoyer des communiqués de presse qui coûtent cher. Dorénavant, il suffit d'un teasing sur YouTube. Internet donne l'accès aux jeunes talents afin de se doter d'une base de fans, de monnayer leurs chaîne web pour arriver enfin à créer leur propre CD. Le digital a complètement transformé l'industrie musicale. D'ailleurs, nous expérimentons très souvent les expériences de l'industrie musicale américaine au Maroc», dévoile Haddadi. Dans ce cadre, celle-ci a été la première à introduire le # (hashtag) pour le tube Enty, permettant de booster le succès de la chanson, notamment dans les pays du Golfe. Ce même hashtag a été exploité pour une reality web TV nommée #WithVan, lancée sur YouTube, immersion 30 jours durant dans le quotidien de l'artiste. Le succès était au rendez-vous. DJ Van a même bénéficié gratuitement d'échanges entre sponsors, notamment pour la fête de son anniversaire, filmée pour l'épisode 2. Hellofood a ainsi offert le gâteau d'anniversaire reçu chez Hitradio et Maison B a «hébergé» la fête.