La TVA sur les produits de finance islamique connaîtra une baisse de 50%. La nouvelle a été confirmée au titre de la loi de finances et sera applicable à partir du 1er janvier 2010. Pour certains, la nouvelle est tellement bonne que Lahcen Daoudi du PJD en aurait eu les larmes aux yeux ! Mais est-ce pour autant que les produits bancaires islamiques réussiront à attirer plus de clients? Dans un pays comme le nôtre, où le taux de bancarisation n'atteint pas les 40%, ces produits peuvent-ils constituer un réel levier de développement? «En période de crise, il faut faire le nécessaire pour attirer des capitaux. Cela ne peut qu'avoir un impact bénéfique sur l'investissement et sur la création d'emplois». L'économiste Mohamed Najib Boulif semble convaincu de l'intérêt de ce type de produits. Ce qui démarque la finance islamique est avant tout le fait qu'elle se base sur un système participatif. Ces produits permettraient de donner une impulsion à l'octroi de crédits bancaires en passant outre la case «garantie», puisque la banque devient partie prenante, avec un statut d'associé. Boudés pour leur cherté Le passage de la TVA de 20 à 10% est encourageant, dans la mesure où les produits islamiques ont longtemps été boudés en raison de leur cherté, résultant d'une forte taxation. Exemple concret : la mourabaha, un produit bancaire islamique où la banque achète elle-même un bien, pour le revendre avec une marge bénéficiaire fixée d'avance. «Ce système est très intéressant et le sera encore plus si un effort est fourni au niveau des droits d'enregistrement», nous confie un responsable à Wafa Immobilier. Ainsi, pour un bien résidentiel, les droits d'enregistrement sont de 3% si l'achat est fait par un particulier, et de 5% si l'acquisition se fait par un établissement, comme c'est le cas dans le cadre de Mourabaha. Autant de coûts qui se répercutent sur le prix d'achat, et qui freinent l'expansion de ces produits, bien que Bank Al Maghrib ait donné son feu vert depuis octobre 2007. Des voix s'élèvent pour faciliter l'implantation de banques islamiques développer ce type de produits. Des établissements du Moyen-Orient en avaient formulé la demande mais il semble que l'affaire ait été classée sans suite. «L'implantation de ces banques est bloquée par le lobby des banques marocaines. Ces dernières ont bâti leur notoriété et dégagent leurs marges sur la base d'un système spéculatif. Elles ne sont pas près d'y renoncer». Mohamed Najib Boulif n'y va pas par quatre chemins. La formation, un boulet En plus de la baisse de la TVA, l'économiste propose de déposer un projet de loi en 2010 pour favoriser l'implantation des banques islamiques.Il s'agirait, également, selon lui d'instaurer un cadre réglementaire qui favoriserait l'émergence de ces produits, tout en évitant une concurrence déloyale avec le système «classique». Le second axe d'amélioration a trait à la formation, les cadres bancaires étant sous-formés sur ce type de produits, quand ils ne sont pas purement et simplement incapables de renseigner les clients, préférant les orienter vers des produits conventionnels qu'ils maîtrisent plus. Il semblerait que Attijari Wafabank soit la seule capable d'investir ce créaneau en premier, c'est à dire en 2010. La banque ne trouve aucune difficulté à proposer un panel de produits estampillés «halal». « C'est pour nous une niche à conquérir. Il y a une forte demande, car beaucoup de clients souhaitent échapper à l'usure, pour rester en conformité avec leurs convictions religieuses», tient à préciser notre source au sein du groupe bancaire. La baisse de la TVA n'est qu'un premier jalon, dans l'attente de mesures plus courageuses de la part de l'Etat et des banques. Mourabaha, moucharaka, moudaraba ? La finance islamique se base sur un principe très simple : un cycle financier doit correspondre à un cycle productif de biens et services, contrairement au système spéculatif dont les dérives affectent encore l'économie mondiale. Trois produits semblent intéresser les banques marocaines. Dans la Mourabaha ou vente à bénéfices, la banque achète elle-même une marchandise pour la revendre au client contre une marge fixée d'avance. La Moucharaka consiste, pour la banque, en une prise de participation dans le capital d'une société. Les bénéfices sont proportionnels à l'apport et la banque siège au conseil d'administration, les associés pouvant rembourser la part de la banque pour conserver la maîtrise du projet. Enfin, la Moudaraba, qui s'apparente à une forme de capital-risque. La banque fournit le capital, l'entrepreneur apporte son savoir-faire. Les bénéfices sont répartis selon un tableau défini lors de la conclusion du contrat. Fait intéressant, en cas de faillite, les apporteurs de capitaux supportent intégralement les pertes.