Ministre délégué auprès du chef de gouvernement chargé des affaires générales et de la gouvernance ALM : Lors d'une conférence tenue samedi dernier à Tanger autour de la finance islamique, vous avez confirmé qu'un projet de loi, dans ce sens, est en cours d'élaboration. Sur quoi portera donc ce nouveau dispositif ? Mohamed Najib Boulif : Je souligne, tout d'abord, que l'instauration d'une loi qui réglemente la finance islamique est un travail qui a commencé depuis bien longtemps. Ainsi, nous devions faire le choix entre deux options soit mettre en application une loi bancaire 100% islamique ou bien d'introduire progressivement quelques amendements pour ne pas déstabiliser le système bancaire national. C'est ce point qui a été retenu pour le moment tout en mettant l'accent sur la contribution d'un acteur local. Ainsi le gouvernement œuvre conjointement avec la banque centrale marocaine qui est Bank Al-Maghrib a amendé l'actuelle loi bancaire afin de pouvoir mettre en place des produits alternatifs islamiques conformes aux besoins du consommateur marocain. Comme j'ai précité, la version finale de ce projet sera prête au courant de cette année, pour pouvoir la mettre en application à partir de 2013. Selon vous, ce mode de financement est-il une alternative pour fuir la crise ou tout simplement un complément des instruments existants ? Contrairement à ce que l'on peut penser, la finance islamique s'impose en tant que nécessité. Ces produits ne peuvent être que vitaux pour notre économie. Si on veut éventuellement faire du Maroc un hub économique régional, il faut adopter ces nouveaux instruments. Il s'agit de l'un des vecteurs du développement qui dopera le marché économique national. Prenant le cas de «Casa Finance city» qui table sur la contribution d'une dizaine d'opérateurs économiques. Or, on n'en est qu'à deux collaborateurs dont la contribution est très moyenne. En parallèle, de puissants investisseurs de la sphère financière islamique veulent y contribuer. Ils se trouvent en attente. Alors, pourquoi ne pas leur donner une chance ? D'ailleurs c'est l'essence même d'une démocratie. Il faut élargir la gamme de produits aux consommateurs et investisseurs potentiels afin de leur laisser le soin de choisir ce qui peut être adéquat à leurs attentes. Quels seront donc les principaux produits mis en relief par ce projet de loi ? Nous comptons commercialiser un peu de tout. Outres les produits déjà existants tel que Mourabaha, Moudaraba, Ijar et Moucharaka , nous allons introduire de nouveaux instruments à savoir Istitnaa et Vente Salam. Mais en premier lieu, nous misons beaucoup sur Moucharaka. C'est un contrat de partage de profits et de pertes à travers lequel la banque et son client participent simultanément à la gestion de l'affaire, quel que soit son type. Le rapport ne peut être que gagnant-gagnant. Selon vous, qu'est-ce qui pourrait freiner la commercialisation de produits alternatifs ? Tout d'abord, le système bancaire marocain revêt une nature rentière. Ainsi la dimension du « risque » n'est pas prise en considération. De même, la fiscalité joue un rôle déterminant pour la survie de ce genre de produits. Nous devons, dans ce sens, parvenir à maintenir notre fiscalité à un niveau neutre pour pouvoir réduire la cherté des produits. La formation reste également insuffisante dans ce sens. Le Maroc ne dispose pas d'effectif formé en la matière. Pour le moment, nous procéderons progressivement, le temps que l'ensemble des acteurs et citoyens assimile la notion des produits alternatifs qui se veulent des instruments financiers transparents.