Dans les démocraties modernes, les partis politiques assurent un rôle fondamental. Ils ont le mérite d'unir les aspirations nationales autour de grandes idées, jouant un rôle intermédiaire indispensable entre les électeurs et le pouvoir. Essentiellement, ces partis politiques sont des «réalités émanant du peuple» dans un mouvement profond et spontané. Lorsqu'ils sont agissants à l'échelle nationale, enracinés dans les diversités socioculturelles et politiques du pays, leur représentativité est incontestable en matière d'authenticité et de crédibilité. Dans leurs «différences» se crée la dynamique de l'opposition et de l'équilibre nécessaire à la confiance en toute démocratie. La bonne politique «n'est pas de s'opposer à ce qui est inévitable ; la bonne politique est d'y servir et de s'en servir», disait Ernest Renan. D'autre part, l'existence de «plusieurs partis» est la garantie du caractère libre et sincère d'une compétition électorale saine. En effet, la concurrence d'une pluralité de forces anime la vie politique et procure à l'opposition la possibilité de contribuer à l'effort du débat et de contradiction politiques. Aussi pourrait-on dire que dans «le pluralisme substantiel des partis», la démocratie trouve son essence et s'épanouit. Toutefois, quelle place détiennent les partis politiques dans notre ère mouvante, complexe et sans cesse changeante ? L'évolution de nos sociétés a, certes, modifié les contours de la gouvernance, à savoir « les styles » à travers lesquels les problématiques socioéconomiques et politiques sont formulées, analysées puis mises en œuvre. Les partis politiques doivent-ils «repenser» leur organisation et leurs pratiques afin d'accomplir leur mission ? Les exigences de la contemporanéité rendent-elles ces partis obsolètes, n'étant plus en mesure de proposer une participation et un projet de société modernes et cohérents ? Assurément, les partis politiques ont perdu un «impact social» considérable en ne parvenant pas à évoluer avec leur temps. Quant aux acteurs de la société civile, ils ont enregistré davantage de progrès en réajustant leur positionnement et en intégrant «un mode d'action polycentrique» plus enraciné dans le mouvement de nos sociétés. De surcroît, les partis politiques ont, pour la plupart, conservé un mode de fonctionnement statique, dogmatique ou purement idéologique. S'ils accordaient une attention plus soutenue aux préoccupations des «bases sociales», ils auraient contribué, sans doute, à leur propre renaissance en «acteurs efficients». Le «sous-développement» de la démocratie en tant que pratique commune, notamment dans la canalisation et la gestion des nouvelles attentes sociales, a révélé leurs limites ainsi que celles de la «représentativité politique». Les partis politiques croissent, se multiplient inlassablement sans que l'on puisse saisir leurs ambitions ni leur «valeur ajoutée» dans l'effort de développement ambitionné par le peuple. En dépit de toutes les apparences et malgré l'engagement apparemment déclaré des uns et des autres à l'occasion des prochaines échéances électorales, la crédibilité des partis se porte mal pour n'avoir été que pure émanation d'institutions nées «cultuellement» du partage du pouvoir, de la distribution des responsabilités d'Etat. Pourtant, les citoyens «s'intéressent à la politique quand celle-ci s'intéresse à eux». Certainement, le mal plonge ses racines, loin, dans notre histoire politique, dans nos processus de «maturation citoyenne» et dans la «détermination claire» du rôle d'un parti politique vis-à-vis de ses responsabilités. La difficulté notoire est de parvenir à reconstruire ces partis sur la base d'un renouvellement d'élites, d'une nouvelle appropriation du champ politique ainsi que de ses nouvelles exigences. Indubitablement, les partis politiques ne sont pas des propriétés privées ! Ils sont des biens publics ouverts au leadership et à la genèse de visions mobilisatrices. Il n'est de choix autre pour tirer la démocratie électorale de sa léthargie que de la construire autour de la défense de l'idée de la Nation en libérant les partis de leur emprisonnement, de leur auto-génération stérile cédant la voie au populisme et à la «prise en otage calculée des espaces publics» comme moyens de pression. La politique honorable était et ne cessera d'être un combat s'assumant dans l'adversité, dans l'intégrité morale et le sens des valeurs. La différence des approches ou des opinions, aussi forte puisse-t-elle être, demeure indéfectiblement consubstantielle à la «sacralité de la coexistence», à cet ensemble de croyances qui scellent la cohésion et l'union inaltérables autour d'une finalité saine : servir la Nation, protéger le bien commun et sauvegarder la société en veillant sur sa prospérité et son développement équitable. Comme le précisait Daniel Gluckstein, ce ne sont pas «les chantiers qui manquent mais bien la volonté politique».