Malgré l'entrée en service en 2013 d'une centrale thermique produisant 216 MW d'électricité, les délestages ont repris de plus belle depuis quelques semaines. Depuis le mois de décembre 2013 et le retour de la saison sèche, les villes du Cameroun vivent à nouveau au rythme des coupures fréquentes d'électricité. Il ne se passe plus une journée sans que plusieurs quartiers de Douala, la métropole économique ou de Yaoundé, la capitale politique, soient simultanément privés d'énergie électrique pendant plusieurs heures. Entre les 22 et 23 janvier 2014, onze quartiers de la capitale Yaoundé étaient même sevrés d'électricité, au grand désarroi des populations et des entreprises. Cette situation qui se perpétue suscite d'autant plus d'interrogations qu'en mars 2013, au moment où entrait en service la centrale thermique à gaz de Kribi, avec ses 216 mégawatts (MW), l'Etat et AES Sonel (la filiale de l'américain AES Corporation, qui est concessionnaire du service de production, de transport et de distribution de l'électricité) annonçaient que c'en était fini des délestages au moins jusqu'en 2015. Expliquant que l'apport de cette nouvelle infrastructure permettait désormais de couvrir la demande pendant deux à trois années. Or, si le rationnement proprement dit, suivant un programme préétabli, a disparu depuis le deuxième trimestre 2013, l'on ne peut pas en dire autant des interruptions qui surviennent régulièrement à l'improviste et plongent des localités entières dans le noir pendant plusieurs heures, voir plusieurs jours. Pour expliquer ces désagréments, AES Sonel évoque d'abord des pannes sur ses installations. D'après un communiqué de presse de Max Abé Fouda, le directeur régional de l'entreprise pour Yaoundé et ses environs, c'est par exemple ce qui a provoqué la coupure d'électricité d'il y a deux semaines dans la capitale où un problème technique était survenu à un poste de transformation de la ville. À cette explication, un cadre de la direction générale d'AES Sonel a ajouté au quotidien gouvernemental Cameroon Tribune que les fréquentes coupures d'électricité, «qui ont lieu dans certaines zones de couverture n'ont rien à voir avec les délestages. Il s'agit d'une manipulation frauduleuse sur le réseau électrique». Ce cadre qui s'est exprimé sous le couvert de l'anonymat précise : «Il y a des gens qui se connectent de façon frauduleuse sur les lignes électriques en causant une surcharge et une saturation sur les transformateurs, ce qui aboutit à des coupures involontaires d'électricité». À ce sujet, il convient de noter qu'AES Sonel comptait fin 2013 dans ses fichiers à peine plus de 850.000 abonnés dans un pays dont la population en 2011 était officiellement de l'ordre de 20 millions d'habitants... Cette persistance des coupures d'électricité n'est évidemment pas sans conséquences. Dans les ménages, l'on assiste à un retour en force des bougies et des lampes tempêtes, mais aussi à un recours à des lampes électriques rechargeables, qui ont de ce fait inondé le marché depuis quelques temps. De leur côté, les entreprises ne sont pas épargnées. La Camerounaise des eaux (CDE) par exemple publie régulièrement sur son site internet des communiqués faisant état de perturbations dans la distribution de l'eau potable, du fait du manque de fourniture en électricité. Quant à Alucam (entreprise de production d'aluminium, filiale de la multinationale Rio Tinto Alcan), elle ne fonctionne pas à son rythme de croisière depuis de longues années. À ce jour, bon nombre d'entreprises se sont déjà dotées de groupes électrogènes qui prennent automatiquement le relai dès l'interruption de la fourniture en énergie pour assurer le service minimum, et pourtant, la situation n'est pas désespérée : le rapport 2014 de Doing Business paru en 2013 indique que si le Cameroun perd sept places au classement général, il occupe le 3e rang africain dans le classement en matière de facilité de fourniture d'énergie électrique aux populations. Retards en cascade Thierry Ekouti, Dir.pub-Le Quotidien de l'Economie (Cameroun) Le 23 janvier, le ministre camerounais de l'Energie et de l'Eau, Basile Atangana Kouna, annonçait à la presse que la station de traitement d'eau potable de la Mefou près de Yaoundé devait commencer à fournir 50 000 m3 d'eau supplémentaire aux populations dès le mardi 28 janvier. Cette nouvelle avait ravi de nombreux abonnés de Yaoundé qui n'ont plus vu de l'eau couler de leurs robinets depuis plusieurs années. Seulement, jusqu'à aujourd'hui, ils ne voient rien venir. Sur la radio nationale, l'on évoquait un retard. Retard : un mot qui revient déjà un peu trop souvent, lorsqu'il s'agit d'aborder des sujets liés aux infrastructures au Cameroun. Il y a deux semaines, l'on apprenait que le barrage hydroélectrique de Mekin, censé être livré en décembre 2014, connaîtra au moins cinq mois de retard. La semaine dernière, une autre information indiquait que le premier bateau n'accostera plus au port en eaux profondes de Kribi en juin 2014 comme initialement prévu. Cette avalanche de retards annoncés vient s'ajouter au fait qu'en 2013, le taux général d'exécution du budget d'investissement public n'a pas pu dépasser 50%. Cette situation rappelle que le président Paul Biya, dans son discours du 31 décembre 2013, prédisait déjà que le Cameroun ne pourra pas atteindre son objectif d'être un pays émergent d'ici 2035. Une mise en garde qui, manifestement, trouve ses fondements dans ces retards en cascade.