L'Etat est bien décidé à épurer le secteur des carrières. Le ministre de l'Equipement et des transports, Karim Ghellab, vient en effet de tirer de ses tiroirs un projet d'élaboration du schéma de gestion des carrières du royaume. La région Chaouia-Ouardigha sera la première zone d'exploitation à passer au scanner. L'idée semble en fait une préparation de terrain en attendant la nouvelle copie de la loi relative à l'exploitation des carrières, dont les amendements sont aujourd'hui toujours en discussion avec les professionnels. En détail, l'élaboration de ce schéma de gestion devrait donner plus de visibilité au ministère de tutelle, pour faire l'état des lieux des ressources potentielles des matériaux de carrières et de définir les conditions générales de leur implantation et exploitation. Il s'agirait ainsi de localiser, d'abord, les zones où l'exploitation des carrières ne peut être autorisée. Le département de Ghellab compte ensuite «déterminer les objectifs à atteindre en matière de réaménagement des sites des carrières», présentement en exploitation. La tutelle compte aussi à partir de ce schéma, «édicter des conditions particulières d'exploitations applicables à l'ensemble des carrières où à certaines catégories d'entre elles». Ce dernier aspect concerne surtout les carrières à ciel ouvert situées sur la plage, dans le lit de la mer ou dans les cours d'eau. Comprenons par là la filière d'exploitation et de commercialisation du sable de dune, de dragage et de concassage. Une filière que Ghellab tente de passer au tamis, en faisant passer récemment à la Chambre des représentants le projet de loi 10-11 incriminant, en l'occurrence, le pillage du sable de mer et des dunes du littoral. Quant au schéma de gestion en projet, «c'est une façon pour le ministère de redéployer ses ressources pour pouvoir maîtriser les réalités de ce secteur», commente un opérateur membre de la Fédération des matériaux de construction (FMC). Une vraie-fausse loi Pour l'heure, si le projet est jugé «intéressant» par les professionnels regroupés au sein de la FMC, ces derniers n'en restent pas moins impatients de voir la fameuse loi sur les carrières promulguée. D'autant plus que les vacances gouvernementales qui viennent de débuter renvoient à la rentrée prochaine les négociations avec le ministère, ainsi que les espoirs de voir cette loi voir le jour à court terme. Les sources ministérielles avancent que cette lenteur est expliquée par l'envergure même du secteur des carrières, et par l'importance en nombre des nouveaux aspects et amendements à y apporter. À défaut, les opérateurs se contentent d'une circulaire de la tutelle depuis juin 2010 dernier. Un document qui est venu apporter un brin d'organisation dans le secteur, sans pour autant juguler les irrégularités contre lesquelles elle a d'ailleurs été mise en application (surexploitation, dépassement des quotas, ouvertures anarchiques de carrières...). Elle prend ainsi en compte des aspects comme l'interdiction d'exploitation du sable dans le domaine forestier, l'obligation d'installer des pesants et le bornage des carrières. Cette circulaire instituait de plus la création d'une commission nationale (sorte d'observatoire des carrières) présidée par le MET, d'une commission régionale et d'équipes de contrôle auprès des directions provinciales de l'Equipement. Point de vue: David Toledano, Président de la Fédération des matériaux de construction (FMC) Nous continuons à bien sensibiliser les intervenants du secteur par rapport à l'importance de disposer de cette loi sur les carrières. L'objectif est de les amener à bien prendre conscience de l'importance et des enjeux de ce projet. Nous n'avons pas pu rencontrer le ministre dernièrement, mais nous prévoyons de reprendre avec lui le travail dès la rentrée prochaine. La circulaire de juin 2010, quant à elle, est là pour combler le vide créé par le défaut d'application de la loi existante sur l'exploitation des carrières. Elle est cependant très mal comprise et est sujette à de mauvaises interprétations, portant surtout sur ses filières d'application. Il est de toute façon clair que cette circulaire ne pourra jamais remplacer la loi, en termes de valeur et de poids pour le secteur des matériaux de construction. Le ministère l'a surtout proposée pour intervenir dans l'urgence de protéger le littoral. De plus, il y a aussi un projet de code minier toujours en gestation. Les producteurs de marbre sont par exemple en train de déployer tout un lobbying pour intégrer ce projet de code. Cela devrait leur permettre, entre autres enjeux, de pouvoir ramener des investisseurs étrangers dans cette filière. Ces investisseurs ont en effet besoin d'un minimum de visibilité sur l'organisation du secteur, avant d'injecter leurs fonds. Ce qui est tout à fait compréhensible.