Alioune Gueye PDG Groupe Afrique Challenge Les ECO : Vous organisez, du 11 au 13 juin, la 14e édition du forum d'excellence des dirigeants. Quels sont les objectifs de cet événement ? Alioune Gueye : Cette 14e édition à pour objet d'illustrer concrètement des cas de transformation réussie. En effet, depuis quelques mois le concept de transformation occupe l'actualité des colloques et congrès. Nous souhaitons aller au delà des concepts, en mettant en avant ces acteurs de la transformation: gouvernements, entrepreneurs, entreprises et territoires. De nombreux pays africains ont, au cours des dernières années, mis en place des plans et des programmes d'émergence à moyen ou long termes. Est-ce une «tendance» ou une réelle volonté d'accélérer leur progrès économique ? Il y a certes une question de mode, même si le point de départ reste toujours la question de la formulation d'une vision dans laquelle chacun puisse se reconnaître. Mais élaborer un plan émergence n ́est pas synonyme d'appropriation. Toutefois, le vrai sujet n'est pas le «quoi» mais le «comment», c'est à dire les démarches, outils et méthodes qui permettront de délivrer des résultats dans le moyen terme. Dans le dernier rapport de la BAD sur les perspectives économiques du continent, l'Afrique continue de vivre des exportations de ses matières premières. Quels sont les freins à l'industrialisation du continent ? Le premier frein réside dans l ́absence de recherche et développement et dans la sous-valorisation des formations techniques et scientifiques. Le continent regorge de docteurs en géographie, de philosophes et autres poètes, mais compte peu d ́ingénieurs, d ́avocats d ́affaires et de capitaines d ́industrie. De même, il y a un manque terrible de «Middle management» compétent dans des métiers industriels, comme on en trouve en Allemagne, notamment. Le second frein, lié au premier, relève de l'inadéquation entre les formations délivrées par l'université et le monde industriel. On ne peut plus concevoir que les programmes soient élaborés sans la participation active des professionnels de l ́entreprise, seuls à même d'exprimer les besoins de leur industrie. Le troisième frein est relatif à un écosystème qui ne favorise guère l'émergence de champions nationaux, censés drainer dans leur sillage des PME innovantes. Enfin, le coût et l'instabilité des facteurs de production ne facilitent pas le développement d'industries gourmandes en énergie de qualité, en main d œuvre qualifiée et en infrastructures, logistiques comprises,de classe mondiale. Le même rapport préconise une meilleure intégration de l'Afrique dans la chaîne de valeur mondiale. Quels devraient être, d'après-vous, le rôle des grandes entreprises du continent ? En premier lieu, il nous faut identifier les secteurs et les chaînes de valeur mondiales dans lesquelles nos entreprises ont une chance de s'insérer de manière distinctive, c'est à dire avec une offre de valeur. En second lieu, nos grands groupes ont intérêt à s'intéresser davantage aux marchés africains dont les classes moyennes s'éveillent progressivement à la consommation. Songez que seuls 13% des échanges se font à l intérieur de l'UEMOA ou de la SADC, contre 75% pour la communauté européenne et plus de 50% pour l'Asean. Enfin, pour être fort à l'étranger, il faut d'abord l'être chez soi. La récente vague de déploiement des grands groupes marocains en Afrique le démontre à souhait.