L'événement aurait pu passer inaperçu tellement cela fait partie de toute activité boursière. Pourtant, il est aujourd'hui la source de bien des inquiétudes au sein du marché. L'annonce du dépôt d'un projet d'OPR (Offre publique de retrait) par Renault Truck et Cadiva, visant les actions de Berliet Maroc et qui devrait être suivie par une demande de radiation de la société, prend en effet bien plus d'ampleur que n'aurait suscité la radiation d'une valeur aussi peu liquide que Berliet. Pourquoi? parce que le contexte dans lequel intervient cette opération est très particulier. Morosité du marché, prédominance du wait & see, liquidité en baisse... autant d'éléments auxquels ajouter une radiation de la cote ne pourrait que refroidir les boursicoteurs les plus avisés. Et ce d'autant plus que les opérations de radiation semblent se multiplier depuis deux ans, alors que la stratégie même des responsables de la société gestionnaire de la place est de recruter plus de sociétés dans le but d'atteindre un objectif de 150 entreprises cotées au moins à l'horizon 2015, contre 75 actuellement et, bientôt, 74 seulement. En effet, en deux ans, ce ne sont pas moins de six valeurs qui ont quitté la cote pour diverses raisons. SNI et ONA ont été justifiées par la restructuration des deux holdings ; Distrisoft par son absorption par Matel Pc Market ; la Marocaine Vie par le non fondement de sa présence à la cote ; LGMC et Berliet par les projets de leurs repreneurs respectifs que sont Mutandis et Renault Trucks. En parallèle, le management de la SBVC et les intervenants de marché peine toujours à insuffler la dynamique des IPO constatée entre 2006 et 2008, malgré des efforts marketing avérés. Entre Caravane de la Bourse, rencontre avec les entreprises ou encore incitations fiscales offertes par le gouvernement, la SBVC trouve aujourd'hui du mal à convaincre les entreprises nationales de rejoindre la Bourse. Contexte de plus en plus défavorable Au sein du marché, on doute également que la nouvelle concession faite pour encourager les PME à rejoindre la cote, et qui s'illustre en l'octroie d'une dotation de 500.000 DH permettant de compenser les coûts que peuvent engendrer une opération d'introduction, soit efficace pour convaincre des entrepreneurs souvent réticents ou méconnaissant les principes, même les plus basiques, d'un marché boursier. Dans cette situation, seuls 3 IPO ont été enregistrées sur les 18 derniers mois, à savoir celles de Ennakl, CNIA Sâada et Stroc Industrie. Et il est difficile de dire que pendant une année pré-électorale, qui plus est marquée par une crise conjoncturelle, d'autres entreprises oseront se lancer dans l'aventure Bourse. Par contre, ce même contexte, pousse de plus en plus de sociétés cotées, frappées par la crise ou en pleine restructuration, à réfléchir sérieusement à l'option de la radiation de la cote. En tout cas, plusieurs analystes et banquiers d'affaires en semblent convaincus. «Peu de visibilité existe aujourd'hui quand à l'émission de nouveaux titres sur la place. Mise à part une activation des opérations promises par SNI, ou l'avènement d'opération d'augmentation de capital par émission de nouvelles actions émanant des sociétés déjà présentes sur le marché, il est difficile aujourd'hui d'apprécier l'évolution du marché à ce niveau», nous confie un trader. Pis, il n'est pas exclu que l'on assiste même à une vague de nouvelles radiations, vu la conjugaison de certains facteurs déterminants dans les temps actuels. D'abord, «plusieurs valeurs présentes sur le marché, parfois depuis plusieurs dizaines d'années, affichent aujourd'hui des niveaux de liquidité très faible, parfois même nuls pour de très longues périodes», explique un analyste de la place. Parmi ces valeurs, il suffit de souligner que, durant tout le premier semestre, pas moins de six ont vu moins de 1.000 de leurs propres actions changer de mains. Certaines ont même été traitées en moins de 10 séances en six mois. Dans la liste, les analystes mettent pêle-mêle Acred, Balima, Branoma, Rebab Company, SCE et Zellidja qui sont ajourd'hui considéré comme des récidivistes, puisque le constat relevé durant le premier semestre 2011, n'est finalement qu'une poursuite du même rhytme observé pendant plusieurs exercices boursiers. Et la liste est extensible. Or, dans la réglementation, une des raisons qui pourraient justifier une intervention du CDVM pour la radiation d'une valeur, c'est justement sa sous liquidité. Selon des spécialistes du marché, la non intervention du gendarme n'explique pas le contexte du marché national, où l'on peine déjà à attirer de nouvelles recrues, et en radier dans ce contexte lui serait hautement préjudiciable. Cependant, à voir la rigueur avec laquelle le CDVM traite les «irrégularités» ces derniers mois, il n'est pas exclu qu'il s'attelle bientôt à rappeler à l'ordre ces valeurs surnommées «les fantômes du marché». Et même s'il n'intervient pas directement pour demander leur radiation, le CDVM a déjà frappé assez fort pour pousser le management de plusieurs sociétés cotée a entamer sérieusement la réflexion sur le «coût de leur cotation» dans un environnement de baisse des résultats et d'obligation de plus de transparence et de communication financière. Notons que le CDVM s'est engagé désormais à publier chaque année la liste des bons et mauvais élèves à ce niveau. Ajouté à cela le coût de la mise en place d'une organisation en interne à même d'assurer la finalisation des communications financières dans les délais fixés par la réglementation boursière, un délai qui pourrait être bientôt ramené à une fréquence trimestrielle, dans un but d'ouverture de la place à l'international ; ou encore la mauvaise publicité que pourraient induire d'éventuelles sanctions ou «remarques» du CDVM, comme ce fut le cas pour HPS, Sonasid ou encore Sofac... sont des éléments qui pourraient finalement s'avérer dissuasifs pour la poursuite de l'aventure boursière. C'est dire que finalement, au lieu de se retrouver avec 150 entreprises à l'horizon 2015, le risque d'avoir moins de sociétés cotées d'ici-là s'avère plus cohérent.