Malgré les difficultés liées à l'accès à l'électricité, au coût des opérations et aux risques de sécurité, plusieurs gouvernements envisagent sérieusement d'installer leurs propres data-centers et de mettre en place un cloud national de l'administration. Certains, comme le Maroc, ambitionnent même de fournir des services allant dans ce sens aux autres pays de la région. La transition numérique n'est plus un luxe pour les économies africaines. La question était au centre des débats lors de la 3e édition des Assises de la transformation digitale, dans son édition française, qui s'est tenu le 30 et 31 octobre dernier au pavillon Dauphine à Paris. L'occasion pour les représentants de plusieurs gouvernements africains de faire le point sur la transformation digitale dans leurs pays et d'analyser l'impact qu'elle pourrait avoir sur l'émergence. Des représentants du Maroc, du Burkina Faso, du Congo, de la Côte d'Ivoire ou encore du Gabon ont répondu présents à l'appel lancé par Ciomag.com, organisateur de l'évènement. L'un des points saillants de la rencontre a concerné la cyberadministration, appelée également e-gouvernement, qui est aujourd'hui érigée en priorité par plusieurs pays du continent. Plusieurs gouvernements africains ont déjà franchi le pas à ce niveau. Ainsi, le Gabon, le Sénégal, le Cameroun, le Burkina Faso, le Mali, le Ghana, le Nigeria, l'Afrique du Sud, l'Ouganda ou encore les Comores ont d'ores et déjà créé leur propre agence des TIC. Data-centers Si cette transition est inévitable, c'est parce qu'elle permet de coordonner les services de l'administration pour une meilleure maîtrise du budget et du service public. Ainsi, la cyberadministration s'appuie sur un réseau mettant en relation les administrations et permettant un partage fluide des données. Cela permet au citoyen de ne fournir ses informations qu'une seule fois et d'effectuer à distance, de bout en bout, ses démarches administratives. C'est pourquoi le rush vers l'utilisation du cloud de la part des gouvernements s'est accéléré ces dernières années. Le continent africain, qui est resté jusqu'ici en retrait, compte aujourd'hui non seulement basculer vers cette technologie, mais être lui-même un relais de croissance offrant une réelle valeur ajoutée. Un véritable phénomène de transition est en effet en marche. Il s'agira dans un premier temps de s'arrimer sur des data-centers de plus en plus sécurisés et performants. «L'équation est simple: sans data-centers, pas d'intelligence sur le digital. Sans digital, pas d'émergence», estime Jean-Michel Huet, directeur associé de BearingPoint et expert en la matière. Un défi qui ne semble pas impressionner certains pays africains qui estiment même disposer du savoir-faire nécessaire pour accueillir ces data-centers et proposer de véritables solutions de service aux autres pays, notamment dans le secteur scientifique, commercial et même gouvernemental. Il faut dire qu'il s'agit là d'investissements colossaux opérés par de grandes multinationales qui attisent la convoitise de plusieurs pays de la région. Sécurité Reste que la mise en place de ces data-centers pose plusieurs problèmes d'infrastructures, en particulier en Afrique. «L'accès à l'électricité est au cœur du problème pour ce continent qui connaît non seulement des difficultés de coût, mais aussi des soucis de continuité dans l'accès à l'énergie», souligne Laurent Lafarge, senior vice-président de Monaco Telecom. La sensibilité des données à stocker sur ce «cloud» peut également constituer un obstacle de taille pour la mise en place de services de cloud pour d'autres gouvernements (listes électorales, données biométriques, etc.). «Nous parlons parfois de données personnelles très sensibles ou de données touchant directement la souveraineté des Etats, ce qui suscite toujours des réticences, surtout si des risques de sécurité subsistent», poursuit Lafarge. Relais de croissance Pour sa part, le Maroc a d'ores et déjà entamé sa transition vers un cloud national pour l'administration. L'ambition est de combiner de manière intégrée un cloud gouvernemental marocain hébergeant certaines données et applications directement sur le territoire, et des clouds publics internationaux offrant de très grandes capacités à des coûts très faibles et qui pourront desservir des pays voisins en Afrique. À ce titre, «le Maroc veut se placer comme un relais de croissance et de compétitivité tant pour l'Afrique que pour l'Europe», a assuré Latifa Echihabi, secrétaire générale du ministère de l'Industrie. La rencontre a également permis aux différents pays de la région de présenter l'état d'avancement de leur politique en matière de «transformation numérique», y compris en ce qui concerne la dématérialisation des procédures, l'utilisation de la technologie biométrique ou encore la sécurité numérique, particulièrement dans le secteur bancaire.