Le Maroc de demain se construit aujourd'hui et la première pierre a été posée avec la nouvelle Constitution. La croissance nationale à l'horizon 2020 sera basée sur les régions et sur une vision de répartition équitable des richesses. Le projet de régionalisation avancée en a dessiné les contours et la Constitution, dévoilée par le Souverain, vendredi dernier, en a apporté la consécration. «Notre vision globale et intégrée de la démocratie authentique et des attributs de bonne gouvernance repose sur la répartition des pouvoirs et des ressources entre le centre et les régions, et ce, dans le cadre d'une régionalisation avancée que Nous considérons comme la pierre angulaire de toute réforme profonde et de toute modernisation des structures de l'Etat», c'est en ces propos que le Roi Mohammed VI a rappelé l'importance que requiert le développement économique et social des région à l'avenir. Qu'impliquera donc la nouvelle Constitution pour le projet de régionalisation ? Le projet de Constitution, tel qu'il sera voté par référendum le 1er juillet, consacre tout un chapitre à ce volet, comme cela a été proposé par la commission consultative pour la régionalisation. Cette dernière a en effet insisté, dans le rapport présenté au souverain en début d'année, soit bien avant la vague de protestation, sur une révision constitutionnelle afin de s'adapter à la nouvelle donne de la régionalisation avancée. «La construction du modèle général de la régionalisation avancée nécessite, à l'instar de toute entreprise contribuant à la réforme profonde des structures de l'Etat, des ajustements et des évolutions sur le plan juridique, aussi bien constitutionnel que législatif», peut-on lire dans le livrable de la commission d'Azzimane. C'est dans ce sens que le projet de constitution, si adopté, va consacrer les régions, les préfectures, les provinces et les communes en qualité de personnes morales qui auront la mission de gestion démocratique de leurs affaires. Comme recommandé par la commission de régionalisation, le mode de suffrage universel direct devrait permettre l'élection des conseils régionaux et communaux. Ces derniers seront en revanche tenus d'instaurer des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation, afin de favoriser l'implication des citoyens dans l'élaboration et le suivi des programmes de développement. En d'autres termes, la population est appelée à être impliquée activement dans la gestion de leur région. Des fonds institutionnalisés Sur le volet financier, la Constitution va également confirmer la possibilité des régions de recourir à des ressources financières propres, via probablement la mise en place de taxes locales spécifiques ou autres, qui viendront s'ajouter aux ressources affectées par le pouvoir central, afin de subvenir à leurs besoins de financement. Par ailleurs, le texte soumis au référendum constitutionnalise également le fonds de mise à niveau sociale des régions et le fonds de solidarité interrégionale. La nécessité de mettre en place le premier instrument s'explique par le fait que la mise à niveau des régions, via l'intégration des différentes stratégies sectorielles, permettra d'accélérer la résorption des déficits majeurs dans des secteurs en lien direct avec le développement humain et recoupant largement les domaines de compétence des régions dans le cadre de cette réforme. C'est du moins ce qu'argue la commission pour la régionalisation. Cependant, le coût de cette mise à niveau devrait être lourd à supporter par les finances des simples régions. L'évaluation financière de cet effort se situerait entre 128 et 215 milliards de DH. C'est là qu'interviendra le fonds de mise à niveau régionale dont les tranches seront inscrites dans les lois de finances, afin de permettre une programmation pluriannuelle et un suivi d'évaluation adéquats. Les critères d'éligibilité et de répartition seront définis par une commission ad hoc. Le projet de régionalisation avancée devra en outre consacrer le principe de solidarité entre les régions, afin d'atténuer les inégalités liées à la concentration de la richesse, à l'inégal développement des territoires, et aux disparités géographiques et démographiques entre les régions. À cet effet, le système de transfert des ressources de l'Etat vers les collectivités régionales et locales sera maintenu avec un renforcement des effets de péréquation équitable. Dès le départ, il est prévu de mettre en place un fonds de solidarité interrégionale, dont la première dotation proviendra du prélèvement de 10% des ressources nouvelles de chaque région, et dont l'affectation sera arbitrée en fonction des besoins des régions les moins bien loties. C'est là le deuxième instrument constitutionnalisé pour les régions. Des lois organiques en suspens Ceci étant dit, il est bien clair que le projet de Constitution ne peut à lui seul régir toutes les modalités électorales, gestionnaires ou de fonctionnement des régions. Cependant, dans son article 146, la Constitution prévoit la mise en place d'un dispositif juridique, via des lois organiques pour compléter et préciser ces modalités. Dans ce sens, une loi devrait être mise en place, fixant les conditions de gestion démocratique des affaires des régions ainsi que le régime électoral et les règles relatives à l'éligibilité. Le régime financier des régions, l'origine de leurs ressources financières et les modalités de fonctionnement des deux fonds précités, devront également être validés par un cadre juridique et législatif. En d'autres termes, la Constitution, si elle est adoptée, tracerait la carte de ce qui sera «un Maroc régionalisé» mais ce n'est que la promulgation des différentes lois organiques qui permettra réellement la concrétisation de ce projet de règne.