● Le Maroc est leader en termes de réseaux de compétences constitués par des ressortissants qualifiés dans la région sud-méditerranéenne ● Ce canal constitue une force de frappe exemplaire pour cette communauté, afin de contribuer à l'économie nationale ● Il faut néanmoins franchir quelques obstacles : la faiblesse de la couverture Internet à large bande et la mobilité des personnes dans les pays du Nord Les réseaux. Telle doit être la nouvelle arme de frappe de la diaspora marocaine qualifiée, afin de contribuer pleinement à l'économie nationale. C'est du moins la recommandation d'un récent rapport d'Anima (un organisme de promotion de l'investissement en Méditerranée) intitulé : «Diasporas : passerelles pour l'investissement, l'entrepreneuriat et l'innovation en Méditerranée». Selon les chiffres rapportés par Anima, la diaspora marocaine est loin d'être novice en matière de développement de réseaux. En effet, on répertorie actuellement quelque 73 réseaux de compétences marocains, ce qui octroie au royaume un leadership parmi les pays du sud de la Méditerranée, devant Israël, habitué des premières places dans la région. Cependant, sur le total, seul un tiers des réseaux est catégorisé comme très actif. L'on citera, à ce titre, The Washington American Club, réseau international de la diaspora marocaine ou encore Maroc entrepreneurs, etc., ce qui porte à croire que le Maroc a davantage d'efforts à fournir pour transformer l'essai. Le besoin le plus évident est de multiplier les plateformes ouvertes aux réseaux de la diaspora, propose Anima, avec des fonctionnalités simples (annuaire, documentation, meilleures pratiques, success stories d'entrepreneurs, et peut-être échanges d'expériences). Cela implique nécessairement certains moyens (site web ou espace sur site web, modalités de partenariat, animation, modération, gestion d'un centre de ressources), sans compter la mise en place de la couverture Internet large bande. Hormis cela, pour donner plus d'envergure aux réseaux de la diaspora, il convient également de supprimer des obstacles structurels, avec la mobilité arrivant en première ligne. Plus une nécessité qu'une option L'on sait bien que, sur ce plan, les actions d'ajustement concernent plus les pays du Nord. «L'obtention de visas constitue dans la plupart des cas une démarche pénible», relate Anima. En lien, les pays européens pourraient réfléchir à la mise en place de visas qui faciliteraient les migrations circulaires des entrepreneurs avec, entre autres, des procédures simplifiées et l'allongement des durées de validité, est-il recommandé. «La blue card européenne, mise en place en 2007 sur le modèle de la green card américaine et destinée à attirer les travailleurs les plus qualifiés, pourrait être étendue pour mieux répondre à l'enjeu d'une mobilité positive des compétences expatriées», propose Anima. Cela étant, favoriser les canaux de transmission de l'action de la diaspora marocaine au royaume relève plus de la nécessité que de l'option. En effet, à l'instar de plusieurs pays du pourtour méditerranéen, les transferts de fonds de la diaspora marocaine ont explosé depuis le début des années 2000, à telle enseigne que «le Maroc se hisse aujourd'hui au top 20 mondial des pays recevant le plus de devises de la diaspora», rappelle Anima. C'est dire le caractère déterminant de cette ressource budgétaire pour le pays. «Le tarissement ou la cessation des transferts financiers se traduiraient automatiquement par une réduction brutale des recettes pour le Maroc», envisage le rapport d'Anima. Le réseau avance même un scénario catastrophe relatant «un appauvrissement accéléré des ménages et une dangereuse augmentation du mécontentement social» que pourrait induire le seul tarissement des transferts financiers de la diaspora. La fibre nationaliste, une raison de motivation Connaissant cela, il est clair qu'il est difficile de concevoir un retour définitif de la diaspora marocaine vers son pays d'origine, étant donné que les rentrées qu'elle génère sont largement dépendantes de sa présence dans le pays d'accueil. Sans compter que dans leur grande majorité les membres de la diaspora qualifiée ont bâti leur vie professionnelle et familiale dans le pays d'accueil, ce qui exclut pour le plus grand nombre l'éventualité d'un retour ferme et définitif. Paradoxalement, ce double attachement favorise la multiplication d'autres formes d'engagement plus indirectes en faveur du développement du pays, de la région ou de la ville d'origine, notamment par la création de réseaux organisés. D'où le levier d'action proposé par Anima capitalisant sur cette fibre nationaliste. «Pour les acteurs publics, il devient important de privilégier d'autres formes de mobilisation de la diaspora au service du développement», recommande le réseau. Ce qui passe donc concrètement par l'encouragement de la circulation des compétences expatriées dans une logique de co-développement facilitant les échanges et les mouvements réguliers entre le pays d'accueil et le pays d'origine, sans préjuger de leur retour définitif. Ce faisant, l'on se positionne à contre-courant du concept classique de fuite de cerveaux, à savoir que les migrants qualifiés du Sud qui s'installent au Nord contribuent non seulement à la création de richesses dans le pays hôte (création d'entreprises locales et donc d'emplois) mais également dans leurs pays d'origine, en servant notamment de passerelle dans les domaines du développement économique et scientifique à travers les réseaux de la diaspora.