12 nationalités, dont le Maroc, faisaient partie ce lundi 20 janvier, du groupe sélectionné par le gouvernement hollandais et plus précisément le ministère de la santé, pour un tour médiatique qui commença à Amsterdam et se termina à Utrecht. Une ville par jour et de nombreux hôpitaux, centres universitaires médicaux ou encore des instituts de recherches à visiter. «Notre but est de montrer au monde ce que nous savons faire dans le domaine médicale afin de pouvoir collaborer avec les instituts internationaux et échanger sur notre savoir faire», explique Jeroen Hulleman, conseiller de la politique du département de la santé publique au Ministère de la Santé, des Affaires sociales et des Sports hollandais qui nous accueille dès le premier jour de notre périple hollandais. Les Pays-Bas, un pays dont certain ne connaissent que ses clichés à savoir que c'est le pays des sabots, des moulins, du fromage et des tulipes. Avec une population de 16,8 millions d'habitants comparés aux 33 millions de marocains, les Pays Bas sont surtout connu pour leur système de santé et leurs recherches poussées dans ce secteur. Nous commençons notre périple hollandais un lundi gris au climat froid. «Bleu Monday » (lundi bleu) comme ils l'appellent là bas en référence au jour le plus déprimant de l'année. Pourtant rien n'est déprimant dans cette journée. Nous débutons notre visite par le VU Medical Center (VUmc) d'Amsterdam. Un centre universitaire qui combine soins des patients, enseignement supérieur et recherche avant-gardiste. À première vue, l'impression que nous avons tous est que l'on est dans le hall d'un aéroport avec ces espaces aux tons clairs, ces magasins où l'on peut se fournir en bibelots, vêtements ou encore en produits alimentaires, ces fleuristes, ces cafés et ces restaurants. Une absence d'odeur d'hôpital qui confirme encore plus cette impression. Le VUmc concentre ses recherches sur trois programmes distincts : l'insuffisance et l'arrêt cardiaque, l'ischémie qui est la diminution de l'apport sanguin artériel à un organe et enfin la circulation et le métabolisme. Le VUMC dispose de scanners dernière génération d'une précision infaillible : le PET-CT et le PET- MRI. Ces technologies d'imagerie hybride qui intègrent soit un IRM pour le PET-MRI soit les rayons X pour le PET-CT ont révolutionné le diagnostic médical en y ajoutant plus de précision dans la localisation anatomique. Nous nous rendons directement pour visiter l'un de ces scanners. «Il n'en existe pas beaucoup des PET-CT aux Pays-Bas, le coût de ces machines est assez lourd puisqu'il peut aller jusqu'à 5 millions d'euros, parfois plus», explique le professeur Adriaan Lammerstsma, Chef du département de la médecine nucléaire et de la PET recherche. Notre visite continue ce jour là à l'hôpital St Antonius Ziekenhuis de Nieuwegein à une quarantaine de km d'Amsterdam. Ici ce sont plus de 4860 employés, 272 médecins, 150 auxiliaires médicaux et 500 bénévoles qui officient tous les jours. Nous avons rencontré des cardiologues qui nous ont plus éclairés sur la technique de mise en place des Pacemakers et nous avons pu assister en direct à son installation sur un patient. L'opération ne prend pas plus d'une heure, une heure et demi et ne nécessite pas d'opération à cœur ouvert. Le patient peut rentrer chez lui dans les 24h qui suivent cette procédure. 3 jours après notre visite, nous avons appris que le centre de cardiologie de l'hôpital St Antonius a réussi, le 23 janvier dernier, l'exploit d'implanter, avec succès pour la première fois aux Pays-Bas, le plus petit stimulateur cardiaque (Pacemaker) sans fil : le Micra(TM) Transcatheter Pacing System (TPS). Mardi sera consacré à des instituts de recherches tels que Synapse qui se trouve à Maastricht. Ce dernier dispose de différents laboratoires et leurs recherches concernent surtout tout ce qui est lié au risque de thrombose, soit les caillots de sang dans les veines. Ils ont développé une machine, toujours au stade de prototype, qui sera probablement lancée dans 2 ans. Cette invention devrait permettre aux particuliers de faire des tests chez eux pour savoir s'ils peuvent ou non développer des caillots. Elle est reliée à une application mobile qui donne le résultat en 10 -15 min. Tout cela pour éviter des déplacements et des dépenses inutiles. L'autre institut est le De Maastricht Studie. Ici, les recherches portent sur comment diagnostiquer à l'avance les futurs porteurs du diabète type 2, qui est est d'origine polygénique et environnementale, avec comme finalité principale de déterminer comment ce dernier se développe et à terme comment réduire le nombre de personnes atteintes. Cette étude sur les habitants de Maastricht durera jusqu'en 2018. Elle est financée par le gouvernement, mais également par des entreprises privées. Le centre dispose de nombreux box bien équipés, destinés à recevoir les bénévoles qui ont pris part à cette étude. Ces derniers acceptent de se faire examiner de manière régulières par les scientifiques et de faire également quelques exercises chez eux. A long terme, De Maastricht Studie aimerait transposer cette étude en Afrique ou en Asie afin de voir comment les différentes ethnies, selon leur environnement ou encore leurs habitudes, réagissent au diabète type 2. Les jours s'enchainent et les visites également. A L'université technique d'Eindhoven, les étudiants se spécialisent dans la recherche sur l'ingénierie tissulaire ou comment fabriquer des tissus vivants à partir du cœur d'une souris ou d'un agneau. On assiste à une expérience sur le cœur d'un agneau auquel une valve, structure anatomique qui sépare les différentes cavités cardiaques, fabriquée à partir de cellules animales permettait à ce dernier un bon fonctionnement évitant ainsi tout insuffisance cardiaque. Au Maastricht UMC+, nous avons l'impression d'avoir été catapultés dans un hopital de série du style grey's anatomy. Ici, les médecins travaillent avec des ipads qui contiennent les dossiers de leurs patients. Ils peuvent suivre l'état d'évolution de leur santé à distance. Tout est également fait pour que le patient, mais également sa famille n'aient justement pas cette impression d'être dans un hôpital. «Nous souhaitons qu'à l'avenir, il n'existe plus de salles d'attentes car, les gens n'ont pas à attendre et doivent automatiquement être pris en charge. Pour nous cela veut dire que nous sommes mal organisés», nous explique un responsable au Maastricht UMC+. À la fin de cette semaine hollandaise entièrement dédiée à la médecine, la formation et la recherche, une chose nous frappe particulièrement. Cette impression que le patient et son bien être arrivent en tête des préoccupations de l'ensemble du système de santé. Ce que le Maroc peut en tirer Comment fonctionne le système de santé aux Pays-Bas ? Un plan d'assurance maladie offre une couverture de base à quasiment tous les habitants, avec une compensation pour les personnes à revenus modestes. Ce système, mis en place en 2006, dispose d'un caractère privé mais est régi par de nombreuses conditions fixées par les pouvoirs publics. Ainsi, ces derniers obligent toute personne résidant aux Pays-Bas à souscrire à une assurance. Les assureurs sont tenus d'admettre tout le monde, indépendamment de l'âge, du sexe ou de l'état de santé. L'infraction à cette règle mène au paiement d'une amende. Tout le monde doit également pouvoir payer les soins, y compris les personnes aux revenus faibles ou aux frais de santé élevés. Cette deuxième condition du gouvernement oblige les assureurs à éviter toute discrimination basée sur les risques lies à l'état de santé du futur assuré. Selon les chiffres du ministère de la Santé, des affaires sociales et des sports néerlandais, ils sont plus de 5 millions à se voir verser une allocation soins de santé par le fisc. Le budget du gouvernement dédié à ce secteur est de 76,7 billions d'euros (1 billion= 1.000 milliards) soit l'équivalent de 860 billions de DH. Il correspond à 33% des dépenses du budget global du gouvernement hollandais. Difficile de comparer avec le Maroc lorsque l'on sait que seuls 5% du budget global de l'Etat vont à la santé publique nationale, ce qui équivaut à un budget total de 12,37 MMDH en 2013. Les dépenses pour les soins aux Pays-Bas représentent plus de 93 billions d'euros, soit 5.500 euros par habitants/an. Un coût assez important pour le gouvernement qui a consacré ces dernières années à la recherche du moyen de le réduire et de le maîtriser. L'espérance de vie en Hollande est de 78,3 ans pour les hommes et 83,3 ans pour les femmes, contre une moyenne de 72,13 ans au Maroc. De plus, les Hollandais souffrent de maladies chroniques à partir de 48 ans pour les hommes et de 42 ans pour les femmes. Actuellement, 4,5 millions de personnes en souffrent. Cela a une conséquence directe sur le coût des soins de santé qui augmente de 4 à 5% chaque année. «Nos ambitions ici, au ministère de la Santé, consistent à arriver à freiner la hausse des personnes atteintes de maladies chroniques et à retarder l'âge auquel se développe ces maladies afin de réduire les coûts en matière de santé», explique Jeroen Hulleman. Cette préoccupation nous concerne également ici, au Maroc. Comment alors arriver à réduire ces coûts, tout en assurant un accès aux soins et une couverture médicale pour tous ? «La santé publique au Maroc doit chercher des alternatives et innover», confiait récemment le ministre marocain de la Santé, El Haussaine El Ouardi. La prévention, une responsabilité politique L'exemple hollandais nous apprend que la politique commence par la prévention, l'une des responsabilités primordiales du gouvernement en matière de promotion et de protection de la santé. Le gouvernement s'attaque essentiellement aux problèmes liés à la dépression, au diabète, à l'obésité, à la cigarette et à l'abus d'alcool, autrement dit, les maux qui font le plus de dégâts sur la santé des gens. Des législations ont été mises en place afin d'interdire la cigarette dans les lieux publics «puisque même si l'on ne fume pas, on peut tomber malade à cause de la fumée des autres», justifie Jeroen Hulleman. La vente des cigarettes et d'alcool est également interdite aux moins de 18 ans. Mais le gouvernement hollandais demeure hésitant quant à interférer dans le mode de vie des gens. Du coup le seul moyen à sa disposition est de proposer un programme national de prévention mais également des partenariats public-privé afin de réduire les quantités de sucre, de sel et de gras dans les produits alimentaires manufacturés. Au Maroc, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) collabore avec le ministère de la Santé marocain pour mettre en œuvre un programme sanitaire qui comprend quatre grands axes de travail, notamment la prévention. Ici le gouvernement marocain s'attaque à la promotion de la santé pour développer un mode de vie plus sain grâce notamment à l'implication des «Morchidines» et des «Morchidates» dans les actions de sensibilisation et de communication sur les programmes prioritaires de prévention et de lutte contre les maladies. L'autre action développée est la mise en œuvre de la Stratégie nationale de nutrition afin d'améliorer la sécurité sanitaire des aliments, ainsi que la sécurité des approvisionnements alimentaires. La recherche, une priorité nationale Il existe également au Pays-Bas des programmes de recherche mis en place par des organismes tels que ZonMw, l'organisation néerlandaise pour la recherche et le développement de la santé. Cet organisme indépendant gère environ 90 programmes de subventions dont les champs d'actions sont la science et innovation, la prévention, les soins et bien-être, la qualité et l'efficacité. Les instituts de recherches dans le domaine médical aux Pays-Bas profitent des subventions de l'Etat, mais également de celles d'entreprises privées qui s'associent à ces instituts ou centres universitaires de recherche médicale. Leur but est de développer des machines ou technologies à même d'aider à prévenir et réduire tout type de maladies. Le développement d'un nouveau mode de vie plus sain, en ce qui concerne la nourriture, et la réduction de consommation de cigarette et d'alcool est également une préoccupation centrale dans ces diverses recherches. Des centres universitaires tels qu'UMC Utrecht, Leiden University Medical Center, VU University Medical Center (VUmc), Maastricht UMC+ obtiennent des subventions du public et du privé pouvant aller jusqu'à 73,7 millions d'euros dans le cas de VUmc et qui seront ensuite réparties ente les différents programmes de recherche initiés par le centre universitaire médical. «Notre ambition est de maintenir les soins de santé abordables et accessibles dans le futur. Cela nous inspire et nous motive à développer de nouvelles formes de soins et de partenariats», explique un responsable du Maastricht UMC+. Ces derniers participent depuis avril 2013 à un programme expérimental baptisé «Blue Care». Ce programme vise à éviter que les patients soient admis à l'hôpital trop rapidement ou inutilement. «Nous pouvons contribuer à ce programme en partageant notre expertise avec les médecins généralistes pour qu'au final nous arrivions à l'élimination du diagnostic superflu et à une meilleure gestion de la demande croissante des soins, en évitant toute dépense inutile». Au final, l'on se rend compte qu'il y a beaucoup à retenir de cette expérience. Un échange de savoir-faire entre nos deux pays serait une option à envisager afin de comprendre ce qui nous fait défaut pour parvenir à un système de santé efficient et accessible à tous.