Le nouveau patron de l'Office national marocain du tourisme (ONMT) n'y va pas par quatre chemins. Le fonctionnement de l'Office est remis en cause. «Le constat que nous faisons avec les équipes de l'ONMT est que le fonctionnement de l'office doit connaître une profonde mutation», lance d'emblée Abderrafie Zouiten. Et d'ajouter, «les équipes de l'ONMT ne peuvent plus travailler comme avant si elles veulent être en phase avec le bouleversement que connaît l'industrie du tourisme». L'écart semble énorme entre les méthodes de travail adoptées jusque-là par l'ONMT et les changements que vit l'industrie touristique partout dans le monde. Les grands acteurs du tour operating ne sont plus limités à un seul pays, l'acte d'achat s'est déstructuré, les réseaux sociaux et les sites internet foisonnent; autant de preuves que le tourisme est en pleine reconfiguration. L'ONMT doit donc absolument suivre le pas. C'est ce que compte faire le nouveau patron, mais comment? «Pour être clair, c'est la gouvernance de l'office qui subira une importante mutation», déclare Zouiten. Cela touchera plusieurs aspects dont quatre, très importants : l'implantation des délégations, les ressources humaines, la gestion des ressources financières et la gestion informatique. Redéploiement des bureaux de représentation En ce qui concerne le premier point, la nouvelle dynamique voudrait que les différentes implantations de l'office soient revues. La première décision qui découle de cette vision est la fermeture de deux représentations, celles de Dubaï et de Vienne, et l'ouverture d'une nouvelle représentation au Brésil. «Cela ne veut pas dire que ces marchés ne nous intéressent pas», tient à préciser le patron de l'ONMT. «Nous voulons adopter une nouvelle façon de travailler». Après étude, les équipes se sont rendues compte que les tours opérateurs allemands opéraient sur le marché autrichien et y prédominent. Sachant que l'office dispose déjà d'une délégation en Allemagne, pays limitrophe à l'Autriche, il a été décidé d'aborder ce marché à partir de ladite délégation. «Cela nous permettrait de rationaliser nos dépenses et de réaliser de 7 à 10 MDH d'économies», confie Abderrafie Zouiten. Ces économies seront bien évidemment redéployées ailleurs. Idem pour la représentation de Dubaï: les études ont démontré qu'il s'agit d'un marché limité qui ne draine que quelques 4.000 touristes annuellement. «Or, le marché de l'Arabie saoudite est le plus important en termes de population et valeur aujourd'hui, il représente plus de 70.000 touristes», explique-t-on auprès de l'ONMT. La décision a donc été de déplacer le bureau de Dubaï vers Ryad, la capitale saoudienne. Ces deux exemples illustrent la nouvelle vision adoptée par l'office: revoir la méthode de travail afin de rationaliser les dépenses. Il est clair que la nouvelle carte des délégations de l'ONMT à travers le monde est en train de se redessiner. L'office cherche des sources de financement S'agissant du deuxième volet, à savoir les ressources humaines, les équipes du bras promotionnel du tourisme marocain bénéficieront de formations pour être en phase avec les nouvelles orientations du tourisme mondial. «Au sein de l'office, il y a des femmes et des hommes de grande qualité qu'il faut accompagner avec des formations car notre industrie, ainsi que les nouvelles technologies, ne cessent d'évoluer», avance Zouiten. Par ailleurs, ce dernier soulève une question cruciale pour la bonne gouvernance de l'office et l'atteinte de ses objectifs: comment pérenniser les ressources financières de l'office ? Financé à 100% par le budget de l'Etat, l'office est donc dépendant de la conjoncture qui tantôt peut être favorable, tantôt peut ne pas l'être. Connaissant la conjoncture financière actuelle de l'Etat, la bataille de l'office sera rude pour arracher une augmentation de son budget 2014. Pour en finir avec cette situation, l'équipe mène une réflexion pour chercher de nouvelles pistes de financement. Aucun schéma n'a été décidé, mais la piste privilégiée pour l'heure consiste à trouver un système qui relierait les performances de l'ONMT à ces recettes financières. «Il est normal que, plus il y a d'arrivées de touristes au Maroc, plus l'office devrait voir croître ses recettes financières», confie Zouinten. En fait, l'ONMT ne veut plus rester tributaire de la générosité de l'Etat et de sa situation financière, et cherche à avoir les moyens de ses ambitions. Le budget des organismes similaires dans les pays concurrents dépassent les 100 millions de dollars. La Turquie dispose d'un budget de promotion de 140 millions de dollars, l'Egypte, un budget de 105 millions de dollars, tandis que le budget de l'office marocain est de 35 millions de dollars. Cela se passe de tout commentaire ! Enfin, toutes les procédures internes (financières, comptables, automatisation,etc.) de l'office seront revues. Un cabinet sera retenu suite à un appel d'offre pour remettre à plat tous les process pour une meilleure efficience de l'office. L'office en «nouvel» ordre de bataille La feuille de route de l'ONMT pour les deux prochaines années est arrêtée. L'office se fixe pour objectif, durant la période 2014-2016, une croissance de 7% en concordance avec les objectifs annuels de la vision 2020. Pour cela, quatre leviers ont été identifiés par la stratégie mise en place par les équipes de l'ONMT. Le premier est la capacité aérienne. Abderrafie Zouiten met un point d'honneur à renforcer le nombre de sièges à destination du Maroc. On n'en attendait pas moins de l'ex-numéro 2 de la RAM. Une convention entre la compagnie nationale et l'office est en cours d'élaboration. «Dans une semaine ou deux, nous aurons des éléments concrets à avancer sur la contribution de la RAM», déclare Zouiten. Nous ne saurons rien de plus sur son contenu. Interpellé, le directeur général de l'office a avancé une seule précision : les annonces qui seront faites sont importantes. En attendant, le patron de l'office annonce une croissance de la capacité aérienne (hors Casablanca) de 32% pour l'hiver prochain. Par ailleurs, le plus gros du travail devra certainement se faire au niveau du deuxième levier identifié dans la nouvelle stratégie, à savoir le renforcement de la distribution. «Il est très important d'identifier qui vend le Maroc sur chacun des marchés où nous sommes présents», lâche le directeur général de l'ONMT. La réponse à cette question conditionnera alors le mode de distribution déployé sur chaque marché mais aussi la communication. Si les touristes font appels aux TO, la distribution et la communication suivront cette orientation. Si par contre ces derniers utilisent les sites internet, la distribution ainsi que la communication devront suivre le pas. C'est pour cela que l'ONMT a décidé de mettre en place une stratégie digitale. Ce volet n'a jamais été sérieusement pris en considération auparavant. Il est également question d'intégrer la segmentation au niveau des marchés qui ont une taille critique. «Quand un marché émetteur est important, nous nous attarderons à l'étudier et le segmenter pour y déployer des offres personnalisées, plus ciblées. Le tourisme interne n'est pas en reste dans le plan de travail de l'office. Une meilleure distribution des nuitées est un objectif que l'office espère réaliser. Pour cela, certaines destinations et niches bénéficieront de l'attention particulière de l'ONMT comme Ouarzazate ou le tourisme golfique, sportif ou de famille». La rationalisation des dépenses effectuées nous permettra, une fois les études terminées, de mettre le cap sur l'Afrique subsaharienne. Vous connaissez l'importance de cette région pour le Maroc, notamment en matière de coopération sud-sud. Plusieurs entreprises marocaines sont aujourd'hui implantées dans des pays africains. Casablanca est par ailleurs considérée comme le deuxième plus important hub vers l'Afrique. Toutes ces raisons nous poussent à envisager l'ouverture d'un bureau de représentation de l'Office au niveau de l'Afrique de l'Ouest. Nous étudions la faisabilité de la chose au niveau de trois villes : Dakar, Abidjan et Libreville. Il y a à la fois un potentiel de touristes riches qui peuvent être attirés par Casablanca en tant qu' hub commercial (Morocco Mall, Anfa place, Marina) et un potentiel pour le tourisme religieux. Sur ce point, je fais référence aux adeptes de la Zaouia Tijania qui viennent en visite à Fès. Il y a également les étudiants. Donc on voit clairement qu'une délégation implantée en Afrique de l'Ouest fait sens et le trafic généré sera intéressant pour la destination Maroc. Abderafie Zouiten, Nouveau patron de l'Office national marocain du tourisme (ONMT).