Le Maroc a des ambitions en Afrique et ne se prive d'aucune occasion pour le démontrer. Cela a été le cas, hier à Rabat, à l'occasion de la journée internationale de l'Afrique, célébrée le 23 mai de chaque année pour marquer l'anniversaire de la création de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), ancêtre de l'actuelle Union africaine (UA). Pour la deuxième année constitutive, la journée a été célébrée en grande pompe, en présence de tout le gotha diplomatique africain accrédité au niveau de la capitale mais aussi, de nombreux invités de marque, responsables institutionnels, étudiants et investisseurs. En tête des invités, le chef de la diplomatie marocaine, Taïeb Fassi-Fihri, a tenu à marquer par sa présence, l'attachement du royaume à «son continent d'appartenance». À cette occasion, d'ailleurs, le ministre marocain des Affaires étrangères a tenu à s'exprimer devant ses pairs diplomates, et en marge des festivités, pour rappeler les liens historiques qui existent entre le Maroc et «ses pays frères africains» et l'engagement du royaume à contribuer efficacement au développement du continent. Cet engagement trouve sa source dans le rôle «d'avant-garde» joué par le Maroc dans le processus de libération de plusieurs pays africains, à l'époque coloniale. C'est d'ailleurs convaincu que seule l'unité du continent pourra sortir l'Afrique de la place qu'elle occupait depuis longtemps, a souligné le ministre, que plusieurs chefs d'Etat se sont réunis, en 1961 à Casablanca et ont clairement exprimé, sous l'impulsion du défunt roi Mohammed V, leur volonté de réaliser cet idéal commun. «Une démarche qui est devenue deux ans plus tard, une réalité», avec la naissance de l'OUA a rappelé Taïeb Fassi-Fihri. Sombre bilan Dressant le bilan des mutations qu'a connues le continent depuis cette date, le chef de la diplomatie marocaine a indiqué que l'Afrique, forte de sa population de plus de 900 millions d'habitants et d'une croissance annuelle de 5,5%, est devenue aujourd'hui, «le continent le plus courtisé du monde par les puissances occidentales, asiatiques et arabes, qui cherchent à sécuriser leurs approvisionnements en matières premières et à trouver de nouveaux débouchés». Le continent concentre, en effet, 30% des minerais de la planète et dispose des plus importantes terres agricoles encore inexploitées. De quoi donc aiguiser l'appétit de tous les pays et le Maroc entend bien prendre part au partage du gâteau. En dépit de ce potentiel, a reconnu le ministre, force est de constater que «l'Afrique peine encore à trouver le chemin vers un développement durable et soutenu». Pour justifier ses dires, le ministre a avancé quelques chiffres assez évocateurs, qui témoignent du fossé qui sépare le continent des autres pays du monde, pourtant pas mieux nantis. Avec une dette estimée actuellement à 250 milliards de dollars, l'Afrique compte, à elle seule, 33 des 49 pays les moins avancés (PMA) et 32 des 38 pays les plus endettés du monde (PPTE). En plus, le continent enregistre le taux de chômage le plus élevé du monde, principalement en Afrique du Nord, alors que dans le même temps, des dizaines de milliers de cadres compétents le quittent chaque année pour les pays développés. Ces indicateurs, dont la liste n'est pas exhaustive et qui s'accompagnent d'une multitude de conflits et de crises institutionnelles, font que l'Afrique compte aujourd'hui 13 millions de déplacés et 3 millions de réfugiés. Pour ne pas arranger les choses, la région du Sahel est actuellement caractérisée par une recrudescence sans précédent du narco-terrorisme, avec la montée en puissance de l'AQMI et celui de trafics en tous genres, personnes, drogues et cigarettes notamment. Ce sombre tableau est loin d'attirer les investisseurs et, estime le ministre, nous oblige tout naturellement à mener des réflexions sur la nature de la gouvernance qu'il y aurait lieu de mettre en œuvre pour sortir de cette impasse. Le Maroc si proche de l'Afrique C'est conscient de tous ces défis et de la responsabilité qui incombe à tous les Africains que le Maroc a fait le pari de contribuer collectivement au développement de l'Afrique. En effet, a estimé Taïeb Fassi Fihri, «le temps est venu pour qu'on s'arrête de culpabiliser les puissances occidentales et que l'Afrique s'assume», avant d'ajouter qu'«en dépit du sang versé et de toutes les tragédies, notre continent doit participer à la gouvernance mondiale qui ne saurait plus ignorer l'Afrique». Des préalables pourtant sont à baliser afin d'impulser une véritable dynamique au développement de l'Afrique. Il est fortement important, a souligné le ministre, «d'instaurer une bonne gestion des affaires, et une appropriation par les citoyens des politiques publiques, de lutter contre la corruption, de donner aux jeunes la chance d'obtenir des emplois et d'entreprendre à travers une mobilisation du secteur bancaire pour soutenir également le secteur privé». Des conditions, en somme, pour une bonne gouvernance qui ne saurait se réaliser sans prendre en compte les dimensions locale, nationale et régionale propres à chaque pays et à chaque partie du continent. Le chef de la diplomatie marocaine a salué par la même occasion le dynamisme de certaines organisations régionales économiques (CEDEAO, SADC...) et a regretté le fait que l'UMA n'ait pas pu, à ce jour, réaliser les objectifs qui lui ont été assignés. Le ministre a ainsi réitéré son appel aux pays maghrébins et principalement à l'Algérie pour «la normalisation des relations entre nos deux pays et l'ouverture de nos frontières».Un message volontariste et engagé, prenant à témoin l'assistance. Un message, surtout, adressé à l'ambassadeur d'Algérie présent dans la salle. Et c'est justement pour donner un sens à cet engagement en faveur de la coopération Sud-Sud que le Maroc a «placé son continent à la tête de ses priorités internationales et diplomatiques de développement». Cela s'est traduit par une coopération de plus en plus dense, surtout sur le volet économique et portée par une haute volonté politique. Le Maroc se hisse aujourd'hui au rang de deuxième investisseur africain sur le continent, derrière l'Afrique du Sud et le premier en Afrique de l'Ouest. 480 accords de coopération lient à ce jour le Maroc aux pays africains dans divers domaines et 8.000 étudiants, dont 5.600 boursiers, suivent actuellement leur formation au sein des établissements d'enseignement supérieur marocain. La présence du secteur privé et des entreprises publiques a connu ces dernières années «une montée en flèche», selon l'expression choisie par le ministre. Les entreprises marocaines sont en effet présentes dans 25 pays africains pour un investissement qui se chiffre en 2008 à plus de 2 MMDH, soit 52% des IDE marocains à l'étranger. Des relations qui sont appelées à connaître un nouvel élan, dans le cadre du renouveau africain auquel le Maroc entend pleinement participer. Des discussions sont actuellement engagées pour la signature d'accords de libre-échange avec plusieurs pays, principalement avec l'UEMOA. Une lueur d'espoir donc pour tout le continent qu'on dit si riche en potentialités. Dixit La valeur des IDE marocains en Afrique et la présence de plus en plus importante d'étudiants et stagiaires africains au Royaume, témoignent de cette volonté concrète du Maroc de soutenir cette coopération Sud-sud que nous appelons de tous nos vœux. C'est une coopération multiforme, multisectorielle, dynamique et surtout fructueuse. La célébration de cette journée est pour nous, une marque supplémentaire de l'attachement du Maroc aux idéaux de l'Afrique. Eduardo Ndoung Elo Nsang : Ambassadeur de Guinée équatoriale au Maroc et doyen du corps diplomatique africain accrédité à rabat. Les relations entre le royaume du Maroc et les pays africains, comme le Niger, sont avant tout des relations fondées sur l'histoire. Il s'agit de relations entre des peuples qui partagent beaucoup de choses en termes de valeurs et de civilisations. Le Maroc est un partenaire important pour nous sur les plans politique, économique et socioculturel. Ce qui caractérise le Maroc, c'est son niveau de développement par rapport à plusieurs pays africains et qu'il entend partager avec ses pays frères africains. Cela se reflète à travers les différents domaines que couvrent nos relations et dont nous tirons un bénéfice certain, surtout que les perspectives pour les relations économiques sont très prometteuses, dans le cas de notre pays par exemple, en vertu de la volonté politique commune de nos deux pays, qui est très déterminante. Marou Ali : Premier secrétaire de l'ambassade du Niger à rabat. Il est important de relever que derrière des chiffres alarmants et des indicateurs parfois tragiques, il y a une Afrique que je qualifierais de positive, une Afrique en marche. C'est dans ce cadre qu'intervient la BAD, dont les actions visent à soutenir ce développement à travers notamment la promotion de la bonne gouvernance où, depuis 2006, nous avons investit plus de 5 milliards de DH. Les liens entre la bonne gouvernance et la croissance ne sont plus à démontrer. Les statistiques montrent que tout investissement dans la bonne gouvernance procure, à long terme, un rendement de l'ordre de 300%, en terme donc de retour sur investissement. C'est pourquoi, d'ailleurs, les efforts que nous avons menés dans ce cadre ont fait en sorte que, ces trois dernières années, le continent a manifesté une certaine résilience face à des turbulences financières mondiales. Amani Abou Zaid : représentante résidentede la Banque Africaine du Développement (BAD) au Maroc.