Les ECO : Par quel moyen peut-on appréhender la crise ? Sabr Abou Ibrahimi : Lorsqu'on travaille sur les valeurs de l'entreprise, nous sommes au cœur de sa stratégie. Cette dernière a souvent fait l'objet d'études sérieuses par des cabinets de renommée internationale et elle a toujours montré son efficacité ... Sauf qu'en période difficile -voire incertaine- une stratégie, aussi pertinente soit-elle, n'est pas suffisante. Il faut une vision derrière. C'est cette vision qui caractérise un leader. Seul un patron qui a une vision peut conduire une entreprise à réaliser ses objectifs et à se développer. Dans une période aussi où l'on parle beaucoup d'innovation, il faut savoir que cette dernière a besoin d'un leader car celle-ci change l'entreprise. Combien d'entreprises de renom, qui étaient le fleuron dans leur secteur d'activité, ont vu leur part de marché baisser. Pourquoi ? Souvent à cause d'une absence de vision En effet, ces entreprises n'ont pas su se diversifier, innover, anticiper et par conséquent conduire les changements nécessaires dans un contexte économique difficile. Parallèlement, on voit des groupes réussir car il avaient à leur tête un patron visionnaire qui a su anticiper, aller chercher des relais de croissance là où ils se trouvent, même en période de crise. Comment se conçoit le leadership au sein d'une entreprise ? Le leadership est la capacité à exprimer une vision, à convaincre son entourage et son équipe, à l'aider à la concrétiser contrairement aux idées reçues où le leadership est associé au pouvoir ou encore à la hiérarchie. Le leadership oriente et donne du sens aux actions et ne doit en aucun cas être assimilé au manager qui est plus dans le «comment faire mieux et moins cher», «comment optimiser et gérer les personnes pour qu'elles puissent réaliser leur tâche». Le patron leader fera en sorte que son équipe soit davantage impliquée. Il sera lui-même un exemple, il cherchera à comprendre ses propres émotions (intelligence émotionnelle) et celles des autres. Le credo d'un leader serait «j'apporte de l'énergie à l'équipe». Je dirais que le leadership est un mélange de savoir-faire et de créativité. Un leader porte une vision, il est proactif. Il choisit d'agir plutôt que de réagir. Il a compris qu'il est plus convaincant en écoutant l'autre et, chose importante, il réalise qu'il faut construire à plusieurs pour s'inscrire dans la durabilité. Enthousiasmer ses collaborateurs pour atteindre les objectifs, notamment en période de crise, où la pression ne paie pas. Développer leur potentiel est plus porteur. De quelle manière ? Il s'agit de distribuer son leadership. Il est effectivement possible de partager le leadership: certains projets s'y prêtent bien. On parle alors de leadership d'équipe. Qu'entendez-vous par «leadership d'équipe» ? Le patron leader va chercher à mobiliser son équipe en positivant, même en période de crise. Cela ne relève d'aucun outil de gestion, il suffit d'apprendre à traverser et à gérer des situations difficiles -voire inattendues- ensemble. Le leader crée une identité d'équipe, il fédère des personnalités très différentes autour de lui pour œuvrer collectivement dans un même objectif... et faire de «la vision» leur vision. Est-ce que le leadership s'apprend ? Oui, car nous avons tous des aptitudes et des capacités de leadership en nous, mais il faut d'abord comprendre comment il se manifeste. Plusieurs approches existent, mais on peut résumer cela en 3 étapes: le leadership se manifeste à travers l'écoute de soi, l'écoute des autres et enfin la finalité, ce que l'on veut en faire pour soi et pour les autres. Développer son leadership nécessite un travail sur soi, les premiers obstacles sont souvent le «moi intérieur». Apprendre à bien se connaître est déterminant car on ne peut orienter l'entreprise et les membres d'une équipe que si l'on peut s'orienter soi-même. Il est donc important de cristalliser les énergies pour développer l'activité de l'entreprise, notamment en période de crise. Le leadership prend racine en chacun de nous, il faut juste puiser dans les bonnes énergies. Enfin, fait-on la différence entre les leadership féminin et masculin ? Plusieurs études ont pointé du doigt un certain nombre de différences. Le leadership féminin se distingue par sa capacité d'anticipation, il est plus humain. Les femmes sont fédératrices et plus efficaces dans la prise de décision et dans l'exécution. Le leadership masculin est plus tactique, plus politique et puise beaucoup dans la culture du réseautage, les opportunités de networking. Ils osent plus, alors que les femmes se mettent souvent un plafond en verre. Cela est confirmé par une étude récemment réalisée par LMS et les Nations-Unies. Toutefois, il faut reconnaître que les disparités leadership féminin/leadership masculin ont tendance à s'atténuer au sommet de la hiérarchie: il arrive que les femmes surinvestissent la fonction et présentent des similitudes avec leurs homologues masculins. En résumé, nous sommes notre premier ennemi, mais également notre meilleur ami!