«Mediasociete.ma». Retenez bien ce site Internet. Vous l'avez compris, il s'agit du portail dédié au dialogue national «Médias et Société» qui vient tout juste d'être mis en ligne. Le lancement de ce site marque ainsi la fin de la première phase de ce dialogue et annonce l'ouverture d'un débat «citoyen» autour du rôle des médias dans notre société. Lecteurs, auditeurs, téléspectateurs... sont invités à enrichir ce débat lancé depuis le 1er mars dernier. Il faut dire que la perception des consommateurs de l'information est capitale pour dresser un état des lieux et d'aboutir à une sorte de feuille de route consacrée à la profession baptisée le «Livre blanc de la presse». Un document clé qui sera présenté en octobre prochain au Parlement. Diagnostic s'il vous plaît ! En attendant, un premier bilan s'impose. Il aura fallu plus d'une centaine d'heures de dialogue, soit 22 audiences, 14 journées d'études et deux conférences de presse, pour faire le tour des professionnels, et prétendre à la réalisation d'un diagnostic clair et précis qui résume l'état d'«une presse sous perfusion». Du moins à en juger par les propos des différents représentants des médias, de la communication et des annonceurs. Un avis partagé par les parlementaires, qui n'ont d'ailleurs pas manqué d'assister le coordinateur de ce dialogue, Jamal Eddine Naji, lors des dernières audiences publiques tenues jeudi et vendredi derniers à Casablanca. «La presse de qualité est entrain de mourir au dépend d'une presse à scandale», déplore Khalil Hachimi Idrissi, président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ). Une situation jugée inadmissible par les éditeurs présents à cette rencontre. Nécessaire, voire vitale pour la construction d'une véritable démocratie, le développement d'une économie fiable, l'évolution des mentalités et d'une société libre et informée, «la presse est un service public !», clame haut et fort, Jamal Eddine Naji, coordinateur de l'Instance en charge du dialogue national. En ce sens, elle doit être considérée comme telle par les acteurs économiques et sociaux avec lesquels elle est amenée à collaborer. Bien qu'ayant abordé un large éventail de thèmes relatifs au secteur de la presse depuis le début de ce dialogue, les intervenants ont mis l'accent sur la situation de la presse écrite, pendant ces deux jours, tout en survolant celle du secteur audiovisuel, «moins enclin» à la crise. Les premières bribes de la synthèse présentée par Jamal Eddine Naji mettent ainsi en avant la migration des téléspectateurs. Nos chaînes nationales doivent leur survie au bon vouloir des annonceurs, malgré leur statut de télés publiques. Chose qui se répercute bien entendu sur la qualité de la programmation. Une problématique qui se ressent également du côté des radios. Un secteur plutôt ouvert pourtant. Concernant la presse écrite, le constat relevé par l'Instance laisse entendre que plusieurs journaux suffoquent par manque de fonds. À force de «quémander» de la publicité, ils seraient tentés de baisser les bras. Le lectorat de plus en plus réduit n'arrange pas leurs affaires. Fort heureusement, ce n'est pas le cas de l'ensemble des supports. Parlez-vous... pub ? Ce faible taux de lectorat oblige une grande partie des entreprises de presse à dépendre essentiellement des revenus publicitaires. À ce niveau là, et contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'est pas l'audiovisuel ou même Internet qui menace la presse nationale, mais l'affichage urbain. De véritables champignons publicitaires. Selon les chiffres énoncés par le coordinateur du dialogue, ce média exclusivement publicitaire grignote les miettes que l'audiovisuel laisse à la presse écrite. Même les éditeurs et les agences conseil en communication le reconnaissent. Selon eux, l'affichage est un média facile à vendre à un annonceur. Pas besoin d'argumenter comme c'est le cas pour un journal. Avec «tout au plus 600 millions de DH de marge par an, soit en moyenne 1% du PIB», précise Hicham Marhoum, représentant du Centre interprofessionnel d'audimétrie médiatique (CIAUMED) et membre de l'agence Mindshare. Et d'ajouter, «s'il y a un média marocain qui se développe le plus, c'est l'affichage». Face à une telle problématique, les professionnels des médias se sont tous posés la même question. Comment un annonceur peut-il penser que brandir ses marques sur des panneaux urbains est plus pertinent qu'une publicité insérée dans un journal ou un magazine qui touche son cœur de cible ? Silence plat. On regrettera l'absence remarquée du Groupement des annonceurs du Maroc (GAM). «Les cinq membres du bureau sont indisponibles», s'est limité à dire une assistante dépêchée sur place. Quand il n'est pas question des panneaux publicitaires envahissants, les annonceurs sont tout de même pointés du doigt. La raison, le choix de la langue. «On vend plus de publicité sur les journaux francophones qu'arabophones», constate Ahmed Reda Benshemsi, directeur de publication de Telquel et Nichane. Pourtant, selon Mohamed Berrada, directeur de Sapresse distribution, «80% des ventes réalisées concernent la presse arabophone». Des faits contradictoires que même les spécialistes de la communication déplorent. Pour Nourredine Ayouch, président de Shem's, «il est grand temps de mettre en avant la presse arabophone». Concrètement, comment convaincre les annonceurs de l'intérêt de communiquer en arabe, quand même les agences médias n'y arrivent pas ? Question de cible. Qui lit quoi et en quelle langue ? Une étude sur l'audience de la presse nationale s'impose donc. Or «quel est le rôle de l'OJD ?», s'interroge Nourredine Miftah, directeur de publication de l'hebdomadaire Al Ayam. «Un outil de transparence», selon son président Issam Fathia. Une transparence qui semble tout de même avoir ses limites. Développer le marché ou le budget «Là où il y a des problèmes, je vois des opportunités», déclare Bouthayna Iraqui. Pour la députée du RNI, la revalorisation de ce mariage à trois entre entreprise de presse, agence conseil en communication et annonceurs, est une première solution aux problématiques abordées lors du débat national. «La presse arabophone est un marché à développer. Si les annonceurs investissent plus dans ce secteur, les entreprises de presse se porterons mieux, et la qualité de la presse suivra». Pour la parlementaire, l'effet domino de l'investissement presse influera même sur les lecteurs «qui retrouveront confiance en une presse de qualité». Du côté des éditeurs, cette première solution n'en sera véritablement une que si les budgets augmentent aussi bien du côté des annonceurs, que de l'Etat. Demandez le journal... à louer ! «Quel est l'intérêt de faire parvenir un journal partout, s'il n'est pas vendu ?», déplore Mohamed Berrada, président de Sapresse, lors de la rencontre organisée jeudi aux bureaux du distributeur. Un autre constat découle de ces journées d'études organisées par l'Instance du dialogue : le secteur de la distribution s'essouffle de plus en plus. En effet, selon son dirigeant, l'entreprise historique «fonctionne à perte depuis près de trois ans». Aucune aide, sinon pas suffisante pour combler le manque à gagner d'un journal qui traverse la moitié du territoire national pour finalement revenir à l'expéditeur une fois passé le délai. Et le nombre de kilométrages au compteur n'est pas la seule raison de ce déficit. Pour gagner un peu d'argent les kiosquiers sont amené à user d'astuces peu «orthodoxes». La location ! Plutôt que d'acheter un journal ou un magazine, le client le loue moins cher et le remet une fois «consommé». Pratique pour le lecteur, rentable pour le vendeur, puisqu'il peut louer plusieurs fois le même support, mais totalement perdant pour le distributeur et l'entreprise de presse. La question se pose donc, comment lutter contre de telles pratiques ?