Le secteur de la logistique assure actuellement un peu près de 300.000 emplois. Il compte en créer 62.000 nouveaux postes à l'horizon 2015. Bien qu'il soit un grand recruteur, ce secteur souffre d'une véritable pénurie de compétences. Certaines initiatives ont certes été prises pour promouvoir les formations supérieures d'ingénierie et de troisième cycle, mais le déficit reste flagrant au niveau des fonctions de support, tels que les techniciens, les magasiniers... Sachant que les 70 plateformes prévues dans le contrat-programme dont 32 plateformes seront crées d'ici 2015, «auront un réel besoin de personnel pour les fonctions d'exécution des opérations, l'encadrement et le pilotage des flux» explique Philip Pillaud, directeur général d'Optima logistique, Résultat : l'offre est en inadéquation avec la demande. Gros besoins En réalité, la pénurie de personnel qualifié en logistique n'est pas due au hasard. Ce manque est le fruit d'un décalage entre la composante ressource humaine et le développement véloce du secteur. Cette situation est accentuée davantage par l'absence de synergies entre les ministères et les acteurs économiques. En effet, pour la promotion du contrat-programme logistique, l'Etat s'est engagé via l'OFPPT, qui sera désormais le plus grand producteur de ce type de profils, pour le lancement des formations en logistique. Afin de répondre à des besoins urgents exprimés par le secteur de la Logistique, «deux formations qualifiantes en logistique ont démarré en 2010 / 2011 à Casablanca, Agadir et Tanger au profit de 173 stagiaires en logistique d'entreposage et cariste» explique Larbi Bencheikh directeur de l'OFPPT. Et il ajoute qu'«en plus de l'extension de ses trois établissements sectoriels de Casablanca, de Tanger et d'Agadir, en y implantant des filières liées à la logistique, l'OFPPT a mobilisé les moyens nécessaires en vue de renforcer son offre de formation, à travers, la création de cinq nouveaux établissements de formation professionnelle (EFP) à Casablanca, Taourirt, Fès, Tanger-Med et Marrakech, ainsi que la création d'un Centre de Développement des Compétences Transport & Logistique» développe-t-il. À signaler que l'OFPPT a formé entre 2009 et 2011 près de 1.960 stagiaires dans la filière transport et elle compte former «1.000 à 1.200 stagiaires par an et par établissement à partir de du lancement des EFP précités» ajoute Larbi Bencheikh. Du côté des acteurs de la logistique, les préoccupations ne sont pas seulement liées à la quantité de profils en formation ou à former, mais aussi à leur qualité. Faible compétence et guerre de talent Nombreux sont en effet, les professionnels du secteur qui estiment que les formations existantes sur le marché notamment celle de l'OFPPT sont d'un niveau insuffisant sur le plan pratique. «À leur sortie de l'école, ces lauréats sont incapables d'assurer le travail dans des entrepôts», soutient Abdelali Berrada, directeur général de Lyncos. Un deuxième problème qui se pose à ce niveau, est celui de la monopolisation de ces promotions par les établissements publics et des champions nationaux vu qu'ils sont liés par des conventions de recrutement, c'est notamment le cas de la SNTL. Mais l'entreprise s'en défend. «Bien qu'on soit lié à l'OFPPT par une convention de recrutement, nous sommes une entreprise qui a sa notoriété de marque sur le marché, chose qui encourage les meilleurs profils à postuler chez nous», explique Mohamed Benouda directeur développement de la SNTL. Au sein de cette conjoncture, en fait, ce sont surtout les PME qui sont pénalisées. Pour corriger la situation, l'Etat est appelé à rectifier le tir en trouvant des solutions qui vont arranger tous les opérateurs du secteur. Selon Philip Pillaut le meilleur moyen pour que la formation soit adaptée aux besoins des professionnels, c'est l'intégration des minis entrepôts avec des minis rallonges dans les établissements de formation afin que l'étudiant maitrise la pratique. Les acteurs estiment également, que les établissements doivent eux aussi revoir le niveau des formateurs, en leur assurant des formations pratiques pour qu'ils ne soient pas en décalage avec l'évolution du métier. Larbi Bencheikh : Directeur de l'OFPPT Pour le transport et la logistique, il faut savoir que nous travaillons dans un cadre de planification à moyen et long termes, grâce aux liens de partenariat très forts que nous entretenons avec toutes les fédérations et associations professionnelles, notamment la FNTR et la Commission logistique de la CGEM. Pour rappel, les projets dédiés à ce secteur tels qu'envisagés par l'OFPPT sont en phase avec cette stratégie, notamment le schéma directeur pour les plateformes logistiques dans différentes régions du Maroc, qui devra se traduire par la formation et la qualification de 13.000 techniciens et 46.000 opérateurs d'ici 2015. Le dispositif de formation est en cours de montée en puissance. L'OFPPT a signé une convention avec la FNTR, pour donner le coup d'envoi à la mise en place d'un dispositif de formation dans la logistique, dans les sites de formation existants de Casablanca, Tanger et Agadir, pour un budget qui s'élève à 25,6 MDH. Une assistance technique est en cours, pour accompagner la mise en place des formations en logistique, pour une durée globale de 300 jours/experts et de 240 jours/formateurs, sur une période de 36 mois. Philip Pillaud : Directeur général d'Optima logistique Divers obstacles entravent l'évolution de la logistique au Maroc, mais celui qui a la part du lion c'est le capital humain. Il faut dire que le marché éprouve une carence de profils pointus. Nous apercevons cette difficulté au niveau de toutes les catégories professionnelles. À signaler que plus nous descendons vers les postes opérationnels plus on a des difficultés de recrutement. Pour les postes de top management, généralement les recruteurs du secteur procèdent à la chasse des compétences de l'étranger, pour répondre aux besoins du marché. Concernant le moyen management, le problème se pose au niveau de la formation et de la mentalité de ces jeunes lauréats. Primo, ils veulent dès le premier jour accéder à des postes de responsabilité. Secundo, ils ne maîtrisent pas le travail sur le terrain. Pour surmonter cet obstacle, les cabinets de recrutement en logistique essaient d'intégrer les candidats dans un certain nombre de missions de conseil pour qu'ils se familiarisent avec le métier avant qu'ils les proposent aux entreprises. Et après le recrutement ils leur assurent l'accompagnement pendant une durée de trois mois, le temps de comprendre les rouages du métier. En réalité, la grande difficulté réside au niveau du recrutement des personnels opérationnels et techniques. D'une part, le nombre de ces profils reste insuffisant pour accompagner le développement du secteur, de l'autre, ces derniers manquent de connaissances pratiques. Du coup, l'entreprise dépense un grand budget pour le recrutement et pour la formation. Contrat-programme en stand-by Un an après la signature du contrat-programme logistique, rien n'est encore visible ! En réalité, ce projet qui vise le développement de la compétitivité logistique du Maroc est toujours en stand-by. Pour planter le décor, la réussite de ce chantier national est conditionnée par l'avancement de cinq axes principaux : la création d'un réseau national intégré de zones logistiques ; l'intensification des flux de marchandises ; l'incitation à l'émergence d'acteurs logistiques ; la mise en œuvre d'un plan de développement pour la formation aux métiers de la logistique ; la création d'un organisme de régulation et de bonne gouvernance. Actuellement, seul le contrat d'application pour le transport routier de marchandises semble être au point, pour le reste rien n'est prévu. Il faut dire que les autres chantiers sont en attente car ils dépendent étroitement de la création de l'Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL). Le texte de création de cette dernière est aujourd'hui au Parlement. Les professionnels du secteur espèrent que l'AMDL soit adoptée durant l'actuelle législature, mais rien n'est sûr. Les attributions de cette agence montrent que rien ne pourra être fait avant sa création, puisque c'est elle qui sera chargée de l'élaboration des axes «locomotifs» du contrat dont la formation dans le domaine.