En 2002, trois jeunes architectes participent à leur premier concours commun – celui du Musée royal du patrimoine et des civilisations. Leur projet est retenu. En 2004, le ministère de la Culture décide d'abandonner le projet. Les lauréats toujours non primés. En 2002, lorsque trois copains de l'Ecole spéciale d'architecture décident pour l'émulation et le plaisir de la compétition de participer à leur premier concours commun – celui du Musée royal du Patrimoine et des Civilisations -, ils conçoivent «M17» l'un des deux projets avec «M15» retenus pour un complément d'information. Fin 2005, tous les architectes participants attendaient l'annonce officielle du concours. Elle ne viendra pas. Retour sur un rêve. Yassir Khalil et Saïd Berrada avaient déjà démarré leur réflexion conceptuelle lorsque Laurent Moulin les rejoint sur le concours. Ensemble, ils développent l'écriture de cette architecture. Les idées se transforment en concepts puis en espaces. La démarche est amicale, les discussions intenses. Ils avancent sans trop y croire. «C'était notre premier concours, nous avons fait comme à l'école. Nous n'avons rien délégué, réalisé les rendus et les dessins». Dans un premier temps, ils abordent le projet dans sa composition urbaine plus qu'architecturale. Alors que le programme prévoyait une implantation dans l'orangeraie (entre la muraille Almohade et la résidence), eux la préfèrent latérale en suivant l'axe nord/sud – pressenti par J.C.N. Forestier et mis en œuvre par H. Prost – celui de la perspective vers la ville. Ils souhaitent éviter la confrontation du musée avec l'ancienne résidence générale, un bâtiment du début du siècle à l'architecture coloniale très référencée. Sans créer de rupture, les architectes isolent le nouveau bâtiment en concevant un mur en albâtre. matériau légèrement translucide choisi pour inspirer des jeux d'ombre créés par la présence de visiteurs ou d'objets de part ou d'autre du voile. Sur ce mur une imposante porte artisanale de 17 mètres de hauteur assure ouverture et fermeture du musée. Neutre côté résidence, le mur se déploie sur son autre face comme des éléments d'une ville blanche. Formellement, les architectes reprennent des caractéristiques géométriques de l'architecture arabo-musulmane. Carrés et rectangles se développent en plans et volumes pour former un bâtiment tout en longueur aux horizontales épurées brièvement interrompues de plans en biais. Au centre du projet, une lame inclinée permet la réflexion de lumière indirecte du nord jusqu'au cœur du musée. Elle barre un patio intérieur situé à la croisée des trames verticales et horizontales. La première assure la circulation de la lumière et des personnes. Elle alimente les salles en éclairage naturel zénithal ou se transforme en passerelle pour accéder à une bibliothèque en belvédère. La seconde reçoit les espaces du musée. De nord en sud des paliers progressifs s'imbriquent de jardin en entrée, d'esplanade en parkings, de point-rencontre en espaces muséographiques, de parties administratives en locaux techniques, ils utilisent au mieux l'important dénivelé naturel du terrain. A l'avant du projet, l'horizontalité est volontairement sectionnée par le volume ovale de l'auditorium et par un axe reliant cet équipement à la résidence. Dans cette même zone de transition sont regroupés les autres espaces en accès autonome – ateliers pour enfants, restaurant, boutiques, billetterie. Les trois jeunes architectes qui voulaient savoir comment se déroulait un concours au Maroc reconnaissent avoir beaucoup appris sur la maîtrise d'un projet de cette envergure. Alors que la première phase du concours s'était déroulée de manière très professionnelle, ils ne comprennent pas le silence consécutif à la remise des réponses complémentaires demandées par le maître d'ouvrage. S'engager dans un concours est une décision lourde en conséquences financières et organisationnelle d'une agence. Le travail nécessaire et les rendus exigés se chiffrent en centaines de milliers de dirhams. «Pour de jeunes cabinets c'est une charge énorme. Le problème dépasse l'aspect financier et il est déontologique. Il n'y a pas d'éthique, on nous méprise lorsque l'on ne donne pas de nouvelles. Tout le métier d'architecte est remis en cause. Ce que l'on demande, c'est une explication, nous pouvons comprendre tous les problèmes mais que l'on respecte ce que nous sommes et ce que nous avons fait. Nous ne pouvons ni mentionner, ni publier le projet parce que les résultats ne sont pas proclamés. On ne peut pas être lésés à tous les niveaux, participer au concours, dépenser de l'argent et ne pouvoir le faire-valoir». La polémique est derrière nous La Vie éco : Où en est le projet du Musée royal du patrimoine et des civilisations (MRPC), quand les résultats du concours seront-ils officiellement annoncés ? Mohamed Achâari : Nous avons dépassé de loin cet épisode. Le concours qui a eu lieu portait sur l'idée précise de reconversion d'un lieu historique en un grand musée du patrimoine. Les deux projets ayant retenu l'attention du jury n'étaient pas tout à fait aboutis. Le jury avait trouvé le travail intéressant mais nécessitant plus de précisions. Nous avons demandé des suppléments d'information que nous avons reçus. Pendant cette période, nous avons continué à réfléchir au projet. Il s'est avéré que l'idée de départ n'était peut être pas la mieux appropriée pour traiter de notre mémoire. Nous avons constaté, par exemple, que réunir dans un même lieu le patrimoine archéologique et le patrimoine ethnologique n'était pas une bonne idée. Nous avons alors opté pour une distinction entre les deux. Le domaine de la recherche archéologique pourrait à lui seul faire l'objet d'un musée. Nous avons opté pour un grand musée national d'archéologie et pour la réalisation par la suite d'un grand musée ethnographique. Nous avons repris le parcours à nouveau et organisé un autre concours pour le musée national d'archéologie. Le jury a attribué le concours à deux jeunes architectes marocains, qui sont en train de travailler sur le projet. Les marchés vont être lancés incessamment et les travaux au mois de février sur un lieu historique, l'ancien siège du ministère de la Communication à Rabat. Les architectes qui ont concouru souhaitent que l'on donne des informations… C'est fait. Les lauréats primés vont recevoir les primes. Le malentendu vient du fait que certains architectes considèrent qu'une fois le concours fait, il faut que le projet aboutisse. Le maître d'ouvrage est libre de retenir ou non son projet. Mais je crois que tout le monde a compris que c'était une grande décision qui n'était pas facile à prendre. Le maître d'ouvrage devait réfléchir à la faisabilité de tout le processus. Le concours nous a aidés. Aujourd'hui, nous avons une idée claire de ce que l'on peut déposer, en terme d'archéologie par exemple, dans un grand musée national, de ce que l'on peut laisser sur les sites archéologiques pour réaliser des musées de site et de ce qui peut revenir aux régions pour avoir des musées régionaux. Ce malentendu n'est-il pas venu perturber la compétition ? Suite à une pétition, soutenue par l'Ordre national des architectes, peu d'architectes ont répondu à l'appel à concours. Le malentendu n'en était pas un. Nous avons respecté les règles aussi bien légales qu'éthiques dans ce dossier. Nous avons lancé un concours, nous n'avons pas changé de destinataire suite à ce concours. Nous avons ajourné la réalisation du projet. Nous n'avons pas annulé les promesses liées à la participation au concours car les primes seront données. Je crois qu'une approche juste serait de considérer que nous sommes l'un des rares départements qui a confié les grands projets suite à des concours avec des jurys internationaux. Nous nous focalisons sur le musée d'archéologie qui doit ouvrir en 2007. Cette polémique est dernière nous Mohamed Achâari Ministre de la Culture Chronologie d'un projet avorté Février 2002, remise – à la demande du ministère de la Culture – d'un programme architectural, fonctionnel et technique de consultation, rédigé par O'Byrne associés/CAFE, sous la direction de la cellule des grands projets, avec la collaboration des Directeurs de l'architecture et de l'urbanisme et d'une commission scientifique composée de 8 membres. Jury international composé de 9 membres. Mi-mars 2002, ouverture de l'inscription au concours. 9 juillet 2002, date limite de remise des projets. 25 au 27 juillet 2002, procès verbal du jury recommandant au maître d'ouvrage de procéder à des approfondissements pour deux projets. 29 juillet 2002, annulation de l'annonce des résultats. Août 2002, courrier informant que le jury du concours ne se prononcera que le 2 septembre. Les dossiers M15 et M17 sont sollicités pour complément d'informations. 2004, lancement du concours pour le musée national d'archéologie. Septembre 2004, pétition adressée à l'Ordre national des architectes, signée par 30 architectes pour informer de leur refus de participer au concours. Octobre 2004, communiqué de l'Ordre national adressé à tous les architectes, demandant de ne pas participer au concours du Musée national d'archéologie.