A la jonction de la rue de Lille et du Bd.Mohammed V, l'architecte bâtisseur Rachid Khayatey a mis en œuvre ses recherches de programmes innovants. Lebâtiment est d'une lecture aisée. Deux façades latérales similaires se rejoignent pour en former une troisième, à l'angle de la parcelle. Celle du boulevard Mohammed V repose sur des piliers de la hauteur du rez-de-chaussée. La colonnade abrite un passage couvert pour piétons et des surfaces commerciales avec mezzanine. Quatre séquences distinctes composent les façades. Deux à dominante horizontale : un premier plan composé par le mur extérieur lisse est régulièrement tramé de fenêtres identiques, puis aux extrémités de l'édifice un bref retrait de la façade forme un deuxième plan, animé de balcons, qui assure l'alignement avec les immeubles mitoyens. Pour estomper cette horizontalité, l'architecte a repris des modules, à dominante verticale, de l'architecture casablancaise que l'on peut encore voir dans ce quartier. Deux alvéoles dans les façades latérales forment des balcons aux allèges et profils légèrement en redans. A proximité de l'angle, une trame se soulève progressivement pour modeler, en encorbellement, loggias, balcons et bow-windows en composition variée et dynamique. Ces gestes circulaires donnent du corps et étirent l'angle. Rue de Lille, l'encorbellement est plus accentué. Le septième étage est d'un dessin différent. Sur l'angle, des balcons inspirés de ceux d'un immeuble proche forment, avec de fines colonnes, une galerie protégée par un brise-soleil et des avancées débordantes percées d'un large cercle. Ces éléments aériens assurent la transition avec la toiture-terrasse accessible, où des pergolas attendent la végétation qui composera un jardin suspendu. Cet immeuble est construit en structure poteaux/poutres selon les nouvelles normes de la réglementation parasismiques. L'entrée principale et celle du parking sont situées sur la rue de Lille, plus calme. Qualité des finitions et utilisation de matériaux nobles, marbre ou chêne massif de Bourgogne caractérisent les espaces communs. Chaque niveau a fait l'objet d'un traitement différent pour personnaliser l'environnement autour de l'entrée des 56 appartements d'une surface moyenne de 52 m2. La réception donne sur un séjour parfois équipé d'une cheminée ; une cuisine américaine hautement pourvue en électroménager s'ouvre sur une salle à manger. Les chambres sont équipées de rangements incorporés à l'aménagement. Chaque appartement est doté de technologies récentes comme internet haut débit, parabole collective, domotique, climatisation et chauffage ou système d'alarme relié à un concierge présent 24h/24. Une démarche répondant à des changements dans le mode d'habiter Dans une démarche classique de commande, c'est le maître d'ouvrage qui sollicite un architecte avec un programme prédéfini. Le projet est l'accomplissement de la compétence et de la sensibilité du maître d'œuvre en respect du programme et de la réglementation. Dans cette réalisation, l'approche est différente. L'architecte, associé financièrement au promoteur, a eu son mot à dire bien avant concept et croquis. Il a élaboré un programme issu d'une double réflexion. La première porte sur les changements dans le mode d'habiter. Les appartements répondent à une appréciation nouvelle de la résidence principale. Ils sont adaptés à une population dans une phase transitoire de son parcours, qui ne souhaite pas entretenir de villa ou employer du personnel de maison, et qui recherche des espaces sécurisés. La deuxième est le résultat d'une analyse sur les mutations de la ville. Constatant le désintérêt du centre pour les périphéries, il a souhaité réintroduire des logements de haut standing en plein cœur de la capitale économique. Comme un clin d'œil à son projet, dans l'angle opposé du boulevard Mohammed V, un immeuble de dix étages construit en 1935 par l'architecte Marcel Desmet (*) anticipait déjà sur son temps et bénéficiait de dispositifs novateurs qui feront école ultérieurement. Rachid Khayatey aime rechercher de nouvelles niches de programmation dans l'aménagement, le logement social, les villas et résidences de haut standing, les loisirs et le balnéaire… et développera prochainement un équipement à l'intention des MRE. Son expérience d'architecte pour des lotisseurs, puis d'aménageur l'a amené à concilier l'envergure de bâtisseur à son métier premier. «La dimension des projets n'a pas d'importance, petits ou grands, c'est la même chose. Le plus déterminant est l'originalité de l'approche. Actuellement je ne travaille que sur des projets dans lesquels j'interviens et j'innove dans le programme.»