Cet impôt, pourtant lié au dynamisme économique, progresse moins vite que les impôts directs comme l'IS et l'IGR Selon les Impôts, la baisse des taux d'imposition,couplée à la réduction des exonérations, permettra d'élargir l'assiette. Erosion progressive des recettes douanières, tendance générale vers une baisse des taux d'imposition, les ressources de l'Etat sont appelées à se réduire… Quelles alternatives alors pour mobiliser les moyens nécessaires au financement des dépenses publiques ? C'est la question qui interpelle désormais les pouvoirs publics et qui s'inscrit par ailleurs au cœur de la réforme fiscale projetée. Normalement, disent les experts, c'est la TVA, impôt neutre par excellence, qui devrait compenser les pertes découlant des accords signés par le Maroc avec ses partenaires étrangers. Or, il se trouve que, depuis 1999, ce sont les impôts directs, en particulier l'IGR et l'IS, qui progressent le plus. En 2004, par exemple, les impôts directs, selon les estimations du ministère des Finances, s'établiraient à 36 milliards de dirhams, tandis que les impôts indirects rapporteraient quelque 34 milliards de dirhams, dont environ 25 milliards de TVA (intérieure et à l'import). Par ailleurs, en observant la répartition par nature des impôts gérés par la direction générale des Impôts (DGI), on constate que 70 % des recettes proviennent des impôts directs, 18 % de la TVA et 12 % des droits d'enregistrement. En tout état de cause, le fait que la fiscalité au Maroc soit concentrée principalement sur l'IS, prélevé sur un nombre réduit d'entreprises (88 375 assujettis) et sur l'IGR (2,66 millions de contribuables), dont l'essentiel repose sur les salariés, n'est pas de nature à assurer une plus grande expansion des recettes fiscales. Sans compter que cela renforce le sentiment que ce sont toujours les mêmes qui paient. Le gisement le plus important est donc, une fois de plus, à rechercher dans une plus grande efficacité de la TVA. La multiplicité des taux rend la TVA peu efficace Mais pourquoi cet impôt, assis sur la consommation et reflétant, de ce fait, le niveau de l'activité économique, est aujourd'hui jugé peu efficace ? Les spécialistes avancent deux explications. La première a trait à l'étendue des exonérations accordées. Une récente étude du Fonds monétaire international (FMI), indique Ahmed Laaboudi, directeur du Centre marocain de conjoncture (CMC), évalue à environ 49 % la part de la consommation finale des ménages qui est exonérée de la TVA ; soit «une perte d'assiette de l'ordre de 130 milliards de dirhams». En appliquant le taux normal de 20 % (le plus utilisé) sur cette assiette, on aurait un manque à gagner en recette pour le Trésor de quelque 26 milliards de dirhams. Abordant cette question lors d'une de ses sorties à Casablanca, il y a quelques mois, Nouredine Bensouda, directeur général des Impôts, s'interroge ainsi : «Comment obtenir un degré acceptable d'harmonie et de cohérence entre les objectifs divergents que sont la mobilisation des recettes nécessaires au financement des biens collectifs et la persistance de certaines exonérations ?». Et de répondre : «L'expérience a montré qu'il est possible de baisser les taux d'imposition à condition, bien entendu, de réduire principalement les exonérations». Les recettes potentielles disparaissent dans l'économie informelle et les transactions au noir La deuxième explication à la faible efficacité de la TVA concerne cette fois la multiplicité des taux qui la caractérise (20 %, 14 %, 10 % et 7 %). A partir d'indicateurs d'efficacité (les recettes rapportées à la consommation), le CMC établit un parallèle avec un certain nombre de pays d'où il ressort qu'au Liban, par exemple, la TVA à taux unique de 10 % (mise en place depuis 2002) est plus efficace qu'au Maroc. Au total, résume le CMC, la TVA, dans sa version actuelle, est peu efficace en raison à la fois de la multiplicité des taux, des seuils d'imposition et des nombreuses exonérations. Normal dans ces conditions que l'assiette en soit réduite et les recettes d'autant. Vu sous cet angle, l'élargissement de l'assiette deviendrait possible si, d'une part, on réduisait les taux et, conséquemment, les seuils d'imposition (c'est l'objectif de la réforme envisagée) et, d'autre part, on supprimait les ou certaines exonérations. Le raisonnement qui sous-tend cette orientation est qu'avec une telle réforme, une grande partie au moins du secteur informel intégrerait le circuit organisé. Selon l'enquête de la direction de la Statistique sur le secteur informel (non compris le secteur agricole), réalisée entre 1999 et 2000, ce dernier brasse un chiffre d'affaires de 166 milliards de dirhams pour 1,2 million d'unités informelles. 18,2 % des ménages marocains en vivent, soit 20,5 % de la population. C'est énorme ! Mais ce phénomène n'est pas le seul : tout le monde sait en effet que, en dépit de la législation, de nombreuses transactions se réalisent sans facture. Faire de la TVA un impôt pivot exige donc une action multiforme… Plus facile à dire qu'à faire ! L'élargissement de l'assiette deviendrait possible si, d'une part, on réduisait les taux et, conséquemment, les seuils d'imposition (c'est l'objectif de la réforme envisagée) et, d'autre part, on supprimait les ou certaines exonérations.