* Une absence de réflexion globale du système fiscal en dehors des contingences des Lois de Finances. * La recette fiscale est en augmentation d'un exercice à un autre d'un taux sans commune mesure avec l'augmentation du PIB. Ces dernières années, la Loi de Finances se conçoit dans la douleur. Son élaboration s'avère de plus en plus difficile à cause d'une politique gouvernementale volontariste voulant effacer d'une main les déficits économiques et sociaux enregistrés pendant de longues années. Pis encore, et face à un amenuisement des recettes liées à la privatisation, les pouvoirs ont procédé à une hausse des recettes fiscales. La réforme fiscale s'impose désormais comme une nécessité. Cette réforme est censée faire de notre instrument fiscal un véritable instrument de politique économique. La mise en place d'une fiscalité adaptée devra viser une relance de l'investissement, de l'épargne et de l'exportation et même constituer un levier pour la mise à niveau économique. La CGEM, qui vise à soumettre une étude sur le système fiscal aux pouvoirs publics, émet quelques recommandations à même de constituer le jalons d'une réforme fiscale, qui profitera à toutes les parties ( contribuables et Administration). Cette étude propose d'analyser le système fiscal marocain à travers ses différentes composantes tout en le comparant à des pays concurrents du Maroc. A noter que des avancées indéniables au profit de l'entreprise ont été introduites dans notre système fiscal lors de l'adoption des Lois de Finances successives et ce, à travers une meilleure organisation de l'administration fiscale et un esprit de partenariat entre cette administration et le contribuable. Cependant, elles étaient caractérisées par un ensemble d'insuffisances et d'incohérences de plusieurs natures dont : une absence de réflexion globale du système fiscal en dehors des contingences des Lois de Finances et dans l'intervalle séparant leur adoption des réponses fiscales arrachées en dernière minute à des situations incohérentes ; et des remèdes qui ajoutent à leur complexité. Selon le patronat, un recul remarqué des acquis fiscaux de l'entreprise ces dernières années met en exergue une moindre réactivité des autorités fiscales aux différentes propositions des secteurs et des opérateurs économiques en général. Une longue hésitation face à la persistance des revendications de secteurs entiers : le régime fiscal de l'enseignement privé ou du secteur médical constituent des exemples éloquents de cette hésitation à trancher. Un travail législatif marqué par l'adoption de textes manquant de clarté et laissant une très grande place à l'interprétation de l'Administration, ce qui fait de la Loi de Finances une étape intermédiaire vers le véritable instrument de décision qu'est devenue la circulaire administrative. Recette fiscale : une augmentation permanente La recette fiscale est en augmentation d'un exercice à un autre d'un taux sans commune mesure avec l'augmentation du PIB. La recette fiscale réelle dépasse largement, et pour des taux très respectables, celle prévue par le budget. La comparaison de toutes les réalisations avec les prévisions n'a jamais fait démentir cette réalité. L'élargissement de lassiette fiscale est un vu pieu et la ponction fiscale est faite sur un très petit nombre d'entreprises pour des raisons évidentes de facilité. La réforme fiscale ne peut être envisagée impôt par impôt, ni même sur le plan des recettes, sans l'insérer dans une vision globale des finances publiques. Ce qui devra normalement mettre en question la politique de la dépense publique, celle de la dette, de la politique de compensation... Le patronat se pose aussi la question des exonérations au niveau des impôts directs qui peuvent être sacrifiées suivant la réalité de leur rendement. Les mesures spécifiques restées très timides. L'hésitation du gouvernement durant les dernières années à singulariser le régime fiscal des PME a été permanente. A ce niveau, la question consiste à savoir s'il est possible de continuer à uniformiser le traitement fiscal de l'entreprise indépendamment de sa taille et du secteur dans lequel elle opère pour mettre l'ensemble du tissu économique dans le régime du droit commun, ou bien de réserver un traitement spécifique à l'entreprise non seulement en raison de son secteur mais de sa taille. Dans la complexité des régimes fiscaux, la TPE n'a pas trouvé à ce jour sa place. La TPE, qui est la première étape de la formalisation du secteur informel oblige à s'interroger sur la persistance, voire l'élargissement du secteur informel, ses causes réelles et ses effets. Toutes les tentatives de confinement de l'informel, dans des limites supportables pour une économie moderne ont échoué à ce jour pour des raisons évidentes d'absence de programme cohérent d'intégration dans le secteur moderne et dont la fiscalité est l'un des éléments phares. La fiscalité des zones franches doit être complètement revue pour la mettre au niveau des standards internationaux. Dans l'attente d'une réflexion globale et comme étape intermédiaire, la réforme devra se situer à 2 niveaux : dans un premier temps, il faut procéder à la défiscalisation partielle de l'IS pour les bénéfices capitalisés et non distribués inférieurs à 2 MDH, en appliquant 50% d'abattement ; le second consiste en une réduction du taux de l'IS de 39% à 30% pour se mettre à niveau des pays concurrents ayant décidé de réduire le taux de l'IS ( la Turquie a ramené le taux de l'IS de 30% à 20%). L'IGR demeure un impôt compliqué et sa pression s'exerce essentiellement sur les salaires. Il existe peut-être une marge sur les revenus professionnels, les revenus mobiliers ou les revenus locatifs, mais ces niches ne peuvent pas bouleverser les recettes de l'Etat. La restructuration du barème de l'IGR ainsi que la baisse du taux marginal constituent une revendication permanente qui ne peut souffrir de plus de retard. C'est sûr que l'IGR sur les salaires constitue un impôt prélevé sur les salaires, il constitue dans sa pratique et sur plusieurs aspects un impôt qui concerne l'entreprise. L'objectif de ce réaménagement est de permettre un meilleur encadrement des entreprises et surtout pour les PME-PMI. Le Maroc devra ainsi s'approcher des performances de certains pays concurrents en matière d'impôt sur le revenu. A titre d'exemple, la Tunisie applique un taux de 35% pour les revenus supérieurs à 350.000 DH. Aujourd'hui, les autorités fiscales affichent leur détermination à revoir la politique d'exonération fiscale, dans le sens de la suppression, mais force est de constater que cette détermination n'est pas accompagnée par une réduction de la pression fiscale à un moment où le fait fiscal devient un élément de compétition utilisé par les différentes nations pour l'attrait des investissements. A ce titre, la Turquie a décidé de ramener le taux de l'IS à 20% contre 30% actuellement. D'un autre côté, le taux maximum de l'impôt sur le revenu sera abaissé à 30% contre 40% actuellement. Ces mesures ont été adoptées dans l'espoir d'attirer les investissements étrangers dans un contexte de rivalité entre pays émergents. La réforme fiscale de deuxième génération, indépendamment des options stratégiques qui s'imposent au niveau des finances publiques, doit principalement être axée sur la TVA, tirelire de tous les budgets. En effet, le rapport TVA/PIB ne dépasse pas 4% alors que dans les pays similaires, il se situe au-delà de 6%. Donc la TVA est la clé de la modernisation du système fiscal marocain. Les deux maux majeurs dont souffre la TVA sont, d'une part la multiplicité des exonérations, ce qui casse la chaîne des déductions en affectant sa neutralité par rapport à l'entreprise, et d'autre part la multiplicité des taux, qui tente de faire de la TVA un impôt de redistribution au même titre que les impôts directs alors que sa principale mission est la collecte de la recette. Une chose est sûre : cette réforme acquiert plus d'importance sachant que la baisse des droits de douane liée au démantèlement tarifaire se fera sentir sur les recettes fiscales à partir de 2008. Soubha Es-siari