L'outil industriel est sous-utilisé à 50 % pour les pâtes et 30 % pour le couscous. Le coût de la semoule est prohibitif. Six unités industrielles ont fermé leurs portes au cours des dernières années. Le secteur des pâtes et couscous connaît, ces dernières années, quelques remous, comme en témoigne une cascade de liquidations, d'arrêts ou de ralentissement de la production de nombre d'entreprises opérant dans le secteur. Soreco, Couscous Salama, Laghzala, Copates, Koutoubia, S.M.M.O, Boughaz Détroit… au moins sept unités industrielles ont fermé leurs portes au cours des dernières années. Concentration géographique ? Il semble que non, les entreprises en arrêt d'activité ne sont pas confinées dans une seule ville mais concernent aussi bien la région casablancaise que Meknès, Tanger, Berrechid ou encore Marrakech. Quel est le problème ? Les produits en vrac représentent 80% de la consommation La réponse vient d'opérateurs et élus associatifs de la profession. Mohamed Khalil, de la société Dari Couspâtes, est serein : «Le secteur n'est pas sinistré et les faillites constatées sont dues essentiellement à un manque d'anticipation et au retard de modernisation du process de production de ceux qui en ont fait les frais. Certaines entreprises n'avaient qu'une ligne de production, ce qui rendait leur rentabilité aléatoire. Cela dit, le secteur souffre de problèmes importants dont le premier est le coût de la semoule (smida), qui entre pour 75% dans le prix de revient total des pâtes». Quand on décompose le prix de revient des pâtes, la semoule, matière première de base du produit fini, est achetée auprès des minotiers à 4,50 DH le kilo. Viennent ensuite l'emballage (à partir de produits importés comme la cellophane ou le papier), qui coûte 1,20 DH par kilo ; le transport, à raison de 0,30 DH (coût du kilo transporté entre Rabat ou Kénitra et Agadir ou l'Oriental). A cela, il faut ajouter l'énergie (électricité et fuel), ou encore l'eau. Pour donner un ordre de grandeur, la semoule coûte 2,50 DH en Tunisie et 2,80 DH en Algérie. Ainsi, des produits emballés algériens affichent des prix moins élevés que les pâtes en vrac marocaines. Or, le vrac constitue 80 % de la consommation nationale et, fait nouveau, les pâtes algériennes qui proviennent de la contrebande font partie de l'achalandage des épiceries de l'Oriental en toute impunité, tout comme au Nord du pays, où les produits marocains se trouvent confrontés à une concurrence déloyale. Au problème du coût de la semoule (obtenue à partir de blé dur, taxé au Maroc pour protéger l'agriculteur), il faut ajouter le faible niveau national de consommation de pâtes, qui est de l'ordre de 2 à 2,5 kg par an et par habitant. A titre de comparaison, les Tunisiens en consomment 17 kg et même la Mauritanie nous devance, puisque la moyenne de consommation annuelle per capita est de l'ordre de 10 kg. Aujourd'hui, explique Ali Mechiche Alami, patron de Somarroz, pour une capacité installée de plus de 110 000 tonnes, l'outil industriel est sous-utilisé à près de 50 % pour les pâtes et à 30 % pour le couscous. Or, l'investissement pour assurer deux lignes de production est de l'ordre de 40 millions de DH. Cela comprend l'unité de production elle-même et la chaudière, le transformateur, l'équipement de conditionnement…Et quand on fabrique également du couscous, il faut prévoir des éléments inexistants dans la ligne de production des pâtes, comme le rouleur, le cuiseur et le tamiseur. Pour le couscous, justement, les données sont les suivantes : le marché national consomme 250 000 tonnes (sur la base d'1 kg par semaine et par famille de 6 personnes), alors que les ventes totales des entreprises nationales atteignent 80 000 tonnes. L'important écart est comblé par le couscous fait maison dans le milieu paysan et dans nombre de villages encore. Et pourtant, le produit marocain est aux normes internationales, puisqu'on en exporte entre 3 000 et 4 000 tonnes, notamment vers l'Europe. Le couscous fait maison constitue encore une grosse part de la consommation Si, pour le couscous, le défi pour les industriels consiste à recruter la clientèle qui continue à le fabriquer chez elle, il en va autrement pour les pâtes. En effet, les opérateurs estiment que le marché actuel de 60 000 tonnes peut être triplé en quelques années. Or, les marges actuelles, la concurrence déloyale, la taxation du blé ne permettent pas aux entreprises installées de dégager suffisamment de moyens dans la création de nouveaux produits, la mise au point de politiques commerciales et marketing pour augmenter la consommation et mieux communiquer. Et ce dernier point n'est pas un détail, selon les opérateurs. En effet, cette industrie, récente (elle date des années 90), traîne encore l'image d'un secteur qui fabrique des produits médiocres. D'ailleurs, les faillites constatées ces dernières années sont consécutives au fait que les opérateurs disparus ou en difficulté ont continué à travailler avec des outils industriels dépassés – vieilles lignes de production artisanales – et avec de la semoule à base de blé tendre. Dans ce secteur, qui emploie directement plus d'un millier de personnes, les industriels se battent sur le marché du vrac qui constitue la majorité de la demande. Et, forcément, ils en sont réduits à écraser leurs marges. Pour eux, les perspectives sont plutôt sombres car, disent-ils, ils sont empêchés à la fois d'être compétitifs et d'assurer leur développement. Et, comme le dit l'un des professionnels, quand une entreprise n'a pas les moyens de garantir sa croissance, le mieux est qu'elle prépare ses funérailles