Les militants de l'opération «Bahri dima clean» se sont mobilisés cette année pour rendre nos plages un peu plus propres. Parmi les nouveautés de l'opération, Laurent Libre et sa méthode Zero Energy avec des campagnes de sensibilisation dans les écoles du Maroc. Dimanche 7 juin. Des centaines de jeunes et de moins jeunes se sont donné rendez-vous à la porte 13 d'Aïn Diab. Objectif : procéder au nettoyage de la plage et installer des poubelles fixes. L'ambiance est festive, la musique un peu bruyante, mais l'essentiel est atteint : faire prendre conscience aux citoyens de l'importance de l'environnement, et en cette période estivale, de la propreté de leurs plages. Il s'agissait là de la clôture de l'opération «Bahri dima clean», qui a vu les volontaires de l'association ainsi que la population locale ramasser les ordures des plages d'El Jadida, des Oudayas de Rabat, de la plage de Safi et la plage des Sablettes à Mohammédia. Des personnalités de tous bords ont participé à l'opération d'Aïn Diab, à l'image de Dwight L. Bush, l'ambassadeur des Etats-Unis au Maroc ou Ayshanie Medagangoda-Labé, représentante des Nations Unies au Maroc. «Plus de 3600 personnes ont répondu à l'appel du nettoyage des plages. Résultat : six tonnes de déchets ont été ramassées et sept camions de la Sita mobilisés pour récupérer les sacs de déchets», apprend-on de l'Association Bahri, organisatrice de cet événement qui en est à sa dixième édition, placée cette année sous le thème : «Recyclage et traitement des déchets». Saad Abid qui est à la tête de l'Association Bahri explique les raisons qui l'ont poussé à choisir l'océan comme théâtre de son militantisme écologique: «Etant surfeur depuis l'âge de 7 ans et ayant toujours vécu en contact permanent avec la mer, le choix s'est facilement fait. Je savais que le terme ''protection de l'environnement'' était quelque chose de très vaste. Notre vision était de se concentrer sur la mer. Et avec plus de 3000 km de côtes, il y avait énormément de boulot». Et d'ajouter : «Déjà tout petit, j'ai toujours détesté le fait de trouver des bouts de verre dans le sable car beaucoup de mes amis se sont blessés gratuitement. Plus je grandissais, plus je comprenais que le problème venait des mentalités». Une question de mentalités Nettoyage des plages en musique, ateliers ludiques et pédagogiques autour de la sensibilisation et au recyclage, activités sportives et concert pour l'environnement : le programme a été conçu pour que l'on prenne conscience de l'importance de la protection du littoral et de l'environnement en général. Les enfants n'ont pas été du reste. «Lors de nos opérations de nettoyage et de sensibilisation ''Bahri dima clean'', nous avons mis en place un jeu qui consiste à remplir un sac en plastique de déchets et les binômes qui le font le plus vite gagnent un ticket qui leur permet de participer à une tombola. Après quoi nous les faisons participer à une vingtaine d'ateliers afin qu'ils puissent comprendre les notions de protection de l'environnement, tri des déchets, recyclage, récupération, compost, déchets organiques tout en s'amusant», ajoute Saad Abid. A Aïn Diab, un des stands attirait l'attention des passants. Il s'agissait du stand de la structure 3000 Ecomen, initiatrice de la technique «Zero Energy». Son coordinateur international, Laurent Libre, était là, entouré de pneus ainsi que de jeunes curieux cherchant à en savoir plus sur sa méthode. «Cette année, nous avons voulu rajouter une activité inédite dans le cadre de la 10e édition de la tournée Bahri dima clean et nous avons donc décidé de faire appel à Laurent Libre, fondateur de l'association 3000Ecomen. Il a mis en place une technique unique qui a donné ses fruits au Sénégal et qui consiste à construire des installations d'utilité publique pérennes à base de déchets qui en même temps permettent aux enfants d'être sensibilisés. Je voulais que le Maroc soit le deuxième pays à accueillir cette technique et on l'a donc invité afin qu'on puisse la mettre en place chez nous», explique M. Abid. «Zero Energy est une méthode que j'ai découverte un peu par instinct lors de mon séjour au Sénégal. J'ai vu tous ces déchets et je me suis dit qu'il fallait construire avec ces déchets-là. Pour moi, cela a été une véritable aventure moderne», lance d'emblée Laurent Libre. En fait, la méthode Zero Energy est très simple. Elle consiste à prendre des pneus, à mettre des déchets dedans, sauf bien sûr les déchets organiques et à construire des choses utiles pour la communauté: bureaux, bancs, tables, bibliothèques, canapés, équipements scolaires et même des bâtiments. «Je suis parti du principe que tout défaut doit devenir une qualité. Les bouteilles en plastique, en aluminium, ce sont d'excellents matériaux avant qu'ils ne deviennent des déchets», ajoute M. Libre. Pratiquement, la méthode est la suivante: on réalise des lasagnes de déchets que l'on met à l'intérieur d'un pneu, on fait passer une couche de ciment et le tour est joué. Avec un jeu de superposition, il est possible de construire tous types d'objets, avec une durée de vie importante. «Nous nettoyons les alentours pour en faire des choses utiles, des fauteuils, des banquettes, des bâtiments avec des lanternes, des objets de décoration. C'est du véritable recyclage que nous réalisons au profit des populations», ajoute M. Libre. Au Maroc, Laurent Libre travaille en étroite collaboration avec l'Association Bahri. «Suite à un partenariat avec la Ville de Casablanca et plusieurs écoles privées marocaines et étrangères, nous avons pu intervenir dans 20 écoles, un orphelinat, un jardin public, et ce, dans cinq villes marocaines. Nous avons été ravis de voir que la technique a été bien accueillie par les enfants comme par les enseignants. Nous espérons avoir une aide financière du gouvernement ou d'une fondation ou de l'un des ministères pour toucher plus d'enfants et aménager plus d'espaces publics tout en réduisant les déchets», explique M. Abid. Laurent Libre mise essentiellement sur les campagnes de sensibilisation dans les écoles afin de changer les mentalités et pour que les enfants portent un nouveau regard sur les déchets. «Le mot déchet, il faut le rayer du vocabulaire. Il faut apprendre aux gamins une autre manière de recycler et d'appréhender leur environnement», explique-t-il. Le succès rencontré par Laurent Libre et son équipe est indéniable. «Depuis début mai, on est allé dans plusieurs écoles et la méthode plaît aux enfants et au corps professoral», explique, enthousiaste, M. Libre. L'homme a formé deux maçons et un jeune animateur afin de créer un groupe Zero Energy Maroc pour la sensibilisation dans les écoles. Cette équipe dispense un cours théorique avec de la sensibilisation sur les déchets ainsi qu'une partie pratique qui consiste à fabriquer des bancs avec les déchets ou tout autre objet utile dans l'environnement des enfants. 3000Ecomen travaille aussi pour le compte de l'orphelinat de Bernoussi afin de réaliser des jeux, des bancs et des espaces d'accueil. Un projet est également en étude pour le compte du jardin public Murdoch (Merdoukh) pour la conception de bancs serpentés qui permettront d'optimiser la capacité d'accueil des familles. «Mon souhait c'est de généraliser cette opération à d'autres écoles, lui donner plus d'envergure, avec à la clé des projets scolaires et pérenniser ainsi ce type de recyclage. Il faut donner aux enfants et aux jeunes les moyens pour gérer eux-mêmes les déchets au sein de leur environnement immédiat, l'école bien sûr, mais également la maison, le quartier», espère M. Libre. Un avis que partage Saad Abid : «Si on veut vraiment que notre situation environnementale s'améliore, il faut absolument miser sur l'éducation de nos enfants, mais aussi la formation des policiers afin qu'ils puissent donner des contraventions aux pollueurs. Car, tant que l'on ne touche pas à la poche du citoyen, il ne respectera pas l'environnement. Il faut également mettre en place l'application de la taxe pollueur/payeur car certains dirigeants d'entreprises mériteraient la prison pour ce qu'ils font en matière de pollution de l'environnement. Le gouvernement devrait enfin soutenir les métiers verts avec une imposition faible pour encourager les jeunes entrepreneurs à se lancer dans ce segment». Des propositions bienvenues dans un Maroc où la protection de l'environnement, quoique importante, ne semble pas une priorité…