6,8 millions d'élèves ont pris le chemin de l'école cette année. Il y a une quasi-généralisation de la scolarité dans le primaire, mais une chute des effectifs dans le collège et le lycée. Les problèmes du préscolaire et de la qualité de l'enseignement se posent toujours. Le privé gagne des points, avec 802 987 élèves. Tels sont les grands traits de la rentrée 2014-2015. Presque 6,8 millions d'élèves ont pris le chemin de l'école les 10 et 11 septembre. Pour fréquenter les 10 667 établissements (162 983 salles de classe) disséminés à travers le Royaume et être encadrés par 224 390 enseignants. L'école publique marocaine est un vrai mammouth qui a coûté à l'Etat 47 milliards de DH en 2014 (contre 43 milliards en 2013, soit une hausse de 8,5%). L'école privée gagne aussi chaque année des points : 802 987 élèves entre le primaire, le collégial et le secondaire qualifiant; le premier accapare la part du lion avec 595 510, contre 128 605 au collège et 78 872 dans le lycée. Cette répartition inégalitaire dans le privé est socialement et économiquement justifiée : les parents mettent le paquet pour financer à leurs enfants une scolarité meilleure que l'école publique ne permet pas, notamment au cours des premières années de leurs études. Des sacrifices consentis pour permettre à leurs enfants l'acquisition d'une base solide dès le préscolaire, quitte à ce qu'ils les inscrivent plus tard dans l'école publique. La formation professionnelle, pour sa part, rattachée depuis quelque temps au ministère de l'éducation nationale au lieu de l'emploi, enregistre aussi des chiffres importants et une évolution non négligeable: 414 000 stagiaires, soit une évolution de 18% par rapport à 2013-2014. Quant au niveau post-baccalauréat, soit les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), les effectifs restent relativement timides, on le sait et cela existe même en France, c'est une élite qui se le permet. Entre les CPGE et le BTS, les effectifs des élèves dépassent à peine 14 000. La rentrée de cette année est riche en nouveautés et en espérances, dans un pays où la majorité de la population est encore en âge de scolarité. Commençons par les bonnes nouvelles d'abord. Elles concernent les effectifs d'enfants scolarisés dans le primaire. Les chiffres du ministère de l'éducation nationale (MEN) indiquent une nette progression des enfants scolarisés entre 6 et 11 ans : en 2007-2008, ils étaient à peine 81,1% de cette population, en 2013-2014 ils sont 99,5%. Sur ce volet, il faut reconnaître que des progrès énormes sont enregistrés ces dernières années, et les prévisions de la Charte d'éducation et de formation, avec un petit retard certes, sont largement dépassées. La deuxième bonne nouvelle est la mise en place du baccalauréat professionnel. Trois secteurs sont visés dans un premier temps puisque la formation se fait dans l'automobile, dans l'aéronautique et dans l'agriculture. L'objectif annoncé du ministère est l'extension et la valorisation de la voie professionnelle dans le système de l'éducation et de la formation. A partir de ce mois de septembre, cette formation ne se fait plus que dans les centres de formation, mais également dans les lycées. Un autre objectif derrière ce type de bac : rapprocher le système de l'éducation et de la formation du marché du travail, et augmenter, ce faisant, les chances d'insertion professionnelle des jeunes dans le tissu économique. Troisième bonne nouvelle, l'ouverture à titre expérimental des deux bacs options «anglais» et option «espagnol» dans un certain nombre de lycées, et l'extension du bac option «français», lancé l'année dernière, à d'autres lycées. 82 nouveaux lycées marocains sont concernés en cette rentrée scolaire. Là encore, l'objectif affiché du ministère est de renforcer chez l'élève la maîtrise des langues étrangères pour mieux le préparer aux études supérieures et à l'insertion professionnelle. La qualité de l'enseignement, un autre défi à relever Cette rentrée scolaire 2014-2015 incite à l'optimisme pour une autre raison: le nouveau Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS), dont les membres ont été officiellement nommés en juillet dernier, est à pied d'œuvre. Les 8 et 9 septembre, soit un jour avant la rentrée scolaire, il s'est réuni dans sa deuxième session pour examiner le rapport d'évaluation du système d'enseignement marocain 2000-2013, du primaire jusqu'au supérieur. Son président Omar Azzimane a promis une feuille de route d'une nouvelle réforme d'ici la fin de l'année 2014, laquelle devant s'inspirer du rapport en question et après avoir «identifié les facteurs qui ont obstrué l'application de la charte ou qui ont fait que les résultats ne soient pas ce qu'ils devraient être et que notre système éducatif ne soit pas au rendez-vous», annonce M. Azzimane. Ce qui ne marche pas, ou les mauvaises nouvelles de cette rentrée 2014-2015, c'est d'abord le grand problème du préscolaire, et les statistiques publiées par le MEN sont claires : le taux de scolarisation des enfants de 4 à 5 ans est à peine de 67,8%. Ce taux a gagné quelques points par rapport à 2007-2008 (où il était de 59,4%), mais un long chemin reste à faire pour atteindre les 100%. Et ce sont les filles du monde rural qui sont les plus pénalisées : à peine 36,1% sont préscolarisées alors que le taux général dans cette partie du Maroc ne dépasse pas 48%. Le Conseil supérieur de l'éducation l'a bien noté dans son rapport d'évaluation, et il a même livré une piste de réflexion pour résoudre ce problème du préscolaire, en suggérant reprendre le plan d'urgence et ses objectifs sur ce point. Il y a un vrai défi à relever pour l'actuel ministre de l'éducation. Il n'y a pas de mystère, le préscolaire est à la base de l'éducation et à la base de la qualité de cette éducation. La représentante de l'UNICEF au Maroc, Regina De Dominicis, s'en alarme en ces termes: «L'offre généralisée d'un préscolaire de qualité constitue l'une des réponses stratégiques pour améliorer l'efficience et les rendements aussi bien interne qu'externe du système éducatif et pour promouvoir l'équité des enfants dans leur accès à une éducation de qualité. Car si les disparités ne sont pas endiguées en amont, elles s'agrandiront au fil des années scolaires et resteront constantes après l'âge de 8 ans». Le deuxième défi à relever et par le conseil et par le ministère est justement celui de la qualité. Le rapport 2000-2013 le note aussi, l'élève marocain ne maîtrise ni l'arabe ni le français, et ses acquis au niveau des autres matières, notamment les mathématiques, ne sont pas mieux lotis.Troisième défi : arrêter l'hémorragie de la déperdition scolaire. Les statistiques du MEN ne laissent pas de doute: si elles montrent une généralisation de la scolarité dans le primaire, le collège et le lycée enregistrent des abandons de la scolarité par dizaines de milliers d'élèves. le taux de scolarité passe de 100% dans le primaire à 86,8% dans le collégial puis à 61% dans les lycées. Cela s'appelle un abandon massif en cours de route, n'arrive au bac que la moitié des effectifs inscrits en première année du primaire, les autres quitteront l'école… En milieu rural, les données du MEN montrent que les enfants de 6 à 11 ans n'arrivent pas tous au collège, seulement 69,5% parmi eux y accèdent, et le taux chute à 30,6% en ce qui concerne leur accès au lycée. Un autre aspect négatif de notre système d'éducation : les enfants en situation de vulnérabilité, particulièrement les enfants en situation d'handicap, n'ont pas les mêmes chances que les autres d'avoir droit à l'éducation. Les données du MEN parlent d'un taux de scolarisation de ces derniers ne dépassant pas 32,4%.